Arrestations, torture, stérilisations… ce que dénonce le rapport de l'ONU sur le Xinjiang
Dans une vidéo stupéfiante mise en ligne sur YouTube, un dénommé Guanguan montre des images de 18 lieux de détention différents dans la région administrative spéciale du Xinjiang, où 1 à 2 millions de Ouïgours seraient détenus.
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Les faits Dans un rapport très attendu sur les violations chinoises des droits de l’homme au Xinjiang, publié mercredi 31 août, l’ONU dénonce clairement de possibles « crimes contre l’humanité », tout en confirmant des « stérilisations forcées », des « tortures » et l’existence du « travail forcé ». Les ONG s’en félicitent, la Chine est furieuse.
En dépit de très fortes pressions chinoises, Michelle Bachelet, à la tête du Haut-Commissariat aux droits de l’homme de l’ONU basé à Genève, aura in extremis tenu sa promesse. Au dernier jour de ses quatre ans de mandat mercredi 31 août, elle a publié son rapport d’une cinquantaine de pages sur les violations chinoises des droits de l’homme au Xinjiang. Sans ouvertement évoquer une stratégie chinoise « génocidaire », ce rapport dénonce toutefois très clairement de possibles « crimes contre l’humanité » commis par les autorités chinoises au Xinjiang.
Le rapport de l’ONU décrit un « schéma de détention arbitraire à grande échelle » au Xinjiang « au moins de 2017 à 2019 » dans des établissements sécurisés. Ce rapport cite des documents, présentés comme émanant des autorités chinoises, qui listent une série de raisons justifiant un internement pour « extrémisme » : avoir trop d’enfants, porter un voile ou encore avoir été condamné dans le passé. L’ONU estime, par ailleurs, qu’« il y a eu une évolution vers des incarcérations formelles (en prison, NDLR) » afin de continuer à maintenir en détention un certain nombre de personnes. Cette méthode est devenue le « principal moyen d’emprisonnement et de privation de liberté à grande échelle. »
Enfin, le rapport estime « crédibles » les accusations de torture et de violences sexuelles dans les établissements d’internement au Xinjiang. Des personnes interviewées par l’ONU disent avoir été immobilisées et battues. Certaines affirment avoir été violées ou avoir subi des « examens gynécologiques invasifs ». L’ONU a interrogé des femmes ayant déclaré « avoir été contraintes d’avorter ou de se faire poser un stérilet après avoir atteint le nombre d’enfants autorisé » par la politique nationale de limitation des naissances.
« L’heure de rendre des comptes »
« En ce sens, ce rapport est déjà satisfaisant », a réagi sur son compte Twitter Jing-Jie Chen, chercheur au sein de l’Organisation non gouvernementale de défense des droits humains Safeguard Defenders, basée à Madrid, « car il évoque les préoccupations sur la réalité des violations des droits de l’homme par la Chine ». À ses yeux, cette dénonciation officielle de la part de l’agence onusienne légitime tout le travail des multiples ONG qui dénoncent depuis des années le drame de la minorité ouïghoure au Xinjiang. Même s’il a fallu du temps pour obtenir une telle dénonciation à un tel niveau. Ce document appose le sceau de l’ONU aux accusations portées de longue date contre les autorités chinoises.
« Ce réquisitoire contre la Chine qui commet des crimes contre l’humanité contre les Ouïghours est également une victoire pour les droits de l’homme dans le monde entier », a également réagi Rayan E. Asat, avocate à New York et dont le frère Ekpar Asat, entrepreneur, est emprisonné au Xinjiang. Ce rapport « met à nu les violations massives des droits fondamentaux par la Chine », a déclaré Sophie Richardson, directrice de l’ONG Human Rights Watch pour la Chine.
« Ce rapport ouvre la voie à des actions sérieuses et tangibles des États membres, des agences de l’ONU et des entreprises », s’est réjoui Dolkun Isa, président du Congrès mondial ouïghour. « L’heure de rendre des comptes sonne maintenant. »
Comme on pouvait l’anticiper, la Chine est furieuse et s’enflamme. Pékin a estimé jeudi 1er septembre que le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH) était « le sbire et le complice » de Washington. « Le HCDH a créé de toutes pièces ce rapport, s’appuyant sur la conspiration politique de certaines forces antichinoises à l’étranger », a déclaré lors d’un point presse régulier Wang Wenbin, un porte-parole du ministère chinois des affaires étrangères.
Les Ouïghours, un peuple devenu minoritaire au Xinjiang
Les Ouïghours font partie du principal groupe ethnique du Xinjiang, province représentant un sixième du territoire chinois (trois fois la France), situé dans le nord-ouest du pays.
Environ 12 millions d’Ouïghours vivent au Xinjiang. Majoritaires avant la prise du pouvoir à Pékin par les communistes en 1949, ils ne représentent aujourd’hui que 45 % de la population du Xinjiang (26 millions), où les Chinois Hans sont devenus majoritaires suite à une politique de peuplement.
Musulmans sunnites pour la plupart, les Ouïghours parlent une langue turcique (proche du turc) et ont des similarités sur le plan culturel avec d’autres peuples d’Asie centrale.
Le Xinjiang dispose d’importantes ressources naturelles : pétrole, métaux et pierres précieuses.