Tactique : Rayan Cherki, la lumière dans le tunnel
FOOTBALL Le jeune milieu offensif de l’Olympique Lyonnais, qui disputait son 100e match professionnel vendredi contre l’AS Monaco (3-1), s'est distingué avec un joli but et un geste technique hypra spectaculaire, mais mal conclu
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C'est l'une des promesses de son club, dans une nouvelle saison très décevante pour l'OL, en attendant l'épilogue. Encore branché, comme son équipe, sur courant alternatif pour les observateurs, le meneur de jeu des espoirs français, Rayan Cherki, a fêté sa 100e chez les pros lors de la victoire de Lyon contre Monaco, vendredi 19 mai (3-1). Et de quelle manière ! Le Gone, qui fêtera ses 20 ans en août, a fait parler son « football champagne ». Le plus dur reste devant lui.
Il était attendu, et si tout n'est pas parfait, il est bien là. Rayan Cherki, l'un des plus grands espoirs du ballon rond, issu du célèbre centre de formation de l'Olympique lyonnais, dans sa ville natale, a de nouveau fait couler de l'encre cette semaine. Il a signé un match spectaculaire contre l'AS Monaco, qui lui réussit bien, et notamment un geste exceptionnel sur le but de Maxence Caqueret : une roulette dans la surface adverse, qui a fait ce week-end le tour de la planète foot. Il a ensuite marqué son but, remarquable de justesse, en fin de rencontre. Et a joué de nouveau un match complet, ne comptant pas ses efforts défensifs, ce qui lui est parfois reproché. Note L'Équipe le lendemain : 8/10.
« Il a progressé. Contre Monaco, pour tout dire, il a vraiment bossé », confirme Hervé Penot, journaliste au sein du célèbre quotidien sportif français. Rayan Cherki, relève notre confrère, est un pur numéro dix, joueur à vocation offensive doté d'une technique hors norme, ambidextre, dans une équipe tout aussi jeune et inconstante que lui. Il défend de plus en plus, certes, mais encore « à contre-temps », par moment. « C'est son entraîneur, Laurent Blanc, qui résume le mieux, selon Hervé Penot : il a un talent phénoménal, mais parfois, il joue comme quelqu'un que l'on a peut-être habitué à être libre sur le terrain. Il a encore des manques importants à combler. »
Cela peut donner des matches insipides ; des stades que l'on entend s'agacer d'un geste technique mal senti ; un manque de simplicité ; quelques prises de risque, aussi ; des coéquipiers frustrés par un mauvais choix ; une frappe trop molle ; une panenka ratée (c'était son joker) ; des coaches qui s'exaspèrent de le voir aller contre le sens du jeu, ralentir le rythme en gardant trop le ballon. De vilains défauts qu'il s'efforce néanmoins de corriger, même si le naturel peut revenir au galop. Et quand Rayan Cherki se met dans le bon tempo, quand il est bien, qu'il sent les choses, que son jeu devient fluide, plus simple, qu'il se montre altruiste, travailleur, réaliste, il devient injouable et le public se régale.
Cherki, un modèle de précocité
Beaucoup de footballeurs issus des jeunes de l'OL sont allés peupler les autres équipes de la Ligue 1, et sont devenus, très souvent, des tauliers du championnat de France, régulièrement décisifs contre leur club formateur, d'ailleurs. Bon nombre se sont imposés à l'étranger, y compris dans les plus grandes écuries du continent. Quelques-uns ont soulevé la Coupe du monde ou la Ligue des champions. L'un d'eux, si l'on se concentre sur l'ère Aulas, a gagné l'Euro. Le plus célèbre, Karim Benzema, est aujourd'hui Ballon d'or. Il serait donc cruel de comparer le jeune Rayan Cherki à ses aînés dans le Rhône, même si l'artiste évoque de grands noms du football sortis du même endroit, avec diverses fortunes par la suite.
Une chose est claire, cependant : le prodige, fréquemment surclassé depuis ses six ans à Saint-Priest, est en avance. Il demeure le deuxième plus jeune joueur à avoir marqué un but en Youth League, compétition regroupant les équipes de moins de 19 ans des clubs qualifiés pour la Ligue des champions. Lancé par Rudi Garcia, il est ensuite devenu le deuxième plus jeune joueur à participer à la C1 (il est actuellement troisième), puis le plus jeune buteur de l'histoire des pros de son club, lors d'un 32e de finale en Coupe de France, et enfin le plus jeune joueur à prendre part à une phase finale de la Ligue des champions, en demie contre le Bayern (Warren Zaïre-Emery, du PSG, l'a depuis surpassé).
Si Rayan Cherki n'est pas un pur attaquant, il s'est même permis de coiffer symboliquement la légende numéro un des buteurs de son équipe de cœur, le patriarche Fleury Di Nallo – qui continue de trôner à la tête du classement des buteurs de l'OL, loin devant Alexandre Lacazette et Bernard Lacombe –, en devenant le plus jeune joueur à atteindre la barre des six buts avec les Gones. Au passage, et pour l'anecdote, il a posé son nom sur le 5 000e « golaso » de l'histoire de l'Olympique lyonnais (hors CSC). Le nom « Cherki » est souvent cité en haut des classements mondiaux des jeunes les plus prometteurs de notre époque. L'UNFP l'a nominé chez les espoirs cette année.
Sa relation avec Laurent Blanc l'a servi
Si Rayan Cherki a les défauts de ses qualités, exacerbés par les exigences du football moderne focalisé sur les données, par exemple le nombre de kilomètres parcourus, il doit également soigner les statistiques qui se voient le plus chez les joueurs de son profil, et donc délivrer plus de passes décisives ou se montrer plus tranchant devant la cage adverse. Être encore plus incisif, en somme. Capable de tout, Cherki l'admet, il fonctionne à l'instinct, et parfois, il tergiverse. En coupe, il y a quelques mois contre Lille, il avait sans doute écouté son capitaine, appuyant lourdement sa frappe, qui avait fini sous la barre. Mais vendredi, il lui a fallu plusieurs occasions avant de régler la mire.Cherki n'est pas tellement introverti. Aussi en parlait-il en toute décontraction, sur Prime Vidéo après le match, s'amusant de la réaction exubérante du commentateur Smaïl Bouabdellah au moment de sa roulette impeccable – ce qui n'est pas anodin sur pelouse, chaussé de crampons – et livrant au passage les commentaires de Laurent Blanc, suite à son raté devant Nübel : « Il m'a dit " t'es bête, normalement sur celle-là, t'es censé mettre le but de l'année." Je pense qu'il n'a pas tort. Il est très, très dur avec moi, exigeant. C'est pour mon bien. On a une relation que je n'ai jamais eue avec d'autres coaches et c'est ce qui m'apporte le plus de bonheur et d'envie de tout donner à l'équipe. »
C'est un fait, l'entraîneur de l'OL ne ménage pas Cherki dans ses déclarations. Mais « Laurent Blanc lui parle beaucoup », constate Hervé Penot. Plus encore : « il lui fait confiance », quand d'autres pourraient s'interroger, surtout dans une situation d'urgence comptable comme ce fut le cas toute cette saison encore dans le Rhône. Cherki joue parfois sur une aile, ce qui est bon pour son foncier, moins pour sa défense. Mais fort de ses années à observer l'OL des années Fekir, lors desquelles officiait déjà Lacazette à la pointe de l'attaque, il semblerait que le « président » Blanc veuille voir le plus souvent sa pépite évoluer dans l'axe, en soutien du « général », rival de Mbappé chez les buteurs.
À l'OL, un jeune peut en cacher un autre
Cherki écoute-t-il les remarques incessantes, en toutes circonstances, même les plus excessives ? C'est probablement ce par quoi passent tous les talents bruts, scrutés de toute part, et devant encore être taillés. « Bien sûr que j'accepte, dit-il à Prime. Je ne sais pas pourquoi, mais les gens me mettent souvent une étiquette du mec qui n'a aucune exigence, alors que je pense que j'ai une exigence tout aussi dure que celle du coach avec moi-même. » Les critiques, dit-il encore, « je les prends avec dureté et je fais tout pour leur prouver qu'ils ont tort. Mais quand le coach parle, je prends tout à la lettre et je veux lui démontrer, quand il dit des choses un peu moins bien, qu'il s'est trompé. »
Rayan Cherki est sous pression, et sans doute cela se voit-il par moments. Cela libère peut-être aussi l'un de ses camarades du centre de formation, moins en avance et moins attendu au tournant, mais qui est, lui aussi, en train de marquer les esprits du côté de Lyon. Son nom ? Bradley Barcola, également nominé chez les espoirs pour le trophée UNFP. Rayan est né en août 2003 dans le 3e arrondissement et a grandi à Pusignan, près de l'aéroport, avant de rejoindre Saint-Priest puis l'OL, en 2010. Bradley l'avait précédé de peu, né à Villeurbanne en septembre 2002, passé par le club de sa ville, avant de rejoindre les jeunes du septuple champion de France la même année. Les voilà tous les deux pros, face à Messi & Cie
Symbole de cette jeunesse lyonnaise, qui continue au gré des aléas de former l'ADN du club, au moment même où l'OL s'interroge sur son avenir, avec le rachat et le départ précipité de Jean-Michel Aulas : début 2023, face à Troyes, les deux gamins de l'Académie ont chacun claqué un but. Or, comme le rapportait Opta, c'était la première fois depuis le 23 janvier 2008 que deux joueurs issus du centre de formation lyonnais âgés de 20 ans ou moins marquaient ensemble dans une rencontre de Ligue 1. Les précédents s'appelaient Ben Arfa et Benzema. Autant dire que si ces jeunes pousses auront donné des sueurs froides à Blanc cette année, elles lui auront sans doute aussi procuré de très belles émotions.
Sélection nationale, carrière professionnelle : quel avenir pour Cherki ?
C'est la question incontournable pour tous les gamins que l'on a comparés dans leur enfance, toujours à tort, d'ailleurs, à Zidane : quelle suite pour la carrière de Cherki ? L'intéressé n'y a pas échappé, et son discours n'a jamais vraiment varié. Attaché à l'Olympique lyonnais, celui qui porte actuellement le numéro 18 de son club formateur, comme Fekir, aimerait gagner la Ligue des champions avec Lyon, ce qui n'est pas du tout gagné sur le papier, puis « marquer le football français ». Et, comme le plus illustre de ses aînés au même âge, il garde dans un coin de sa tête le grand Real Madrid.
Rayan Cherki porte actuellement le numéro 10 chez les espoirs français. Il a passé ses classes au sein de la Fédération française de football, maillot bleu sur le dos, et vise actuellement une participation aux JO 2024 à Paris, comme Mbappé. Mais sportivement parlant, le jeune homme a plusieurs nationalités. Par son père, d'origine italienne, il se retrouve sur les tablettes de la Squadra Azzurra. Et du fait de sa maman, d'origine algérienne, les Fennecs gardent un œil sur lui, après avoir enregistré la venue d'un autre Lyonnais de naissance dans leurs rangs, Houssem Aouar.
Mais avec quatre buts et cinq passes décisives en L1, des coups d'éclat techniques réguliers, son expérience qui s'accumule dans des matches âpres, où il gagne en volume, Didier Deschamps pouvait-il ne pas l'observer de loin ? La réponse est bien évidemment non, et l'émission « Téléfoot », sur TF1, en a eu la confirmation récemment. Le 23 avril dernier, lors de l'Olympico remporté par l'OM (1-2) à Décines, son adjoint Guy Stéphan était en effet en tribune, et selon nos confrères, ce n'était pas uniquement pour superviser les internationaux marseillais, mais aussi pour lui : Rayan Cherki.
Pas uniquement pour lui, d'ailleurs. Car avec sept passes décisives et cinq buts en championnat, Bradley Barcola attire également les regards de grandes écuries et du staff de la sélection A des Bleus. D'autant que sa famille est pour sa part d'origine togolaise, et que son frère Malcolm, formé à l'OL aussi, au poste de gardien de but, et qui évolue actuellement en Bosnie-Herzégovine, a choisi de défendre les couleurs des Éperviers. Voici donc deux jeunes prometteurs, et donc convoités, que l'on pourrait un jour apercevoir chez les vice-champions du monde, à moins que le destin ne leur réserve un autre choix.