Découverte majeure de CO2 dans l'atmosphère d'une exoplanète par James-Webb
Cette découverte est une première étape vers la détection d’une atmosphère similaire à celle de la Terre sur d’autres planètes rocheuses
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Le James Webb n’en finit plus de nous ébahir. Depuis l’annonce de ses tous premiers résultats – de somptueux clichés de l'Univers proche ou lointain – en juillet 2022, le télescope spatial lancé par la Nasa, en collaboration avec l’Agence spatiale européenne (ESA) et l’Agence spatiale canadienne (ASC), a largement prouvé qu’il était en mesure de tenir toutes ses promesses, et même au-delà. Trois jours à peine après la publication d’une époustouflante image de Jupiter et de ses aurores, le 22 août dernier, de nouveaux résultats majeurs obtenus grâce à l’engin ont été annoncé dans la soirée de jeudi : pour la toute première fois, du dioxyde de carbone (CO2) a été détecté sans équivoque dans l’atmosphère d’une planète située en dehors de notre système solaire. Une découverte qui conforte l'idée que de telles observations puissent être prochainement réalisées sur des planètes rocheuses, dans le but de déterminer si l'une d'elles abrite des conditions favorables à la vie. Et, qui sait, la vie peut-être elle-même.
Une docile géante gazeuse
"Nous nous attendions à trouver tôt ou tard du CO2 dans l’atmosphère d’une exoplanète, mais cette observation n’en reste pas moins capitale", affirme à Sciences et Avenir Jérémy Leconte, astrophysicien et planétologue au Laboratoire d'astrophysique de Bordeaux (CNRS/Université de Bordeaux), qui compte parmi la bonne centaine de signataires de ces travaux à paraître dans la revue Nature le 29 août 2022. "Elle nous donne de bonnes raisons de penser que le James Webb sera capable de détecter et de mesurer du dioxyde de carbone et d’autres molécules dans les atmosphères plus denses des petites planètes rocheuses."
Les molécules de CO2 ont été détectées dans l’atmosphère de WASP-39b, une géante gazeuse chaude d’une masse proche de celle de Saturne mais dont le diamètre est 50% plus grand. Si elle est si grande pour son poids, c’est parce que contrairement aux géantes gazeuses plus froides et plus compactes de notre système solaire, WASP-39b orbite très près de son étoile (à peine un huitième de la distance entre le Soleil et Mercure), portant sa température de surface à plus de 900°C. Par ailleurs, à peine quatre jours lui suffisent pour faire le tour de son étoile. Autant de caractéristiques qui font d’elle une exoplanète relativement "facile" à observer, avec la méthode des transits (voir encadré) : son atmosphère est "gonflée" (peu dense, elle occupe un espace plus important autour de la planète), et les transits devant son étoile sont fréquents.
Le passage d'une planète devant son étoile, une mine d'informations. Lors d'un transit, une partie de la lumière des étoiles est occultée par la planète et se retrouve diffusée à travers son atmosphère. Cette dernière filtre alors certaines couleurs plus que d'autres en fonction de facteurs tels que sa composition, son épaisseur et la présence ou non de nuages. Ainsi, les chercheurs peuvent analyser les petites différences de luminosité de la lumière transmise sur un spectre de longueurs d'onde pour déterminer exactement de quoi est faite une atmosphère.
Précision inégalée
WASP-39b fait partie des objets sélectionnés pour les Early Release Science (ERS) du James Webb, une phase s’étendant sur les six premiers mois de vie du télescope et dédiée à des programmes d’observation en mesure de déboucher sur des résultats quasi-immédiats. "L’un des objectifs des ERS était d’observer une planète dans de nombreuses configurations différentes pour savoir si les instruments donnaient la même chose", explique Jérémy Leconte. Aussi les astronomes ont-ils dû trouver une cible capable de produire un signal fort et de se plier à une observation dès le début de la vie du Webb. "WASP-39b fut l’heureuse élue, mais on s’attendait pas à ce qu’elle ait quoi que ce soit de particulier."
"Avec une observation le 13 juillet dernier, nous avions les premiers résultats dès la semaine suivante, qui indiquaient la présence de CO2 comme le nez au milieu de la figure", se réjouit le chercheur. Dans le spectre résultant de l'atmosphère de l'exoplanète, les scientifiques ont en effet pu clairement observer une petite montagne entre 4,1 et 4,6 microns, correspondant à la preuve irréfutable de la présence de dioxyde de carbone. Jusqu'à présent, jamais aucun observatoire n'avait capturé un spectre de transmission d'exoplanète dans une gamme aussi détaillée de longueurs d'onde dans le proche infrarouge.
Visible au centre, la petite colline correspondant à la signature franche du CO2. Crédits : NASA, ESA, CSA, Leah Hustak (STScI), Joseph Olmsted (STScI)Pour comparaison, avec Hubble, il aurait fallu plusieurs transits - et donc attendre bien plus longtemps - pour obtenir un même degré de précision. Dans le communiqué de la Nasa, Zafar Rustamkulov, de de l'Université Johns Hopkins, revient sur le moment où la présence de CO2 est apparue clairement : "C'était un moment spécial, le franchissement d'un cap dans la science des exoplanètes."
Une porte grande ouverte vers la suite
Mais en quoi la détection de CO2 sur une planète extérieure à notre système solaire est-elle une avancée importante ? "Le CO2 est par exemple une molécule très intéressante lorsqu'il s'agit de déduire le climat d'une planète plus petite", détaille Jérémy Leconte. "La différence entre Vénus, Mars et la Terre, c’est notamment la quantité de CO2 dans leur atmosphère."
Alors que nos connaissances sur les planètes du système solaire sont aujourd'hui de plus en plus précises, elles devraient prendre une nouvelle dimension avec cette explosion d'informations à venir sur les exoplanètes. "On va pouvoir observer des dizaines et centaines de planètes autour de différents type d’étoiles, et faire de la statistique pour tenter de comprendre ce qui a pu se passer dans notre système solaire. Pourquoi y a-t-il tant de petites planètes rocheuses et tant de grandes gazeuses, alors qu’ailleurs, on ne retrouve pas tout les mêmes configurations ? Il existe des théories selon lesquelles sans nos planètes géantes, comme Jupiter ou Saturne, nos rocheuses n'auraient pu être ce qu'elles sont aujourd'hui..."
Si pour l'instant, les travaux sur WASP-39b réalisés au cours de l'été se sont focalisés sur le dioxyde de carbone, des indices de la présence d’autres molécules cruciales auraient également été obtenus, selon les confidences de Jérémy Leconte. "Ces résultats restent à confirmer, mais ils nous rendent déjà très enthousiastes.