Incidents au Stade de France : Les supporteurs anglais devant le Sénat
Devant les sénateurs, plusieurs représentants de supporters sont venus témoigner du calvaire qu’ils ont vécu lors de la finale de la Ligue des Champions.
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Ils étaient les premiers concernés ; ils furent les derniers à être entendus. Coutumiers des tribunes, des représentants des supporteurs présents lors de la soirée de la finale de Ligue des champions – samedi 28 mai – ont troqué, mardi 21 juin, les gradins des stades pour ceux du Sénat. A leur tour, ils ont été auditionnés par les parlementaires, après les différentes autorités – préfecture de police, Fédération française de football, plusieurs ministres – ; et après que les sénateurs ont livré « les premiers enseignements » tirés de plus de deux semaines d’auditions, cinglant de « nombreux dysfonctionnements ».
« Ce qui était censé être un week-end merveilleux à Paris s’est transformé en expérience terrifiante », a exposé Ted Morris, représentant de Liverpool Disabled Supporters Association (association des supporteurs handicapés de Liverpool) : « Le traumatisme restera longtemps. »
Jusqu’alors, les auditions au Sénat avaient conservé la froideur des échanges administratifs, chacun venant justifier le comportement des troupes dont il avait la charge pour aboutir à cette conjonction des dysfonctionnements – à l’image du préfet de police, Didier Lallement, le 9 juin, ou des représentants de l’Union des associations européennes de football, l’UEFA, jeudi matin.
Les récits des fans, recensant les expériences vécues par de nombreux supporteurs, ont changé de ton, donnant de la chair aux chiffres et aux nombres avancés à l’envi depuis le soir du match. Des « témoignages accablants et une situation apocalyptique », a résumé l’ancien ministre des sports de François Hollande, Patrick Kanner, après que Ted Morris a relaté ce qu’a vécu un enfant de 8 ans autiste, « écrasé à l’extérieur du stade et séparé de son père, (…) agressé par des habitants de la ville puis aspergé de gaz lacrymogène ».
Les fans avaient fait pression pour obtenir le droit de s’exprimer devant le Sénat. « C’est la première fois depuis le 25 février, quand Paris a été choisi [pour accueillir la finale], qu’une institution nous écoute », a déclaré Joe Blott, représentant de l’association de supporteurs de Liverpool Spirit of Shankly.
Aux côtés de supporteurs français et madrilène, le Liverpuldien n’a pas ménagé la gestion des forces de l’ordre. « Les forces de police françaises sont restées bloquées aux années 1980 et nous ont tous pris pour des hooligans », a assené Joe Blott, dénonçant « les stéréotypes qui pèsent sur les fans de foot » et des « forces de police là pour la sécurité, mais pas pour la sûreté ».
Appel à la démission de Gérald Darmanin
« Les supporteurs de Liverpool ont été traités exactement comme on est traités toute l’année : comme une menace », a prolongé Ronan Evain, directeur exécutif de l’association Football Supporters Europe (FSE), présent au stade le soir du match comme observateur.
Si le déroulé des événements en marge de la finale de la Ligue des champions (ayant vu la victoire du Real Madrid face à Liverpool) a été largement mis au jour par les différentes auditions et par le rapport du délégué interministériel aux Jeux olympiques et paralympiques et aux grands événements sportifs, Michel Cadot, les supporteurs ont tancé « la communication hâtive, erreur originelle » de l’exécutif, selon Ronan Evain.
« Vos mensonges sans fin et vos faux récits n’ont fait qu’amplifier notre traumatisme. On ne les pardonnera jamais », a asséné Ted Morris au sujet du ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, l’appelant à « retirer [ses] accusations sans fondement et à avoir la décence de démissionner ».
Peu après la rencontre, ce dernier avait fustigé les supporteurs britanniques, mettant le fiasco sécuritaire sur le dos d’une « fraude massive, industrielle et organisée de faux billets ». Une thèse largement battue en brèche depuis, y compris jeudi par un responsable de l’UEFA, instance organisatrice de la Ligue des champions.
« Contrairement à ce qui a été dit ici même par le ministre de l’intérieur, les supporteurs anglais n’ont pas été à l’origine des incidents », a tranché le président de la commission des lois du Sénat, François-Noël Buffet, présentant ses excuses aux fans britanniques venus dans l’Hexagone « pour que justice soit faite ».
A deux ans des Jeux olympiques de Paris 2024 et un an de la Coupe du monde de rugby, les représentants des supporteurs ont réclamé davantage de communication en direct avec les instances – y compris la police – pour éviter que pareils dysfonctionnements se reproduisent.
« Il faut apprendre à s’entraîner à accueillir les supporteurs », a exhorté Pierre Barthélemy, représentant de FSE. Pour lui, la France, « seul pays en Europe qui interdit tous les week-ends des déplacements de supporteurs de football au motif qu’on ne sait pas les gérer », a beaucoup à apprendre de ses voisins sur leur gestion du supportérisme. « Quand on ne sait pas gérer 50 supporteurs, on n’a évidemment pas l’ambition d’en gérer 80 000. » Assis à ses côtés, les fans de Liverpool ont opiné du chef.