Israël accusé de génocide à Gaza: «On a des éléments tout à fait significatifs»
L’Afrique du Sud a soumis vendredi à la Cour internationale de justice une requête accusant Israël de se livrer à des « actes de génocide contre le peuple palestinien à Gaza ».
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Gilles Devers, avocat français et fervent défenseur des droits palestiniens, est une figure importante dans la lutte pour la justice internationale. Représentant des victimes palestiniennes auprès de la Cour pénale internationale (CPI), son engagement dans le conflit israélo-palestinien soulève des questions cruciales de droit, de politique et de morale internationale.
Dans un entretien exclusif accordé à Anadolu, Gilles Devers, s'est confié sur ses efforts juridiques concernant la situation en Palestine, notamment auprès de la Cour pénale internationale (CPI). Avec une équipe d'avocats internationaux, il s'attaque à des questions complexes de justice internationale, cherchant à apporter une nouvelle perspective sur le conflit israélo-palestinien.
Gilles Devers, reconnu pour son expertise en droit international humanitaire, se remémore le début de son parcours avec la cause palestinienne.
"Je travaille sur le dossier de Palestine dans sa dimension vraiment internationale depuis janvier 2009 et c'est devant la CPI, Cour pénale internationale à La Haye et également devant d'autres juridictions et d'autres instances. Donc c'est un travail de fond. Il se trouve que la CPI n'est pas vraiment une juridiction idéale. On peut lui trouver des défauts, mais elle a le mérite d'exister. Et pour la Palestine, pour le peuple palestinien, c'est la seule qui existe" raconte-t-il.
Il décrit comment, face à la complexité de la situation et l'inaction internationale, il a été poussé à agir. Il a expliqué la nécessité de rassembler une équipe d'avocats internationaux, experts en droits de l'homme, pour bâtir un cas solide et équitable pour les Palestiniens. Cette initiative a conduit à la formation d'une coalition d'avocats de diverses nationalités, unis dans leur quête de justice pour la Palestine.
Gilles Devers a notamment souligné l'importance cruciale de l'action juridique dans la lutte pour les droits palestiniens. Il a constitué une équipe d'avocats internationaux, chacun apportant son expertise et sa compréhension du droit international, pour bâtir une stratégie juridique solide. L’objectif, défend-il, est de "mettre en lumière les injustices subies par les Palestiniens et de chercher des recours légaux pour ces violations". Il a signifié la diversité et la force de cette coalition juridique, soulignant comment des avocats de différentes régions et systèmes juridiques unissent leurs efforts pour cette cause.
"On a de très nombreux avocats en France, en Europe également : en Allemagne, en Espagne, en Italie, en Belgique, au Pays-Bas, Royaume-Uni, en Grèce. Le Proche-Orient et le monde arabe se sont beaucoup mobilisés, notamment par les bâtonniers au Maroc, en Algérie, en Tunisie, au Niger, en Mauritanie, avec des avocats chevronnés. Et puis d'autres cabinets individuels, des gens tout simples qui ont un petit cabinet. C'est tellement logique quand on voit ce qui se passe, de pouvoir participer. On a également le Canada très présent. Et puis en Amérique du Sud, le Brésil, le Chili, le Panama, Guatemala, Mexique, aux États-Unis, quelques avocats également.
Donc les avocats s'organisent comme une armée, avec un commandement, avec des objectifs et on va défendre le peuple. On va défendre ses droits, on ne fera pas de la politique, Ce n'est pas notre rôle. On ne fait pas de la religion, ce n'est pas notre rôle. Nous, c'est la défense des droits. C'est un travail important qui commence, qui va se poursuivre", précise-t-il.
Gilles Devers soulève le rôle significatif de la Cour pénale internationale dans la reconnaissance des droits palestiniens. Selon lui, la décision de la CPI en 2015, de reconnaître la Palestine comme un État membre, a été "un moment décisif". Il souligne que cette reconnaissance a été un point de basculement, changeant la dynamique du conflit israélo-palestinien dans le domaine juridique international.
"Au point de vue international, le peuple palestinien a été très bien accueilli par la Cour pénale internationale, ce qui n'est pas assez connu. Mais à la suite d'efforts. On va quand même dire qu'en janvier 2015, le président Abbas a ratifié le traité qui fonde la Cour et il y avait un délai de deux mois pour que des États fassent opposition. Ils n'ont pas fait opposition. Donc le secrétaire général a transféré la signature et en disant voilà, la Palestine est membre", ajoute Devers.
Au sujet des accusations de génocide, Gilles Devers indiqué que les effets observés en Palestine, notamment les actions systématiques, les politiques de déplacement, les violences, suggèrent fortement un génocide en cours selon la définition juridique internationale.
"Netanyahu fait des démonstrations tous les jours en expliquant qu'il faut qu'ils [Palestiniens] dégagent, qu'ils quittent, que ce n'est plus leur terre, que c'est lui qui va reprendre tout ça. Les propos de la nouvelle Nakba sont une réalité. Nous sommes actuellement à 1,5 million de personnes déplacées alors qu’il y en avait 700 000 pendant la Nakba. Tout cet ensemble-là constitue des éléments matériels, et on a l'élément intentionnel. Donc pour nous, il s’agit de génocide. Le moteur profond du génocide, c'est la colonisation et le refus du droit à l'autodétermination. Ce peuple a le droit de vivre sur sa terre. Et nous on va se battre pour ça", souligne-t-il.
Il a insisté sur la gravité de ces charges et sur la nécessité d'une réponse internationale adéquate.
"Il y a une convention sur le génocide et cette convention est d'ailleurs l'une des rares qui a été signée par Israël. Cette convention traite de la répression, mais également de la prévention. La prévention veut dire que c'est un devoir pour tout le monde, les particuliers, les associations, les États que d'agir quand il y a un génocide. Ils ont signé. Il faut qu'ils respectent ce qu'ils ont signé.
Nous sommes des avocats, nous connaissons notre métier. Nous, nous ne sommes pas des accusateurs, c'est le procureur. On n'est pas des juges, c'est les tribunaux, mais on sait faire notre métier. Notre métier, c'est d'analyser les faits, d'étudier les faits vraiment objectivement, preuves à l'appui ensuite de chercher s'il y a une qualification juridique. Pour nous, le droit, c'est ça la règle juridique. Il y a une obligation de prévenir le génocide", poursuit l’avocat français.
Gilles Devers a par ailleurs insisté sur l'importance de la solidarité internationale, qu’il qualifie d"essentiel". Selon lui, la cause palestinienne n'est pas seulement une question locale, c'est un symbole de la lutte pour la justice et les droits de l'homme dans le monde".
"Il faut bien trouver une solution politique. Je suis profondément heurté par l'attitude des États-Unis. Je pense que la population aux États-Unis l'est aussi. Et tout ce qu'on peut souhaiter, c'est que Biden perde les élections parce qu’il y a des franges entières de la population aux États-Unis qui sont trop heurtées de voir ce soutien aveugle à cet homme qui est un menteur, Netanyahu, et qui commet des crimes, qui lui-même est poursuivi pour corruption dans son pays. Aux Etats-Unis, il y a des mouvements sociaux, de prise de distance, même de cassure. Et plus ça ira, plus la cassure sera forte. C'est donc nous, notre action, elle est vraiment dans le sens de l'histoire également", dit-il.
Et d’ajouter: "la convention sur les armes chimiques interdit l'usage de telles armes par bombardement depuis le sol et par bombardement aérien. Ils utilisent les chars en disant c'est légal mais ce n’est pas légal. Il peut être utilisé pour protéger la fuite ou protéger vos troupes en difficulté en créant cette espèce de nuage qui bloque tout. Il n'y a aucune légitimité à utiliser le phosphore blanc pour brûler les populations. Ces militaires sont les auteurs d'un crime. Ils savaient exactement ce qu'ils faisaient. Ils savent que quand ils appuient sur le bouton, c'est pour brûler des Palestiniens. Voilà un crime de guerre."
Gilles Devers a réaffirmé son engagement envers la cause palestinienne et la défense des droits de l'homme. Il a souligné l'importance de la CPI dans le contexte palestinien, affirmant que "pour le peuple palestinien, c'est la seule juridiction qui existe."
"La Palestine est un État, donc ici on défend la cause palestinienne. Je pose la question de savoir combien il y a de juridictions internationales qui ont dit que la Palestine est un État, Il y en a une seule. C’est le seul endroit dans le monde où un Palestinien est considéré à l'égal des autres, un citoyen comme les autres, la Palestine un État comme les autres. Deuxièmement, cet État a une compétence souveraine sur la Cisjordanie, sur Gaza et sur Jérusalem-Est. Ce qui veut dire que l'annexion de Jérusalem est déjà considérée comme illégale par la CPI, vu qu'il dit que c'est une terre palestinienne. La Cour ne se prononce pas davantage sur les frontières. Ce n'est pas son rôle. Elle prend la situation telle qu'elle est, " ajoute-t-il.
Et de conclure : "Pour Srebrenica, qui a été jugée comme génocide, il y avait eu 8600 morts et actuellement on est à 11000 Palestiniens tués. Donc, on est vraiment complètement dans la jurisprudence […] La justice internationale est très efficace. Elle fait l'objet de critiques de type propagande en disant qu'elle est inefficace, etc. Il n’y a qu’une partie [de l’Ukraine] qui est zone de guerre, mais on ne peut pas comparer avec la situation en Palestine par exemple. Malgré cela, les pays occidentaux, une vingtaine de puissances, les plus riches, se sont tous coalisés, ont financé et ont demandé des poursuites, et le procureur est allé dans ce sens. "