ONG Al-Haq : « Fermer une organisation palestinienne, c’est punir la société »
Shawan Jabarin, directeur d’Al-Haq, l’une des ONG accusées par l’Etat hébreu de soutenir le terrorisme, affirme que « fermer une organisation palestinienne, c’est punir la société ».
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Créée en 1979, l’ONG de défense des droits humains palestinienne Al-Haq est pionnière dans la lutte contre la colonisation israélienne. Elle coopère avec la Cour pénale internationale (CPI), qui enquête sur de possibles crimes de guerre commis par Israël et les factions palestiniennes. Jeudi 18 août, l’armée israélienne a perquisitionné et fait fermer les locaux de l’organisation, ainsi que ceux de six autres ONG à Ramallah (Cisjordanie). Son directeur, Shawan Jabarin, 62 ans, reçoit dans les bureaux qui ont rouvert, malgré les menaces.
Vous avez déjà été emprisonné plusieurs fois, soit près de huit ans passés en détention. Craignez-vous d’être de nouveau arrêté ?
Nous pouvons peut-être même être tués, les Israéliens sont experts en assassinats ciblés. Qui sait ? Ils peuvent nous arrêter, nous emprisonner, fermer nos locaux, confisquer les équipements. Dimanche [21 août], j’ai reçu un appel : un homme qui s’est identifié comme un capitaine du Shin Beth [services de sécurité intérieure israéliens] m’a dit : « Je veux vous voir. Vous continuez à travailler pour une organisation terroriste . » Je lui ai répondu qu’il mentait. Il a dit : « Ok, vous allez payer le prix. » C’est une menace ? ai-je demandé. « Oui, vous allez payer cher : arrestation, détention, interrogatoires et autres. » Je ne sais pas ce qu’il entendait par « autres ». J’ai dit à mes quarante-cinq employés que chacun d’entre eux pouvait être visé, je leur ai laissé le choix de démissionner. Aucun ne l’a fait. Défendre les droits humains en Palestine, ce n’est pas juste un travail, nous avons la foi. Nous savons ce que cela signifie d’être sous occupation, sans droits fondamentaux, nous le vivons dans notre chair.
Israël accuse Al-Haq d’avoir des liens avec le Front populaire de libération de la Palestine, organisation classée terroriste en Europe et aux Etats-Unis. Que répondez-vous ?
Israël doit avancer des preuves. Les Européens ont passé en revue les informations apportées par Israël, aucune n’était crédible selon les standards d’une démocratie. Cette nouvelle attaque a été précédée d’une longue campagne de diffamation, pour tenter de nous faire taire de différentes manières : avec des menaces de mort, en essayant d’assécher nos sources de financement… L’Etat israélien et ses responsables veulent modeler la société civile palestinienne selon leurs critères. Mais ils ne pourront jamais contrôler nos consciences et notre engagement.
Pourquoi, selon vous, Israël cible-t-il votre organisation ?
De leur point de vue, nous avons franchi certaines lignes rouges. Nous avons remis en question leur récit et avons coopéré avec la CPI. Pour Israël, vous ne pouvez pas désigner les crimes israéliens par leurs vrais noms – crimes de guerre, crimes contre l’humanité – et demander que des militaires et des dirigeants israéliens rendent des comptes.
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