RFI : Qui est Salma al-Chehab qui vient d’être reconnue coupable d’avoir « fourni de l'aide à ceux qui cherchent à troubler l'ordre public et à diffuser des informations fausses et malveillantes » selon des documents judiciaires cités par l’AFP ?
Lina al-Athloul : C’est une jeune Saoudienne qui finissait son doctorat au Royaume-Uni. Sur son compte Twitter, elle défendait les droits des femmes, elle exprimait son soutien aux prisonniers politiques (y compris ma sœur Loujain al-Athloul). En 2021, elle est rentrée en Arabie saoudite pour des vacances et c’est à ce moment qu’elle a été arrêtée. Elle a passé plusieurs mois en isolement et vient d’être condamnée à 34 ans de prison.
Salma al-Chehab avait initialement été condamnée à six ans de prison, dont la moitié avec sursis. Sa peine a donc été considérablement alourdie. Que savez-vous des conditions de détention de cette trentenaire, mère de deux enfants ?
Il est très difficile d’avoir des informations, il n’y a aucune transparence. Elle a été placée plusieurs mois en isolement, ce qui est une forme de torture.
Cette condamnation intervient dans un contexte particulier. Ces dernières semaines, le prince héritier Mohammed ben Salman a rencontré le président américain Joe Biden puis il a été reçu à Paris par Emmanuel Macron. Mohammed ben Salman semble être redevenu fréquentable, moins de quatre ans après l’assassinat du journaliste dissident Jamal Khashoggi…
Nous avions averti la communauté internationale que la réhabilitation de Mohammed ben Salman ouvrirait la voie à davantage de répression. On l’a constaté dès que Boris Johnson s’est rendu en Arabie saoudite [en mars] : à la même période, 81 personnes ont été exécutées en une seule journée. Aujourd’hui, on constate que les visites de Joe Biden dans le royaume et du prince héritier Mohammed ben Salman en France sont suivies par cette condamnation à 34 ans de prison pour une militante qui a simplement twitté en solidarité à d’autres militants. Nous demandons à la communauté internationale de prendre position publiquement et de faire pression en faveur de la libération de Salma al-Chehab et de tous les autres prisonniers d’opinion.
Le cas de Salma al-Chehab ressemble à celui d’autres militantes saoudiennes qui ont connu la prison ces dernières années, notamment votre sœur, Loujain al-Athloul, libérée en 2021…
Ma sœur Loujain est toujours sous le coup d’une interdiction de sortie du territoire saoudien. Toute ma famille également. Ils vivent dans une peur constante, surtout lorsqu’il y a de nouvelles arrestations ou condamnations. Loujain vit sous surveillance : son téléphone a été infecté par le logiciel espion Pegasus. Elle n’est plus en prison, mais dans ce qu’on pourrait appeler « une plus grande prison ».
RFI