« Pour l’instant, j’étais à peu près à 1 600 euros de facture mensuelle », résume Corinne Butard, à la tête de la boulangerie « L’Épi d’or ». « J’ai reçu mon avenant et mes tarifs vont être multipliés par 10. Je me retrouve avec un kilowatt heure à peu près à 1,06 euro, ce qui est donc énorme. Je vais passer de 1 600 à près de 15 000 euros par mois de facture d’énergie ».
La note est salée pour la gérante de l’établissement situé à Lizy-sur-Ourcq en Seine-et-Marne, à une petite heure de Paris. Ici, l’allumage quotidien de tous ces fours électriques coûte une petite fortune à la cheffe d’entreprise.
« Pour la boulangerie, on a un four à cinq étages. On est en pleine vente de baguettes donc là, pour l’instant, tous les étages sont allumés sauf un. Dès qu’on peut faire des économies, on éteint », explique Corinne Butard.
« On risque de fermer pour des raisons indépendantes de notre volonté »
Elle n’est pas la seule dans ce cas. Surpris par cette hausse vertigineuse des tarifs de l’énergie et des matières premières comme le beurre, la farine, le sucre, la levure, c’est toute une profession qui est inquiète.
« Ça nous inquiète parce que la question qu’on se pose, c’est : “quand est-ce que nous, on va fermer ?” Parce qu’on a le sentiment que la pression est tellement importante », dit Sahad Zerzour, artisan boulanger dans le XVe arrondissement parisien.
« Il y a des risques que, nous aussi, on subisse de plein fouet une fermeture pour des raisons qui sont indépendantes de notre volonté. Ce n’est même pas une question de gestion, ce n’est même pas une question de qualité et de travail et autre, c'est une question de rapport entre le coût de revient et le prix de vente », souligne-t-il.
Contraints de licencier le personnel
Pourtant, il va bien falloir trouver des solutions. En Seine-et-Marne, Corinne Butard ne se verse déjà plus de salaire depuis des mois pour renflouer sa trésorerie, mais à ce rythme, elle ne pourra pas tenir longtemps. « Deux mois maximum », craint-elle. « On a déjà eu les hausses de matières premières, on a eu le Covid et là, la crise énergétique. On n’a plus les finances, on n’a plus la trésorerie pour payer autant par mois. »
Alors, elle envisage de se séparer de certains de ses salariés. « On est mal. Là, c’était notre semaine de vacances, donc, j’ai rappelé la moitié de mon personnel pour venir travailler, pour essayer d’avoir un petit peu de trésorerie, pour pouvoir payer la première facture », dit la cheffe d’entreprise. « À partir de février, ça va être des licenciements, on va essayer d’augmenter un peu les prix, mais le consommateur n’a pas les moyens de payer autant. Donc, je pense qu’on va être obligé de malheureusement licencier », se résout-elle.
« Est-ce que l’on va continuer dans le métier ? »
« Licencier », ce mot résonne dans la tête du chef boulanger qui ne veut pas y croire. « C’est tendu dans les labos où il y a une mauvaise ambiance. On ne pense qu’à ça », décrit le boulanger. « Qu’est-ce qu’on va faire dans 4, 6 mois ? Est-ce que l’on va continuer dans le métier, est-ce qu’on pense tout de suite à une conversion ou pas ? On ne sait pas, et ça devient compliqué à gérer. »
Des boulangers qui pour s’en sortir, selon certains économistes, devraient vendre la baguette à 4 euros. C’est inimaginable pour ces artisans qui veulent maintenir la qualité de leur produit à un prix raisonnable.
RFI