Hépatites chez des enfants : la piste d’un virus ?
Selon les autorités sanitaires américaines, les adénovirus pourraient être la cause du problème.
Table of Contents (Show / Hide)
Les cas augmentent mais leur cause reste toujours mystérieuse. Au total, 228 cas d'hépatites aiguës ont été signalés à l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), qui continue de recevoir des signalements chez des enfants. En tout, 20 pays sont concernés et une cinquantaine d'autres cas sont en cours d'investigation. La majorité des cas provient d'Europe, principalement au Royaume-Uni, où 74 cas ont été identifiés début avril. Au moins un décès a été rapporté selon l'OMS. Trois autres, survenus en Indonésie, sont en train d'être examinés. Les trois enfants indonésiens, âgés de deux, huit et 11 ans, ont présenté de la fièvre, une jaunisse, des convulsions et une perte de connaissance.
Neuf cas ont également été enregistrés aux Etats-Unis, en Alabama, où les CDC (Center for diseases control) ont procédé à des analyses sur les patients. Il s'agit, pour le moment, des premiers cas survenus dans le monde, entre novembre 2021 et février 2022. Dans leurs travaux, les autorités américaines laissent entendre que ces cas d'hépatites aiguës seraient dus à un virus, sans pour autant confirmer cette piste. Les dossiers médicaux de l'hôpital Children of Alabama ont été passés en revue afin de trouver des patients reçus après le 1er octobre 2021, avec une hépatite ainsi qu'une infection à adénovirus détectée par PCR sur des échantillons sanguins, sans qu'aucune cause n'ait été déterminée pour l'hépatite. Au total, neuf cas ont été identifiés entre octobre 2021 et février 2022, chez des patients âgés d'environ six ans. Deux d'entre eux ont dû subir une greffe de foie. Les autorités américaines expliquent avoir retrouvé de l'adénovirus de type 41 (AD41) chez cinq patients sur lesquels une PCR a été effectuée.
AD41, Epstein-Barr et autres virus
Or AD41 est connu pour provoquer des gastro-entérites sévères mais pas des hépatites. "L'adénovirus 41 est une piste possible parmi d'autres", explique le Pr François Angoulvant, pédiatre à l'hôpital pour enfants Robert Debré à Paris à Sciences et Avenir. "L'AD41 n'a pas été retrouvé chez tous les enfants. Par ailleurs, les atteintes hépatiques ne sont pas toujours infectieuses. Il peut y avoir des causes toxiques, comme une cause médicamenteuse, une maladie métabolique, ou encore une maladie chronique du foie qui n'avait pas été identifiée jusqu'à présent."
Les CDC ont exclu plusieurs autres causes : les virus des hépatites A, B et C, mais également une infection au Covid-19. Par ailleurs, six des neuf patients ont été testés positif au virus d'Epstein-Barr, à des niveaux très bas. La recherche d'anticorps pour la maladie n'a rien montré. Les autorités parlent d'une "infection passée, qui aurait été réactivée." "On sait que le virus d'Epstein-Barr a un tropisme hépatique. Est-ce un co-facteur pour expliquer les hépatites ? Est-ce un hasard ? Impossible à dire pour le moment", selon le Pr Angoulvant. Si une PCR positive signifie normalement que le virus est actif, l'absence d'anticorps rebat les cartes de cette hypothèse et indique que l'infection est trop ancienne pour que l'organisme soit encore activement en train de combattre le virus. "L'Epstein-Barr virus (EBV) fait partie des infections classiques chez les enfants. Plus de 90% des enfants l'ont croisé, la plupart lorsqu'ils étaient nourrissons." Le spécialiste insiste également sur la fréquence des hépatites virales chez les enfants, en particulier dans les pays en voie de développement, où l'hépatite A est rencontrée par la majorité des enfants. Le problème pour les 228 cas recensés pour le moment étant de connaître leur origine.
Un éventuel rôle de la pandémie
Les autres analyses sur les échantillons sanguins ont montré la présence d'autres virus, dont des rhinovirus ainsi qu'un coronavirus humain OC32. Les enfants inclus dans l'étude n'ont pas d'historique de contamination au Covid-19. Toutefois, la pandémie aurait pu jouer un rôle. Certains experts supposent qu'une baisse de l'immunité suite aux confinements aurait pu causer une réaction plus sévère à l'adénovirus. D'autres émettent l'hypothèse qu'une infection au Covid-19 aurait endommagé le système immunitaire, le rendant plus fragile. Mais aucune de ces pistes n'a pu être confirmée pour le moment.
L'hépatite est une inflammation du foie, un organe vital qui digère les nutriments, filtre le sang et joue un rôle immunitaire. Le plus souvent, les hépatites sont causées par un virus. Mais les adénovirus ne causent en général des hépatites que chez les personnes immunodéprimées. Or, les patients d'Alabama étaient en bonne santé avant de tomber malades. Il se pourrait que les adénovirus soient "sous-reconnus comme des causes de maladies du foie chez les enfants en bonne santé" selon les CDC. Les adénovirus se transmettent par voie féco-orale (en portant à la bouche des doigts, des objets, des boissons ou de la nourriture
souillés par des matières fécales). Ils survivent sur les surfaces et ne sont pas bien éliminés par les gels hydroalcooliques selon l'American Academy of Pediatrics.
En France, les autorités sont aux aguets. La Direction générale de la Santé (DGS) a publié un message urgent stipulant que toute hépatite aiguë chez un enfant de moins de 18 ans doit conduire à la réalisation d’un bilan étiologique complet. Un bilan qui comprend des prélèvements sanguins, respiratoires, urinaires et fécaux. Si un adénovirus est retrouvé, le cas est considéré comme possible et doit donner lieu à un signalement à Santé Publique France. Pour le moment, aucun surnombre de cas n'a été recensé en France.