Le Qatar cherche à profiter de la crise ukrainienne
Avec moins de 3 millions d'habitants, le Qatar est devenu un pays crucial pour l'Europe dans sa quête effrénée de remplacement des importations énergétiques russes.
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Il l’est déjà puisqu’il bénéficie de l’envolée des cours du gaz. Les prix ont quadruplé en 2021, le prix spot a plus que doublé en un an. Les exportations qataries ont légèrement baissé en volume depuis le début de l'année pour des raisons de maintenance. Mais en valeur, elles ont explosé, à cause de cette hausse des cours. Portée par cette embellie, la croissance de l’émirat sera cette année de 4,9%, prédit la Banque mondiale. Un record depuis 2015.
La guerre en Ukraine est une aubaine pour l’émirat. La demande providentielle des Européens donne un nouvel élan à l’industrie gazière. C'est un nouveau moteur pour l'économie qui profite pour quelques mois encore de l’effet Coupe du monde, un effet qui va s’estomper après l’événement prévu à la fin de l'année.
Le Qatar peut-il devenir l'un des fournisseurs privilégiés des Européens en gaz naturel liquéfié, comme l’a affirmé il y a quelques jours le commissaire européen Thierry Breton ?
Il en a le profil. Le Qatar dispose des troisièmes réserves au monde et il s’est spécialisé dans le GNL. Il en était le premier exportateur au monde à partir de 2015, devant les États-Unis et l'Australie, deux pays qui l’ont aujourd’hui rattrapé. Ce GNL c'est précisément ce que recherchent maintenant les Européens pour sortir de la dépendance au gaz russe acheminé par gazoduc. L’Allemagne, le plus grand importateur européen de gaz russe, l’Italie, l’Espagne, la France, la Belgique, le Royaume-Uni ont tous entamé des discussions pour obtenir le plus rapidement possible un surplus de cargaisons qataries.
Mais il faudra patienter, car pour le moment 90% du gaz extrait du Qatar est exporté vers l'Asie dans le cadre de contrats de très longue durée. Doha n’a pas l’intention de les remettre en cause. Le Qatar a promis à l’Allemagne une première livraison en 2024.
Mais ce sera du gaz extrait du sol américain
Du gaz exploité au Texas par la filiale américaine de QatarEnergy et envoyé par bateau vers l’Allemagne. Pour le moment, les États-Unis sont de loin les premiers fournisseurs de GNL en Europe. Pour avoir une vraie montée en puissance des livraisons qatariennes vers l’Europe, il faudra attendre 2027. Quand l’émirat aura terminé les travaux d’extension du champ de NorthField, dans les eaux du Golfe persique. Sa production augmentera alors de 60% et la moitié du supplément pourrait partir vers l’Europe. À un prix et à des conditions qui restent à négocier.
L’Allemagne souhaite passer un contrat sur dix ans. Un engagement insuffisant pour les Qataris, ils veulent sécuriser des contrats plus longs et investir dans des terminaux sur le sol européen. À l’image des gazoducs pour la Russie, ces installations garantiraient une présence de long terme. Mais le ministre allemand de l’Économie a un autre agenda en tête, celui de la transition énergétique qui passe par le développement des renouvelables pour atteindre la neutralité carbone en 2050. C'est pourquoi l’Allemagne n’a pas prévu de construire des terminaux en dur, mais prévoit de se doter d'installations flottantes.
Un pré-accord sur l'énergie a été signé entre le Qatar et le Royaume-Uni
Lors de la venue de l’émir à Londres fin mai. Il porte essentiellement sur la fourniture de gaz et d'hydrogène. Par ailleurs, le Qatar a investi dans des terminaux en France, en Belgique, et en Angleterre pour livrer davantage de GNL. L’émirat a tout intérêt à trouver un terrain d’entente avec les Européens. C’est bénéfique pour son économie.
La richesse par habitant se rapproche de celle de la Suisse. Et c'est bénéfique pour sa diplomatie : ce gaz salvateur est le nouvel outil d'influence de ce mini territoire du Moyen-Orient.