A Limassol, cité balnéaire de 100 000 habitants au sud de Chypre, les Russes sont d’ordinaire partout, à tel point que la ville a été surnommée « Limassolgrad ». Environ 18 000 ressortissants sont installés de manière permanente sur l’île de Méditerranée orientale. Journaux, chaînes de télévision, écoles russes… ils ont créé une enclave dans la ville. L’été, les touristes russes affluent et s’ajoutent à cette communauté installée depuis la chute de l’URSS au début des années 1990.
La station accueille entre 60 % et 70 % de clientèle russophone chaque année. Alors quand Haris Theocharous, propriétaire du GrandResort, hôtel luxueux de 255 chambres, a appris à la télévision l’invasion russe en Ukraine le 24 février, il a été pris de panique. A quelques jours de la réouverture, le quinquagénaire se démène pour préparer l’établissement et trouver de nouveaux partenariats avec des tour-opérateurs européens. Mais il craint une « saison catastrophique, pire encore que les deux années précédentes avec le Covid-19 ».
A Chypre, les touristes russes sont le deuxième plus grand contingent après les Britanniques. « Ils représentent 20 % des arrivées par an et en recettes, ils rapportent à l’économie locale un demi-milliard d’euros. Cette année, nous nous attendons à perdre la quasi-totalité de ce marché », explique Savvas Perdios, ministre adjoint au tourisme. Ces trois dernières années, le pays a essayé de réduire cette dépendance : de nouvelles lignes aériennes directes relient Israël, les pays d’Europe centrale et du Nord.
« Le coût des sanctions sera énorme »
Pour l’ambassadeur de Russie à Nicosie, Stanislav Osadchiy, qui n’a pas apprécié que le gouvernement du président Nicos Anastasiades dénonce l’invasion russe en Ukraine, Chypre s’est « tiré une balle dans le pied » en soutenant les sanctions européennes. « Où Chypre va-t-elle trouver ses touristes russes ? Où iront-ils ? En Turquie, c’est ce que vous voulez ? », a-t-il déclaré à la chaîne chypriote Sigma TV. « Il serait normal que la Turquie applique les mêmes sanctions que l’Union européenne [UE] pour que les touristes russes n’affluent pas, par exemple, dans le nord de l’île de Chypre occupé depuis 1974 par les Turcs. Nous pourrions reconsidérer l’interdiction des vols russes à Chypre », indique Savvas Perdios.
Le Monde