des enchères pour entériner le défaut de paiement de la Russie
Le défaut de paiement a été causé par le non-versement de 100 millions de dollars d’obligations en devises étrangères, même si Moscou ne le considère pas comme tel.
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"CDDC" pour Credit Derivatives Determinations Committee. Tel est le nom de l'instance internationale qui est actuellement au cœur des discussions sur la question du défaut de paiement de la Russie, en guerre en Ukraine depuis quatre mois et soumise aux sanctions internationales.
Ce conseil a en effet le pouvoir d'évaluer si des États ou des entreprises ne payent pas bien leurs dettes, et le cas échéant de déclencher des assurances. Ce cénacle est ressorti de l'ombre depuis l'invasion russe et les débats autour d'un défaut de la part de Moscou, empêché de payer ses dettes internationales en devises du fait des sanctions.
Composé de grandes banques et fonds d'investissement, c'est le CDDC qui décide s'il y a un « événement de crédit », le nom qu'il donne à un versement manqué, comme cela a été le cas pour la Russie en mai. C'est lui aussi qui dit s'il faut déclencher des produits financiers qui servent d'assurance contre le défaut de paiement d'une dette, les CDS (Credit Default Swaps).
Son antenne Europe/Moyen-Orient/Afrique (EMEA), basée à Londres, planche sur le cas russe depuis le début de la guerre et est arrivée à la conclusion que « oui » la Fédération de Russie « a échoué à payer (une échéance) de crédit », déclenchant ainsi la décision de mettre en place des enchères sur la dette russe.
Ces enchères actent le défaut de paiement de la Russie, lequel n'a jamais été officiellement annoncé mais était considéré comme déjà acquis par la plupart des acteurs économiques même en l'absence de l'évaluation des agences de notation rendue interdite par les sanctions occidentales.
Qu'est-ce que ça change ? Quasiment rien
La reconnaissance du défaut de paiement de la Russie ne change dans les faits pas grand chose. Moscou est en effet coupée des marchés de capitaux internationaux depuis son invasion de l'Ukraine fin février. De plus, le pays est peu endetté en devises étrangères, sa dette extérieure pesant pour environ 40 milliards de dollars. Sa dette publique est par ailleurs proche de seulement 20% de son PIB (à titre de comparaison, contre 114% du PIB en France).
Parallèlement, ses rentrées d'argent grâce aux ventes d'hydrocarbures ont été massives depuis le début de l'année sous l'effet de l'envolée des prix. Moscou a en effet encaissé plusieurs dizaines de milliards grâce aux ventes de pétrole et de gaz sur les six premiers mois de cette année. 97 milliards de dollars (à peu près l'équivalent en euros), dont environ 74 milliards grâce au pétrole, selon l'Institut international de la finance. C'est même bien plus d'après le Centre for research on energy and clean Air (CREA), centre de recherche indépendant basé en Finlande : 158 milliards d'euros en six mois de guerre.
Pour autant, le Kremlin s'insurge depuis des mois contre un défaut qu'il qualifie d' « illégitime » car précipité par les sanctions. Il s'agit en tout cas du premier défaut de Moscou sur sa dette extérieure depuis l'épisode des emprunts russes lancés par la Russie tsariste sur les marchés occidentaux, notamment en France, et que le dirigeant bolchévique Lénine avait refusé de reconnaître après la révolution de 1918.
2,37 milliards de dollars potentiels à la clé
Techniquement, l'opération d'enchères sur la dette russe doit se réaliser en deux temps. La première étape a pour vocation de fixer un prix initial à huit obligations mises aux enchères, tandis que la seconde étape, ouverte plus largement aux investisseurs, doit se baser sur la première étape pour fixer un prix définitif aux obligations.
« Le prix final de ces enchères déterminera le montant de recouvrement sur les CDS », explique la banque américaine JPMorgan dans une récente note qui évalue l'ensemble de ces assurances contre le défaut russe à 2,37 milliards de dollars.
Délai anormalement long
Cette opération d'enchères est habituelle dans les cas de défauts de paiements, à la différence que les délais ont été exceptionnellement longs dans le dossier russe, créant un flou de plusieurs semaines quant à l'indemnisation des investisseurs.
Entre le moment où le conseil de créanciers a reconnu que la Russie n'avait pas payé une échéance de remboursement et l'organisation des enchères ce lundi, il s'est écoulé plus de trois mois contre environ 30 jours en temps normal, selon un expert des CDS interrogé par l'AFP.
Cette longue latence s'explique par la glaciation du système financier russe sous l'effet des sanctions. Les investisseurs internationaux n'ont plus le droit depuis le printemps de s'échanger des titres russes. Or, le système d'enchères impose justement d'effectuer des échanges sur ces titres.
Afin de faciliter l'organisation de ces enchères, les autorités américaines ont exceptionnellement autorisé des transactions sur les huit obligations russes libellées en devises étrangères entre le 8 et le 22 septembre.
Selon JPMorgan, l'issue de ces enchères en matière d'appétit des investisseurs pour la dette russe est rendue très incertaine par l'interdiction des autorités américaines d'échanger des produits financiers de ce pays depuis des mois.
L'incertitude est aussi présente quant à la date exacte à laquelle le processus d'indemnisation des investisseurs ira à son terme. Basée à Londres, l'antenne Europe/Moyen-Orient/Afrique (EMEA) du CDDC, qui organise les enchères, a affirmé ces derniers jours que les jours chômés en raison des obsèques de la reine Elizabeth pourraient légèrement retarder l'ensemble du processus.