Arabie saoudite : le prisonnier politique Mohammad al-Qahtani disparu avant sa libération
Le prisonnier politique Mohammad al-Qahtani qui devait être libéré de prison après y avoir purgé une peine de dix ans est porté disparu depuis plus de 100 jours.
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Alors que le prisonnier politique saoudien Mohammad al-Qahtani se préparait à quitter la prison après y avoir purgé une peine de dix ans, il a demandé à sa femme, Maha al-Qahtani, de lui procurer un iPhone et deux sweats de l’université de l’Indiana, où il a obtenu son doctorat.
Depuis les États-Unis où elle avait fui avec leurs enfants un mois avant l’arrestation de son mari le 9 mars 2013, Maha al-Qahtani a enchaîné avec les préparatifs pour sa libération, prévue pour fin novembre 2022.
Un mois avant la date tant attendue, Mohammad s’est volatilisé.
« Nous avions l’habitude de nous parler presque tous les jours, et soudain, il a cessé d’appeler »
- Maha, épouse de Mohammad al-Qahtani
« J’ai demandé [à l’administration pénitentiaire] s’il allait bien et on m’a répondu durement : “On ne sait pas ce qui se passe avec cet homme. On vous tiendra au courant.” », raconte Maha à Middle East Eye. « Et c’est tout, plus personne n’a répondu au téléphone. Personne ne m’a rappelée. »
Cela fait plus de 100 jours que Maha n’a plus de nouvelles de son mari. Elle n’a pas non plus été informée de l’endroit où il se trouve.
Le célèbre militant des droits de l’homme a été arrêté en 2012 pour son rôle dans la fondation de l’Association saoudienne des droits civils et politiques (ACPRA), aujourd’hui dissoute.
Comme d’autres membres de l’organisation, al-Qahtani a été condamné à une lourde peine de dix ans de prison en 2013.
Le 22 novembre, jour où sa peine a pris fin, voyant qu’il n'était pas libéré, les organisations de défense des droits de l’homme et sa famille se sont inquiétées de son sort.
« La dernière fois que je lui ai parlé, c’était le 23 octobre 2022 », rapporte Maha. « Nous avions l’habitude de nous parler presque tous les jours, et soudain, il a cessé d’appeler. »
Multiples chefs d’inculpation
HASM était une association pionnière dans la société civile saoudienne, connue pour son indépendance vis-à-vis du gouvernement. Son activité se concentrait sur le soutien aux « prisonniers d’opinion » et la dénonciation de la torture dans les prisons saoudiennes, entre autres choses.
Al-Qahtani, Abdullah al-Hamid (cofondateur de l’organisation) et Waleed Abu al-Khair (un de ses célèbres membres), ont reçu le Right Livelihood Award en 2018, pour « leurs efforts visionnaires et courageux, guidés par les principes universels des droits de l’homme, pour réformer le système politique totalitaire en Arabie saoudite ».
Cependant, l’impact de HASM fut éphémère.
En 2012, un tribunal a interdit l’organisation et a condamné ses cofondateurs al-Qahtani et al-Hamid à des peines de dix et onze ans de prison et à des interdictions de voyager respectivement de dix et cinq ans.
Les chefs d’inculpation étaient multiples : ils étaient notamment accusés de « semer des graines de sédition », de « rupture d’allégeance envers le souverain », de « mise en doute de l’intégrité des autorités », de « tentative de perturber la sécurité et d’incitation au désordre » et de « monter des organisations internationales contre le royaume ».
Plusieurs autres membres fondateurs de Hasm sont également derrière les barreaux, notamment Abu al-Khair et Mohammed al-Bajadi.
Maha confie que cette phrase sonnait comme un « rêve étrange » qu’elle espérait voir se terminer bientôt. Au moment où le tribunal a rendu son verdict, elle avait quitté le pays de peur que le gouvernement ne se serve d’elle contre son mari.
Enceinte, elle a emmené ses deux autres enfants aux États-Unis : la famille y avait déjà vécu alors que Mohammad terminait son doctorat en économie à l’Université de l’Indiana entre 1995 et 2002.
« Je ne pouvais pas dire à tous mes enfants [ce qui s’était passé]. Quand je l’ai dit aux plus jeunes deux semaines plus tard, ils ont été choqués », raconte Maha à MEE par téléphone.
« Quand le juge a condamné mon mari pour la première fois, mes enfants m’ont demandé “Est-ce qu’il craint Allah ?”. Comment un juge musulman peut-il faire cela, se comporter ainsi et être aussi injuste ? »
Nouveau procès et problèmes de santé
Sans nouvelles de Mohammad, les organisations de défense des droits de l’homme craignent pour sa santé et la possibilité d’un nouveau procès, en particulier compte tenu du sort de certains anciens prisonniers politiques dans le royaume.
Le collègue de Mohammad, Hamid, qui a été décrit comme un « activiste unique » dans l’histoire moderne de l’Arabie saoudite, est mort en prison en 2020, trois ans avant la date de sa libération. Des groupes de défense des droits de l’homme affirmaient que sa mort était le résultat de la « négligence médicale délibérée » des autorités saoudiennes.
Mohammad a également été victime de négligence médicale et de menaces pour sa sécurité en prison, selon l’organisation de défense des droits de l’homme ALQST.
En mai 2022, il a été agressé par un détenu atteint d’une maladie mentale. L’administration pénitentiaire « plaçait délibérément des prisonniers d’opinion » dans une aile pour les détenus souffrant de troubles mentaux, risquant ainsi leur vie, a déclaré l’organisation basé à Londres.
On a également refusé à Mohammad des examens à l’hôpital et un traitement pour une maladie de peau dont il souffrait.
Ensuite, la menace d’un nouveau procès pourrait expliquer la « dissimulation » de son sort par les autorités, selon Adel al-Saeed, un militant de l’Organisation européenne saoudienne des droits de l’homme (ESOHR).