Quelles sont les causes géologiques qui ont conduit au séisme marocain ?
Les premières images des satellites français Pléiades dévoilent l'importance des dégâts dans les villages du haut Atlas occidental, épicentre du séisme qui s'est propagé jusqu'à Marrakech. Explication des mécanismes géologiques qui ont mené à cette situation catastrophique.
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Les premières images des satellites français Pléiades dévoilent l'importance des dégâts dans les villages du haut Atlas occidental, épicentre du séisme qui s'est propagé jusqu'à Marrakech. Explication des mécanismes géologiques qui ont mené à cette situation catastrophique.
Le violent séisme, de magnitude 6,8 qui a secoué le Maroc dans la nuit du 8 au 9 septembre 2023, avait pour épicentre une faille située près de la commune rurale de Oukaïmden, à 70 km au sud-ouest de Marrakech. L’onde a fait des dégâts jusque dans la capitale chérifienne, avec un bilan provisoire de plus de 2 862 morts et 2 562 blessés. Confronté à la difficulté de coordonner les secours et d’orienter les équipes de secouristes engagées dans cette région montagneuse, le Maroc a sollicité l’aide internationale et les Nations Unies ont déclenché la Charte internationale "Espace et catastrophes majeures" samedi matin. Les satellites optiques et radar de 8 agences spatiales – dont les satellites français Pléiades - ont été alors mobilisés pour cartographier la zone sinistrée sur 300 km de large par 300 km de long.
"Une situation semblable à celle du séisme d’Agadir en 1960"
Cette région correspond à la partie la plus haute de la chaîne de l'Atlas, le haut-Atlas occidental. Appelée le "toit du Maroc", elle a pour point culminant le mont Toubkal (4167 m), plus haut sommet d'Afrique du Nord. "C'est une chaîne de montagnes très allongée qui s'étire d'est en ouest, bordée de part et d'autre de failles de chevauchement, également appelé failles de compression ou failles inversées", explique Lionel Siame, chercheur à l’université Aix-Marseille. Cette chaîne de montagnes est un ancien bassin côtier du Rif qui s'est ouvert avant le jurassique, il y a environ 200 millions d'années. Des sédiments s’y sont accumulés, puis la région s'est peu à peu raccourcie à mesure que la plaque Afrique remontait vers le nord. "Cette région du haut Atlas se raccourcit d'un millimètre par an, dix fois moins que la pousse d'un ongle, souligne Jean François Ritz, chercheur au Laboratoire de Géosciences de l’université de Montpellier. La faille est comprimée comme un ressort, mais au bout d'un moment le ressort relâche l'équivalent de ce qu'il a accumulé comme compression. Ce n’est pas fréquent mais inéluctable." Les failles sur lesquelles ces contraintes s'accumulent finissent donc par glisser, se chevauchent, entraînant une accélération rapide du sol qui provoque des dégâts.
"On connaît aujourd'hui une situation semblable à celle qui s'est produite en 1960 avec le séisme d’Agadir, analyse Lionel Siame. À l'époque cela a eu lieu sur le versant sud de la chaîne, la faille s’étendant dans la plaine de Souss jusqu’à la ville de Taroudant. On connaît aujourd'hui un événement miroir, avec le relâchement symétrique d’une faille de l'autre côté, sur le versant nord de la chaîne. La position de ce séisme n'est donc pas une surprise, mais la survenue du déclenchement l’est".
Le rôle essentiel des images satellites
Cet effet de compression s’exerce en fait dans tout le pourtour méditerranéen, de l'Afrique du Nord, à l’Espagne, l’Italie, la Grèce. Le haut Atlas n’est cependant pas à la limite de la plaque tectonique, qui est plus au nord, notamment dans le golfe de Cadiz. La zone active au Maroc est dans ce qu'on appelle le Rif marocain, qui a connu de gros séismes récents. "À Marrakech, il n'y a pas eu de séisme de cette magnitude depuis les premiers enregistrements, note Lionel Siame. Mais même si les vitesses moyennes de compression sont faibles, l'accumulation sur des temps géologiques mène forcément à un séisme. Cela montre la difficulté d'étudier et de prévoir des événements qui ont des périodes de retour de plusieurs centaines voire de milliers d'années, pour lesquels il n'y ni enregistrement ni archive. Les séismes des failles lentes sont très rares. C'est là une différence notable avec la faille nord anatolienne impliquée dans le dernier séisme en Turquie, qui connaît de forts séismes régulièrement".
En 1960, le séisme d’Agadir qui avait fait plus de 15.000 morts et 25.000 blessés était d’une magnitude de 5,8. Le séisme d’Oukaïmden est d'une magnitude de 6,8 à 6,9. La magnitude du moment est une quantification de l'énergie du séisme, qui dépend de la longueur de la faille. Plus la faille est longue plus la magnitude est élevée. "Le séisme d’Oukaïmden correspond à une faille d'une longueur d'une trentaine de kilomètres dont les 2 blocs se sont déplacés soudainement, explique Lionel Siame. Par comparaison, le tsunami de 2004 avait été engendré par le séisme de Sumatra, d'une magnitude de 9,1, ce qui correspond à une faille d'environ 1000 km de long. Cela montre que les échelles ne sont pas linéaires. Il y a un facteur 30 entre deux échelons de magnitude. Et donc le séisme d'Agadir était environ 30 fois plus faible que celui qui touche Marrakech aujourd’hui".
Les dégâts provoqués par la secousse dépendent également de la profondeur à laquelle s’est produit le décrochement de la faille. Plus la distance que l’onde doit parcourir pour rejoindre la surface est longue, plus l'atténuation est efficace. Le séisme d’Oukaïmden s’est produit à une profondeur de 15 à 20 km, ce qui explique que cela ait rayonné sur une zone très étendue. "À cette profondeur, cela génère une accélération du sol conséquente. Combinée avec des habitations faiblement consolidées, cela conduit à des dégâts très importants." Les constructions les plus récentes répondant à des normes antisismiques et les constructions les plus anciennes semblent avoir mieux résisté que les immeubles fait de pierres et de maçonnerie en ciment, pour lesquels tous les joints ont joué, se sont écartés. Avec des conséquences catastrophiques dans une région de petits villages et de nomadisme, aujourd’hui isolés par des glissements de montagne. Dans ce contexte, les images satellitaires fournies par les agences spatiales joueront dans les prochains jours un rôle essentiel pour acheminer les secours.