Alexis Pinturault sacré champion du monde du combiné chez lui à Courchevel
Gagner chez soi un titre ultime: beaucoup d’athlètes en rêvent, peu le réalisent. Mais lui le réussit. Alexis Pinturault est devenu champion du monde de combiné, à Courchevel, là où il a chaussé pour la première fois les skis. À l’image des Jeux olympiques d’Albertville, inaugurés par une médaille d’argent - Franck Piccard en descente – les championnats du monde 2023 sont idéalement lancés. Du (très bien) fait maison de la plus haute importance pour toute l’organisation.
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La glorieuse incertitude du sport n’a tout de même pas grand-chose du hasard. Sa constance à sacrer les champions tendrait même à prouver tout le contraire. Un champion se joue de la chance, même s’il bénéficie parfois de réussite, pour s’élever au-dessus du commun des mortels, par son niveau comme par sa trajectoire. Pour beaucoup, Alexis Pinturault a longtemps fait partie de la caste des "mortels", la faute à cette histoire bien connue du très grand skieur à qui il manque la consécration. Le Tricolore a toujours évolué à un immense niveau en Coupe du monde, personne n’est assez fou pour le nier, mais ses "ratés" dans les grands rendez-vous primaient alors sur sa pourtant incroyable régularité.
Mais le Français a toujours été un champion. Bien avant son titre mondial à Äre en 2019. Bien encore après sa dernière victoire en date avant ces championnats du monde, acquise lors des finales de Lenzerheide, en mars 2021. Même dans la tourmente. Car, depuis deux ans, Pinturault a connu bien des galères. Il a lâché son gros globe de cristal – glané en 2021 à Lenzerheide justement - sans combattre (10e du général) l’an passé, incapable de renouer avec l’exigence de la compétition tous les week-ends après avoir atteint l’accomplissement ultime. "Je ne parvenais pas à me projeter dans quelques années sur le circuit, même pas de quelques mois dans le futur, déclarait-il en début de saison. J'avais vraiment besoin d'un bilan, que je n'avais pas fait en 2021. Je n'avais pas pris le temps et j'avais passé la saison avec la tête sous l'eau, sans jamais revenir à la surface."
Il a aussi vécu des Jeux Olympiques de Pékin 2022 catastrophiques (5e du géant, 11e du Super-G, 16e du slalom et abandon en combiné), lui qui court encore après le titre olympique. Le seul titre qui manque encore à son palmarès. Rien ne dit qu’il le décrochera un jour, surtout vu ses résultats réguliers en Coupe du monde depuis un an et demi. Voir le Français ne compter qu’un seul podium cette saison, en Super-G qui plus est, a quelque chose d’incongru. D’impossible, même. Mais les champions ont l’art de faire paraître l’impossible possible. Ils étaient bien peu ce mardi matin encore à imaginer Alexis Pinturault sacré sur le combiné. Lui y compris.
2017 ET LA "PRESQUE" FIN DE CARRIÈRE
"Sur ma forme du moment et de la saison, je suis dans le coup mais toujours un peu en retrait, avouait-il avant la course. Aller chercher le podium, ce serait déjà une belle réussite en soi. Mais il faut être aussi réaliste, le but pour moi est de donner le meilleur et on fera le bilan à la fin". Il faut aussi être honnête : la capacité du Tricolore à se relever n’est plus à démontrer. Le Français aurait pu s’écrouler mentalement après être passé à côté (10e) du combiné des Mondiaux de Saint-Moritz, en 2017, dont il était l’immense favori. "Cet hiver-là, Alexis se retrouve sans référent (en équipe de France, à cause de sa polyvalence), raconte son père à l'AFP. Il se débrouille tout seul et en janvier il est complètement cuit, il finit par craquer et péter les plombs. Face à ce constat d'échec global, il a failli arrêter". Mais il ne l’a pas fait.
Il aurait pu lâcher prise après les championnats du monde de Cortina en 2021, où il rate de nouveau le titre mondial en géant, sortant alors qu’il avait remporté la première manche. Mais non. Il aurait pu de nouveau tout abandonner après Pékin et cette déception olympique à un moment de sa carrière où il avait gagné tout le reste. Toujours pas. Le Français se relève de tout, toujours, tout le temps. Quand vous le croyez fini, quand vous ne l’attendez plus, il se relève, plus fort que jamais. Tel un phœnix. Alors il s’est simplement tourné vers un autre objectif : les Mondiaux, chez lui, à Courchevel.
5 MONDIAUX DE SUITE AVEC UNE MÉDAILLE
"Ça fait un an bientôt que je ne pense qu’à ça, expliquait-il après son sacre en combiné. Et, pour autant, je fais un début de saison compliqué. Je sens que je fais du bon ski, parfois je réussis des excellents secteurs, mais je n’arrive jamais à tout imbriquer. Sur les deux derniers slaloms avant les Mondiaux, je ne me qualifie même pas ! Mais il me manquait peut-être une certaine détermination, une certaine motivation. Je l’ai retrouvé. Depuis que je suis là, je n’ai qu’une seule mission : donner le meilleur de moi-même". Il a non seulement donné le meilleur de lui-même mais aussi ce qu’il avait de mieux à donner.
Il avait beau réussir la meilleure saison de sa carrière dans la discipline, personne ne le voyait gagner la manche de Super-G du combiné. Il l’a fait, avant de résister à son bourreau de 2021 Marco Schwarz pour décrocher sa 7e médaille mondiale, son troisième sacre mondial après le combiné en 2019 et le parallèle par équipes en 2017. Le voilà désormais avec une médaille aux Mondiaux lors de cinq éditions consécutives. Un accomplissement pas commun, encore moins vu ce par quoi il est passé depuis un an et demi. Comme le déclarait à SkiChrono Eric Brèche, président du Syndicat national des moniteurs de ski français : "Ce titre, c’est la marque d’un grand champion qui surgit le Jour J après un début d’hiver délicat". Car, oui, Alexis Pinturault est un champion. Et il ne faut jamais sous-estimer le cœur d’un champion.