NBA: le nouveau challenge du Français Rudy Gobert avec Minnesota
Membre du Utah Jazz depuis son arrivée en NBA, en 2013, le pivot français a rejoint cet été les Minnesota Timberwolves, qui débutent leur saison à Oklahoma City, jeudi.
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Il y a ceux qui dictent la tendance, ceux qui la suivent et ceux… qui cherchent à s’y opposer. Alors que la NBA évolue chaque année un peu plus vers un basket "sans position", où le "small ball" et surtout ses principes prédominent, les Timberwolves ont décidé d’aller à contre-courant en débutant avec deux pivots dans leur cinq majeur. Deux All-Stars, Karl-Anthony Towns et le nouvel arrivant Rudy Gobert, récupéré au Jazz en l’échange de quatre joueurs et quatre tours de draft. "On va jouer grand quand tout le monde joue petit", prévient déjà le coach Chris Finch. D’autres ont essayé avant lui. Mais "jouer grand", avec deux tours de contrôle, n'a encore jamais marché pour contrer un "small ball" qui n’a finalement plus rien à voir avec la taille mais qui concerne surtout la mobilité et la polyvalence des joueurs alignés sur le terrain.
Les Warriors ont construit leurs meilleures équipes en s’appuyant sur cette philosophie. Les Cavaliers, leur plus féroce adversaire, aussi. Tous les champions récents jouaient avec au moins quatre extérieurs en même temps. Voire cinq. Même les Lakers sacrés en 2020 ont essentiellement brillé quand Anthony Davis se décalait en pivot, laissant ainsi à LeBron James le poste d’ailier-fort théoriquement – puisqu’en pratique c’est lui qui menait le jeu. Les Bucks jouent avec Brook Lopez et Giannis Antetokounmpo mais ça reste du "small ball" avec des basketteurs de plus de 2,10 mètres.
LE RETOUR DES "TWIN TOWERS" À "TWIN CITY"
Le défi qui attend Gobert et la franchise de Minneapolis est donc… de taille. Jusqu’à présent, le Français et surtout ses formations du Jazz ont montré des limites en playoffs, quand leurs adversaires écartaient les lignes au maximum pour l’obliger à jouer au large en espérant le prendre de vitesse. Utah n’aura finalement pas passé une seule fois le second tour des playoffs. Même là, sur l’un des premiers matches de présaison, les Wolves ont été mis à mal par des Lakers privés de tous leurs cadres mais qui se sont appuyés sur cinq joueurs mobiles pour faire exploser la défense. Bon, ça reste des matches de préparation sans enjeu et Minnesota a fini par l’emporter assez nettement.
Résumer les déceptions du Jazz à une éventuelle "faiblesse" du pivot tricolore contre des adversaires plus rapides que lui serait tout de même exagéré, voire tout simplement faux. Les problèmes défensifs d’Utah s’expliquaient d’abord par l’absence de stoppeurs sur les ailes. Gobert devait boucher trop de trous à la fois. Mais pourquoi penser que ce sera différent à Minnesota ? Avec un Karl-Anthony Towns décalé d’un poste et donc contraint de chasser des joueurs plus petits et plus vifs loin du cercle tous les soirs ? Ce n’est même pas dit que le bonhomme ait vraiment pris conscience du challenge qui l’attend. "Je ne pense pas que ça va changer beaucoup de choses pour moi. Je vais continuer d’être ce joueur qui remplit les trous, quels que soient les besoins", confie l’intéressé. Soit il fait uniquement allusion à son jeu offensif, soit il se méprend sur ses propres capacités, ou du moins celles qu’il a affiché depuis son arrivée en NBA. D’Angelo Russell est déjà un point faible que les attaques adverses vont cibler. Towns – mais aussi Anthony Edwards – vont devoir sérieusement se mettre au défi de bloquer leurs vis-à-vis. Dans le cas contraire, Gobert risque de se sentir esseulé par moment.
Mais sa seule présence pourrait permettre aux Timberwolves de progresser au point de se rapprocher du top-10 des meilleures défenses de la ligue (13ème l’an passé, 111 points encaissés sur 100 possessions). Ses qualités collent avec les besoins de l’équipe. Il protège le cercle mieux que quiconque en NBA et il prend des paquets de rebonds. Mais son apport offensif n’est pas à négliger. Souvent critiqué pour son incapacité à scorer au poste bas, Rudy Gobert est un attaquant parfois mécompris. Il a pourtant de vrais atouts. Comme son habilité à poser de vrais bons écrans, qui pourrait presque office de passes décisives tant il offre des espaces à ses coéquipiers. Seules six franchises posaient moins d’écrans que Minnesota la saison dernière. Une statistique regrettable pour une formation qui compte Edwards et Russell, deux excellents slasheurs.
RUDY GOBERT, LE PROFIL IDÉAL POUR MINNESOTA ?
"Je pense que ce transfert est énorme pour D-Lo [D’Angelo Russell]. Il a un grand qui roule vers le cercle à qui il va pouvoir envoyer des alley-oops", prévient déjà le premier choix de la draft 2020. La saison qui arrive s’annonce décisive pour l’ancien joueur des Lakers. Son contrat expire en 2023. Et au-delà de la belle carotte financière, il doit prouver qu’il peut vraiment être l’un des hommes forts du projet. Parce que dans la situation actuelle, si l’une des "stars" doit être sacrifiée, ce sera lui. Gobert est le partenaire idéal à ses côtés. Le natif de Saint-Quentin va lui ouvrir des lignes de pénétration et profiter des passes lobées de son meneur pour marquer facilement de près. "Il voit tout. Il y a eu des moments à l’entraînement où je savais même pas qu’il m’avait vu alors que, oui, c’était le cas à chaque fois. C’est impressionnant. Et excitant", fait remarquer l’intérieur des Bleus.
Ce tandem pourrait s’affirmer comme l’un des points forts des Wolves. La complémentarité avec Towns est déjà moins évidente. En attaque, ça va forcer l’Américain à s’écarter encore plus que davantage. Tant mieux pour lui, il aime ça et il s’est autoproclamé le "meilleur intérieur shooteur de l’Histoire." Son pourcentage à trois-points parle en sa faveur (41% en 2022). Mais il va y avoir des repères à prendre et une alchimie à développer. Pour l’instant, les deux All-Stars n’ont pas joué la moindre minute ensemble en présaison. Il est fort probable que le coach divise son quatuor en deux : Gobert jouera l’essentiel de ses minutes avec Russell tandis que Towns partagera le terrain avec Edwards. De quoi assurer une certaine constance avec des joueurs de talent en jeu tout au long de la partie. Minnesota devrait mettre beaucoup de points chaque soir.
L’équipe va évoluer. Plusieurs médias US la voient même très haut placée, voire sur le podium de la Conférence Ouest. Mais ça, c’est l’excitation de la nouveauté. Même après joué les playoffs l’an dernier, elle reste loin des cadors comme les Warriors ou les Clippers. Est-elle vraiment meilleure que les Suns ou les Nuggets ? Quid des Mavericks, des Blazers, des Pelicans ou des Grizzlies, escouades qui ont les mêmes ambitions qu’elle ? Et c’est sans même évoquer les Lakers, toujours drivés par LeBron James et Anthony Davis. Les Wolves ont donc lâché énormément d’atouts – ils ont fait tapis – sans être sûrs de pouvoir réellement gagner une série de playoffs (ce qu’ils n’ont plus accompli depuis 2004). Mais les opportunités d’ajouter un joueur d’impact comme Rudy Gobert sont peu nombreuses, surtout pour une organisation qui n’attire pas les principaux talents lors de la Free Agency. "Il n’y a qu’une petite liste de joueurs d’élite. C’est tellement rare de pouvoir récupérer un basketteur qui fait autant la différence", justifie le nouveau GM Tim Connelly. La franchise a le mérite de tout faire pour se montrer compétitive. Ce n’est pas anodin pour Minnesota, une équipe qui n’a été que deux fois dans le top-8 sans la présence de Kevin Garnett dans l’effectif. A ce stade, peser, se hisser régulièrement en playoffs et peut-être passer un tour représente déjà beaucoup pour les Wolves.