Gaza: tirs israéliens et bousculade lors d'une distribution d'aide, plus de 110 morts selon le Hamas
Des tirs israéliens sur une foule affamée et une vaste bousculade pendant une distribution d'aide qui a tourné au chaos jeudi dans le nord de Gaza ont fait plus de 110 morts selon le Hamas, le jour où le bilan de la guerre a dépassé les 30.000 morts dans le territoire palestinien.
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Plus d'une centaine de civils sont morts et au moins 760 ont été blessés en se ruant sur des camions d'aide humanitaire, dans le nord de la bande de Gaza, alors qu'ils attendaient des camions d'aide humanitaire, ce jeudi 29 février, selon le ministère de la Santé du Hamas, au pouvoir dans l'enclave palestinienne. « Le bilan du massacre de la rue al-Rashid à Gaza-ville s'élève désormais à 104 morts et 760 blessés », a déclaré dans un communiqué le porte-parole du ministère de la Santé du Hamas, Ashraf al-Qudra, révisant à la hausse un premier bilan hospitalier qui faisait état d'au moins 50 morts.
Pour expliquer ce qu'il s'est passé, le directeur des urgences de l'hôpital al-Chifa, dans la ville de Gaza, Amjad Aliwa, ainsi que plusieurs témoins ont d'abord indiqué à l'AFP que des soldats israéliens avaient tiré sur « des milliers de citoyens » qui se précipitaient vers des camions d'aide humanitaire dans un rond-point de l'ouest de la ville, alors que le territoire est au bord de la famine.
Des Palestiniens racontent en effet avoir été forcés ces derniers jours à manger du fourrage animal ou à abattre des animaux de trait, pour se nourrir. Pour l’ONG israélienne B’Tselem, qui défend les Palestiniens, « si les habitants de Gaza meurent de faim, c’est à cause de la crise humanitaire qu’Israël a intentionnellement créée. »
À Gaza, l’incident est baptisé le « massacre de la farine ». Mohamed, un habitant du nord de Gaza, résume ce qu'il sait de cet événement tragique, au micro de notre correspondant à Jérusalem, Sami Boukhelifa. « Je vous répète ce que m’ont raconté des témoins oculaires : à l’aube, il y a eu une importante bousculade près d’une position de l’armée israélienne. Ensuite, plusieurs salves de tirs sont parties d’un char israélien en direction de la foule. Il y a eu plein de morts, et des blessés. »
Mouvement de foule et des personnes « piétinées », selon l'armée israélienne
De son côté, selon l'armée israélienne, 30 camions d'aide sont entrés dans Gaza par le point de passage de Kerem Shalom tôt dans la matinée et se sont dirigés vers le nord, rapporte le média israélien Haaretz. En arrivant à la jonction de la ville de Gaza, les camions ont été pris d'assaut par les habitants, ont affirmé les forces de défense israéliennes (IDF), ce qui a entraîné la mort de dizaines de personnes « piétinées ». « Alors que le convoi est entré dans le nord, des milliers de personnes se sont précipitées sur les camions, ce qui a provoqué une bousculade dans laquelle des dizaines de Gazaouis ont été blessés et tués, certains d'entre eux renversés par des camions », a indiqué un responsable de l'armée à l’AFP.
Les camions ont poursuivi leur route vers le nord et, lorsqu'ils ont atteint le quartier de Rimal, des individus armés auraient assailli les camions pour les piller. À ce moment-là, d'après le récit de l'armée israélienne, des « dizaines » de civils ont foncé sur les camions, et se sont rendus à proximité des forces israéliennes dans la zone, ce qui a incité les soldats à tirer « des coups de semonce en l'air », avant « d'ouvrir le feu » et de viser les jambes de ceux qui continuaient à s'avancer vers eux.
Ces soldats israéliens se sont sentis « menacés », avant de tirer à balles réelles sur des Palestiniens, ont expliqué à l'AFP des sources israéliennes. « Il s'agissait de tirs restreint (...), il ne s'agissait pas d'un événement massif de notre point de vue », a ajouté le responsable de l'armée, sans toutefois fournir de bilan des tirs. Sur X (ex-Twitter), l'armée israélienne a partagé une vidéo qui d'après elle, montrerait les camions humanitaires pris d'assaut par des Palestiniens. Dans un autre tweet, l'armée précise que « les détails de l'événement sont en train d'être examinés ».
Un « horrible massacre », d'après l'Autorité palestinienne
Le Hamas a réagi en indiquant que cet incident pourrait faire échouer les négociations concernant un cessez-le-feu et un accord de libération des otages. « Les négociations menées par la direction du mouvement ne sont pas un processus ouvert aux dépens du sang de notre peuple », a déclaré l'organisation, faisant référence aux morts de ce jeudi et affirmant qu'Israël serait responsable de tout échec des pourparlers. Le bureau du président palestinien Mahmoud Abbas a déclaré qu'il « condamnait l'horrible massacre perpétré par l'armée d'occupation israélienne ce matin contre les personnes qui attendaient les camions d'aide au rond-point de Nabulsi ».
Une réunion d’urgence du Conseil de sécurité de l'ONU se tient à huis clos à 21H15 GMT ce jeudi pour évoquer le drame à Gaza. Le porte-parole du secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a dénoncé des morts dans des « circonstances horribles ». De son côté, le président américain Joe Biden a indiqué que son pays examinait les « versions contradictoires » du drame. Les États-Unis ont également exigé qu'Israël apporte « des réponses » sur ce qui s’est passé, évoquant une situation « désespérée » à Gaza.
« Nous continuons à affirmer clairement, dans toutes nos conversations avec le gouvernement israélien, que toutes les mesures possibles doivent être prises pour permettre l'entrée de davantage d'aide dans la bande de Gaza », a assuré Matthew Miller, porte-parole du département d’État américain. Cependant, il n'y aura « probablement » pas de trêve à Gaza d'ici lundi, a affirmé Joe Biden après avoir dit en début de semaine qu'il espérait un cessez-le-feu d'ici au 4 mars.