En partant affronter le soleil lourd de Doha, en direction de l’hôtel du Brésil, dimanche, on s’attendait à y trouver des supporteurs de la Seleção, quelques mots de soutien pour Pelé et éventuellement une ou deux bougies. Le genre de plan un peu cliché utilisé dans les JT pour illustrer les hommages auxquels a bien droit une légende mourante.
Quelle ne fut pas notre surprise, à notre arrivée, de constater que cette projection était si loin de la réalité. Pas un bruit, pas un chat – et ils sont pourtant nombreux au Qatar. Seulement une équipe de journalistes brésiliens, assis sous un parasol en attendant de voir l’équipe nationale partir pour le terrain d’entraînement. « Bonjour, un mot sur l’état de santé préoccupant de Pelé ? » « Désolé, on va bientôt passer en direct… » Décidément.
« Si Pelé s’en va pendant le Mondial, ce sera un signe de Dieu »
Un peu plus loin, trois Brésiliens font leurs emplettes au souk. Une opportunité qui ne se refuse pas, d’autant que l’un d’entre eux, Edison, a le beau verbe lorsqu’il s’agit d’évoquer le plus grand joueur de l’histoire. « On est inquiets, très inquiets. C’est vraiment triste. Mais si le roi Pelé s’en va pendant le plus grand événement de football du monde, sur une finale du Brésil par exemple, ce serait peut-être un signe de Dieu. » La symbolique d’une telle coïncidence terminerait en effet de canoniser le numéro 10 originel, quoi que le souhait de notre supporteur soit un peu glauque.
Et puis, Pelé semble plus vivant qu’on ne le dit. « Je veux rassurer tout le monde, a écrit le Brésilien dans un post sur les réseaux, illustré par un rapport médical publié samedi décrivant l’état de santé de l’ancien attaquant comme stable. Je suis fort, et plein d’espoir et je continue mon traitement comme toujours. » La veille, les médias brésiliens l’envoyaient en soins palliatifs, citant un autre rapport médical de l’hôpital Albert-Einstein selon lequel Pelé, atteint d’un cancer du côlon, ne répondrait plus à la chimiothérapie.
Dans le doute, un autre Brésilien, Bruno Maia, professionnel de la communication, propose de ne pas attendre et de lui rendre hommage de son vivant.
« C’est à la fois une chance de célébrer avec lui son passage victorieux et lumineux par la Terre et par la vie. C’est une période très difficile, mais aussi très belle. A nous de faire en sorte qu’il reçoive tout cet amour. On peut fêter Pelé en portant ses vêtements, célébrant son nom et son histoire. Je raconterai ce qu’il était à mes enfants, car tout au long de leur vie, lorsqu’ils prétendront être Brésiliens, ils seront reconnus comme des gens du pays de Pelé.
Chacun peut rendre son hommage et peut-être que certains d’entre eux peuvent être plus grands, collectifs, avoir une portée sociale, et peut-être finir par l’atteindre personnellement. »
Comme à Doha où des drones se sont élevés dans le ciel noir de la ville pour dessiner le maillot frappé du numéro 10 de Pelé.
Le jour où Tite a eu peur de Pelé
Les mots de Tite, en conférence de veille de match contre la Corée du Sud, sont de ceux qui atteindront à n’en pas douter le vieil homme. Notons tout de même qu’il a fallu qu’un confrère danois pose la question pour que le sélectionneur évoque le sujet. « J’aurais dû commencer l’interview par ça », s’est excusé Tite. Ce n’est pas la première fois qu’il craint d’aborder Pelé. « C’est peut-être la seule personne que j’ai saluée en me mettant à trembler, a-t-il dit, en se remémorant le tirage au sort pour la Coupe du monde 2018, auquel assistait aussi O Rei. Je parle avec le cœur, avec émotion. Nous étions assis tous les deux. J’étais concentré et on m’a dit : "Va serrer Pelé dans tes bras". Je me suis levé et j’ai tremblé. Ma main était moite, mon pouls a augmenté », a-t-il souri.
L’aura du maître fait toujours le même effet. César Sampaio, adjoint de la Seleção : « Lors ma première convocation en équipe nationale, j’ai eu l’opportunité de jouer avec Pelé. J’ai encore plus tremblé que Tite ! » Mais ce n’est toujours rien à côté de la peur que suscite son départ. Bruno Maia s’y prépare tant bien que mal. « Pelé doit se séparer d’Edson (son prénom), qui est un homme faillible comme chacun d’entre nous, pour
20 Minutes