Coupe du monde 2022 au Qatar : une nouvelle étape dans le désaveu des grands événements sportifs
Détourner de la Coupe du monde 2022 au Qatar, dénonçant un non-sens écologique et les mauvais traitements infligés aux ouvriers sur les chantiers des stades. Au sein de la société française, les appels au boycott demeurent toutefois limités.
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A deux mois de la Coupe du monde de football 2022 au Qatar, les consciences commencent à s’éveiller. Plusieurs anciens joueurs ont appelé au boycott. Éric Cantona, par exemple, qui stigmatise “une aberration écologique et une horreur humaine”. “Combien de milliers de morts pour construire des stades ? demande l’ancien international français. Même son de cloche avec Philipp Lahm, capitaine de l’équipe d’Allemagne qui a remporté le mondial en 2014. Il n’ira pas au Qatar.
Il y a aussi cette initiative et cette Une du Quotidien de la Réunion, le journal le plus lu de l’île de l’océan Indien : « Sans Nous. » Ce journal ne parlera pas de la Coupe du monde pendant la compétition, comme l’explique Flavien Rosso, chef du service des sports : « Il y a toute une série de décisions complètement absurdes, en termes de violation des droits, en termes de violation de l’environnement, concernant le manque de respect envers les minorités. Il fallait dire « stop », sachant que nous ne jugeons pas et ne condamnons pas forcément le Qatar. On juge vraiment comment s’est construite cette Coupe du monde et qui, selon nous, est incompatible avec les valeurs que Le Quotidien essaie de développer depuis 46 ans. »
Pour certains joueurs, il est difficile de prendre position
Une autre réaction a fait grand bruit, celle de l’acteur français Vincent Lindon. Lui, dont les rôles au cinéma sont connus et qui a présidé le dernier Festival de Cannes, pointe du doigt une “aberration écologique” et un “irrespect de l’idéologie des droits de l’homme”. “Nous vivons dans une maison de fous géante”, se laisse-t-il emporter. Une enquête du journal britannique The Guardian en 2021 a rapporté que des milliers de travailleurs migrants étaient morts au Qatar depuis le début des travaux sur la Coupe du monde. Vincent Lindon regrette, comme il l’a expliqué à la chaîne de télévision France 5, qu’aucun grand joueur actuel, susceptible d’aller en Coupe du monde, n’occupe un poste et refuse d’aller au Qatar : “Ça paraît réducteur mais ça ne peut venir que des joueurs . . Ça ne peut pas venir d’un état. Un état n’a pas le droit de demander à des joueurs ou à Didier Deschamps de boycotter la Coupe du monde. Mais un joueur, il est libre ! C’est un artiste ! Il peut ! Donc je pense que ce serait bien, Oui. “
Prenez-vous position contre le Qatar ? Ce n’est peut-être pas aussi simple qu’il n’y paraît pour un joueur. Prenez l’Argentin Lionel Messi, le Brésilien Neymar et le Français Kylian Mbappé. Ils jouent pour le Paris Saint-Germain dont le propriétaire-actionnaire n’est autre que le Qatar. Et plus loin, si l’on regarde les 32 pays qualifiés pour la Coupe du monde, aucun joueur d’aucune équipe nationale n’a pour l’instant appelé au boycott. Décevant? Non, assure Benjamin Moukandjo, aujourd’hui retraité des terrains et qui a disputé la Coupe du monde 2014 avec le Cameroun : « C’est facile, quand on a terminé sa carrière, de se dire qu’il ne faut pas y aller. Mais quand on bat son plein, qui ne voudrait pas jouer la Coupe du Monde ? C’est le Saint Graal, le summum du football. Bien sûr, je ne dis pas qu’il faut tout accepter car il faut jouer une Coupe du monde, loin de là ! Maintenant, prendre position quand on est joueur, je les comprends parce que c’est très, très difficile… »
Un boycott contre-productif ?
Et s’il ne faut pas aller au Qatar, sur la question des droits de l’homme, faut-il aller en Russie il y a quatre ans pour la dernière coupe du monde de football ou à Pékin en Chine pour les JO de 2008 ? La question doit être posée. Pour Jean-Baptiste Guégan, en tout cas, auteur de Géopolitique du sport, Une autre explication du monde, le boycott de ces grands événements n’est pas la solution : « Le boycott est la pire des solutions, car du coup, ça empêche le dialogue, la discussion et la création d’un rapport de force avec le pays en question. Et dans ce cas, si tu veux changer la question des droits de l’homme à l’époque et la condition des travailleurs, il faut y aller, il faut argumenter avec eux et il faut utiliser cette coupe du monde comme un levier. . .
Essayer de peser de l’intérieur, c’est ce que tente de faire l’ONG Amnesty International depuis 10 ans, depuis l’attribution de la Coupe du monde au Qatar, avec la publication d’enquêtes. Certains rapports ont également poussé les autorités qataries à modifier marginalement la législation du travail. Sabine Gagnier, responsable des questions de discrimination à Amnesty, estime qu’il faut continuer à faire pression sur Doha de cette manière : « Jusqu’à présent, notre organisation n’a pas appelé au boycott de la Coupe du monde. Nous pensons qu’il s’agit vraiment d’une opportunité de braquer les projecteurs sur ces violations et d’attirer l’opinion mondiale pour dénoncer cette situation. Et j’espère que cela obligera le Qatar à changer les conditions de travail là-bas. »
Quoi qu’il en soit, le compte à rebours a commencé. Dans deux mois, le 20 novembre, se jouera le match d’ouverture entre le Qatar et l’Equateur. Un mois de compétition jusqu’à la finale le 18 décembre.