Husan n'est pas un haut lieu de tensions en Cisjordanie occupée. Les affiches des devantures des commerces locaux sont écrites à la fois en arabe et en hébreu car nombre de colons israéliens des environs viennent y faire leurs courses, sans causer de problèmes.
A l'entrée du village, des soldats israéliens se tiennent en permanence sur un petit îlot bétonné qui fait figure de checkpoint.
Le 10 avril à la mi-journée, Ghada, 45 ans, vêtue d'une thob, une longue tunique, et le visage ceint d'un hijab, rentre de sa visite chez son oncle et marche à proximité de l'îlot lorsqu'un soldat tire des coups de semonce.
- "Peur pour leur avenir" -
Ghada, qui a des problèmes de vue et ne parle pas hébreu, panique mais continue de marcher. Un soldat ouvre le feu sur ses jambes. Ghada s'effondre. La scène est filmée par un reporter de la télévision palestinienne se trouvant à proximité.
Après de longues minutes d'attente, elle est transférée par le Croissant-rouge palestinien dans un hôpital de la ville voisine de Beit Jala, où les médecins constatent qu'elle s'est vidée de son sang.
Ghada n'avait ni veste explosive ni arme ni couteau sur elle.
"Ma soeur s'est rendue sur place et a demandé à un soldat en hébreu: "avait-elle fait quelque chose de mal ? "", raconte à l'AFP la mère de Ghada, Houria Sabateen, 69 ans.
"Le soldat a répondu: "Non". Alors elle a rétorqué: "Pourquoi avoir ouvert le feu sur elle dans ce cas?!" Et le soldat a répondu: "Désolé".
Autour d'elle, Omar, Jamila, Mohammed et Moustafa, quatre des six enfants de Ghada, s'alignent sur les canapés du salon, les regards vissés au plancher.
"Ils sont devenus orphelins. Et moi je suis vieille, et j'ai peur pour eux quand ils sortent, à cause de l'armée, je voudrais les nourrir, leur montrer la vie. J'ai peur pour leur avenir", souffle Houria, qui console son petit-fils, Moustafa, "brisé" depuis ce dimanche d'avril.
"En perdant ma mère, c'est comme si la vie n'avait plus de sens. (...) elle était tout, elle ne peut être remplacée", s'émeut Moustafa, déjà sage à 15 ans.
Issue d'une famille de scientifiques, elle-même diplômée en maths à l'université de Bethléem, Ghada avait passé une quinzaine d'années en Jordanie où elle a enseigné.
- "Une femme indépendante" –
Lorsque son mari est mort subitement il y a quatre ans, Ghada est rentrée à Husan avec leurs enfants.
"C'était une femme indépendante, paisible, cultivée, et qui ne s'intéressait pas du tout à la politique", relate Rafaat, son frère.
Interrogée par l'AFP, l'armée israélienne a indiqué avoir ouvert une enquête et affirmé que Ghada avait un comportement "suspect" aux yeux des soldats.
Après la mort de Ghada, les heurts nocturnes se sont multipliés dans la région de Husan. Un adolescent, Qusay Hamamra, qui a lancé selon l'armée un cocktail Molotov vers des soldats, a été tué par les forces israéliennes.