Alors que s’ouvrent, lundi 15 avril à Washington, les réunions de printemps des deux grandes institutions financières internationales, l’ONG Oxfam publie une courte analyse pointant du doigt la persistance, voire l’augmentation des inégalités de revenus dans les pays qui bénéficient de prêts du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale.
« Le FMI et la Banque mondiale prétendent faire de la lutte contre les inégalités une priorité, mais en même temps, ils encouragent des politiques qui accroissent le fossé entre les plus riches et les autres », dénonce dans un communiqué au vitriol Kate Donald, la directrice du bureau d’Oxfam à Washington. « Il faut en finir avec cette hypocrisie », affirme-t-elle.
Pour appuyer son propos, l’ONG spécialisée dans la lutte contre la pauvreté a épluché les données publiées par la Banque mondiale ces 10 dernières années. Résultat : les inégalités de revenus sont anormalement élevées ou en augmentation dans 60% des 106 pays bénéficiaires d’un prêt ou d’un don de l’une des deux grandes institutions internationales.
« Le Mali, le Niger ou le Burkina Faso consacrent plus au remboursement de leurs dettes qu’à leur budget d'agriculture ou de santé »
« Les politiques menées par le FMI et la Banque mondiale sont inadaptées pour lutter contre les inégalités », assure à RFI Louis-Nicolas Jandeaux, responsable de la campagne sur les enjeux de financement du développement chez Oxfam France. « L'immense partie de leur soutien se fait sous forme de prêts, et donc, participe au surendettement des pays qu’ils sont censés justement aider. Par exemple, le Mali, le Niger ou le Burkina Faso consacrent plus au remboursement de leurs dettes, y compris à destination du FMI, qu’à leur budget d'agriculture ou de santé », poursuit-il.
Oxfam dénonce aussi les cures d’austérité imposées par le FMI aux pays qu’il soutient. « Une très grande proportion de pays africains sont surendettés ou en risque de surendettement », rappelle Fati N'Zi Hassane, directrice Afrique d'Oxfam, jointe par RFI juste avant qu'elle ne s'envole pour Washington. « C'est une situation qui empêche les gouvernements africains d'investir suffisamment dans les secteurs qui permettent une réduction des inégalités. Il faut donc réduire la dette, l'annuler, la restructurer. Mais il faut aussi regarder d'autres formes de financement et faire en sorte que ces financements soient alloués de manière beaucoup plus juste, en privilégiant les dons plutôt que les prêts à taux à taux élevés comme c'est le cas aujourd'hui. »
Appel à une campagne de dons « la plus large de tous les temps »
La Banque mondiale dispose d'un instrument qui lui permet de subventionner des projets dans les pays qu'elle soutient plutôt que de simplement prêter de l'argent : l'Association internationale pour le développement, plus connue sous l’acronyme anglais « IDA ». La moitié de ses bénéficiaires se trouvent en Afrique. Malheureusement, ses ressources sont très limitées. Le directeur de la Banque mondiale, Ajay Banga, appelle les pays donateurs à un sursaut pour faire de la prochaine campagne de dons « la plus large de tous les temps ». « La Banque mondiale s'est fixée des cibles afin de réduire les inégalités. C'est la première fois de son histoire en plus de 80 ans », salue Louis-Nicolas Jandeaux.
« Ça va dans le bon sens, abonde Fati N'Zi Hassane. Mais il faut aussi s'assurer que cet argent sera dirigé vers des secteurs qui réduisent vraiment les inégalités et qu’il touche les couches de la population qui en ont le plus besoin. Quand on sait par exemple qu'une partie de l’IDA est dévouée à la société financière internationale, à des entreprises génératrices de bénéfices et de profits, on se demande si c'est la meilleure utilisation de cet argent. »
RFI