Birmanie : la peine de mort pour deux opposants de la junte, les premières éxecutions depuis plusieurs décennies
La junte birmane a exécuté quatre prisonniers, dont un ancien député prodémocratie du parti d’Aung San Suu Kyi et un célèbre opposant, ont annoncé lundi 25 juillet les médias d’Etat. L’armée au pouvoir poursuit une répression sanglante contre ses opposants, avec plus de 2 000 civils tués depuis le coup d’Etat de 2021.
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C’est la première application de la peine de mort en Birmanie depuis plus de trois décennies. La junte birmane a exécuté quatre prisonniers, dont un ancien député prodémocratie du parti d’Aung San Suu Kyi et un célèbre opposant, ont annoncé lundi 25 juillet les médias d’Etat. Ces quatre personnes avaient été condamnées pour des « actes de terreur brutaux et inhumains » et les exécutions ont suivi « les procédures de la prison », a affirmé le journal d’Etat Global New Light of Myanmar, sans préciser comment ni quand elles ont eu lieu.
Depuis le coup d’Etat militaire du 1er février 2021, des dizaines d’opposants à la junte ont été condamnés à mort, mais aucune exécution n’avait eu lieu jusqu’à présent.
Phyo Zeya Thaw, 41 ans, ancien député de la Ligue nationale pour la démocratie (LND), avait été arrêté en novembre et condamné en janvier pour avoir enfreint la loi antiterroriste. Ce pionnier du hip-hop en Birmanie, dont les paroles critiquaient déjà l’armée au début des années 2000, avait connu la prison en 2008 pour appartenance à une organisation illégale et possession de devises étrangères.
Il avait obtenu un siège de député lors des élections de 2015, pendant la transition amorcée entre le pouvoir militaire et un gouvernement civil. La junte l’accusait d’avoir orchestré plusieurs attaques contre le régime, notamment une attaque contre un train dans laquelle cinq policiers avaient été tués en août dernier à Rangoun.
Kyaw Min Yu, 53 ans, dit « Ko Jimmy », était un écrivain et opposant de longue date à l’armée, célèbre pour son rôle dans le soulèvement étudiant de 1988 contre la junte de l’époque. Il avait été arrêté en octobre et condamné en janvier.
Selon des médias locaux, des membres des familles des deux hommes se sont réunis devant la prison d’Insein à Rangoun, où ils étaient détenus, dans l’espoir de récupérer leurs corps. Les deux autres prisonniers exécutés sont deux hommes accusés d’avoir tué une femme qu’ils soupçonnaient d’être une informatrice de la junte.
La junte avait fait savoir le mois dernier qu’elle entendait mener à bien ces exécutions, malgré les avertissements de la communauté internationale. La dernière exécution capitale en Birmanie remontait à 1988, selon un rapport d’experts des Nations unies de juin, qui dénombrait 114 condamnations à mort depuis le coup d’Etat. Ces experts avaient averti que les exécutions pourraient s’accélérer, faute de réaction de la communauté internationale.
« Nouvelle étape dans l’escalade des atrocités »
La Ligue nationale pour la démocratie s’est dite « dévastée » lundi après l’exécution des quatre prisonniers. « En plus des innombrables atrocités contre le peuple birman, la junte militaire a effrontément commis un autre crime outrageux (…) ignorant les demandes de la communauté internationale et de ceux qui réclament la justice », a écrit dans un communiqué le parti.
La France « condamne fermement » les exécutions de « quatre prisonniers politiques » en Birmanie, qui constituent « une nouvelle étape dans l’escalade des atrocités commises par la junte birmane depuis le coup d’Etat », a déclaré lundi la porte-parole du ministère des affaires étrangères français. L’Union européenne « condamne fermement » ces exécutions « pour des motifs politiques », a réagi, de son côté, le chef de la diplomatie de l’UE, Josep Borrell, dans un communiqué.
« Ces violences répréhensibles démontrent le mépris total du régime pour les droits humains et l’état de droit », a dit le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, dans un communiqué. « Elles n’arrêteront jamais la détermination du courageux peuple de Birmanie. » Le Japon, qui « déplore ces actions (…) qui mènent à un conflit plus dur », s’est joint à la vague de protestations.
La haut-commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Michelle Bachelet, a condamné ces exécutions : « Cette mesure cruelle et régressive s’inscrit dans le prolongement de la campagne de répression que les militaires mènent actuellement contre leur propre peuple. »
Pour l’ONG de défense des droits humains, Human Rights Watch, ces exécutions constituent « un acte de la plus grande cruauté ». « Les pays membres de l’Union européenne, les Etats-Unis et les autres gouvernements doivent montrer à la junte qu’il y aura des comptes à rendre pour ses crimes », a déclaré Elaine Pearson, directrice Asie de l’ONG.
Des dizaines d’opposants condamnés à mort
« Ces exécutions (…) sont un nouvel exemple du bilan atroce des droits humains en Birmanie. (…) L’armée va continuer à piétiner la vie des gens tant qu’elle ne sera pas tenue pour responsable », a déclaré Erwin van der Borght, le directeur Asie-Pacifique d’Amnesty International.
« Ces actes pervers doivent marquer un tournant pour la communauté internationale. (…) Le statu quo de l’inaction internationale doit être fermement rejeté », a réagi Tom Andrews, rapporteur spécial des Nations unies pour les droits de l’homme en Birmanie, dans un communiqué sur Twitter.
Ces exécutions risquent d’accentuer l’isolement international des militaires birmans, qui avaient pris le pouvoir par la force le 1er février 2021 sous prétexte de prétendues fraudes aux élections de l’année précédente, remportées de façon écrasante par la Ligue nationale pour la démocratie (LND).
Depuis ce coup d’Etat, la Birmanie a condamné à la peine de mort des dizaines d’opposants à la junte. Elle est également visée par des accusations de génocide contre les Rohingya. En 2017, plus de 740 000 membres de cette minorité musulmane ont trouvé refuge dans des camps de fortune au Bangladesh pour fuir les exactions des militaires.