Mikhaïl Gorbatchev : l'homme de paix ou le responsable de l’éclatement d’une superpuissance ?
Gorbatchev est décédé mardi soir à l’âge de 91 ans des suites d’une « longue maladie grave », a indiqué l’Hôpital clinique central (TSKB) de Moscou, où il était soigné.
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Nul n’est prophète en son pays : cette expression résonne particulièrement alors que Mikhaïl Gorbatchev est décédé mardi soir à l’âge de 91 ans des suites d’une « longue maladie grave », a indiqué l’Hôpital clinique central (TSKB) de Moscou, où il était soigné. Mikhaïl Gorbatchev était le dernier grand dirigeant encore en vie de l’époque de la Guerre froide et son décès suscite des hommages marqués en Occident mais plus mesurés en Russie, où beaucoup lui reprochent toujours d’avoir causé, malgré lui, l’effondrement de la puissance soviétique.
Dans un message de condoléances, Vladimir Poutine a évoqué la mémoire d’un homme qui a eu « une grande influence sur l’Histoire du monde ». « Il a guidé notre pays à travers une période de changements complexes et dramatiques, et de grands défis de politique étrangère, économiques et sociaux », a-t-il poursuivi. « Il comprenait profondément que les réformes sont nécessaires. »
Un « leader rare » qui a permis « un monde plus sûr »
Le président russe a toutefois été devancé par de nombreux dirigeants occidentaux dont les hommages étaient plus appuyés envers celui qui avait reçu le prix Nobel de la paix en 1990 pour avoir fortement réduit la confrontation Est-Ouest. Le président américain Joe Biden a salué un « leader rare » qui a permis « un monde plus sûr », tandis que le dirigeant français Emmanuel Macron a évoqué un « homme de paix ».
Rome a déclaré que Gorbatchev s’était opposé à « une vision impérialiste de la Russie ». Le président allemand Frank-Walter Steinmeier a lui remercié Gorbatchev, qui avait permis la chute du mur de Berlin, « pour sa contribution décisive à l’unité allemande ». Gorbatchev a « changé ma vie de manière fondamentale », a déclaré l’ex-chancelière Angela Merkel qui a grandi en ex-Allemagne de l’Est.
La Chine, que le Kremlin présente désormais comme son grand partenaire politique et économique face aux sanctions occidentales, a salué pour sa part la « contribution positive » de Gorbatchev au rapprochement Pékin-Moscou.
Le parallèle de Boris Johnson avec l’Ukraine
Pour le secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres, « le monde a perdu un immense dirigeant mondial, engagé envers le multilatéralisme, et défenseur infatigable de la paix ». Le chef de l’Onu a salué « un homme d’Etat unique qui a changé le cours de l’histoire » et fait « plus que n’importe qui pour provoquer de façon pacifique la fin de la Guerre froide ». « J’ai toujours admiré le courage et l’intégrité dont il a fait preuve pour mettre fin à la Guerre froide », a également indiqué dans un tweet le Premier ministre britannique Boris Johnson. « A l’heure de l’agression de (Vladimir) Poutine en Ukraine, son engagement inlassable pour l’ouverture de la société soviétique reste un exemple pour nous tous », a-t-il insisté.
La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a, pour sa part, salué « un dirigeant digne de confiance et respecté » qui « a joué un rôle crucial pour mettre fin à la guerre froide et faire tomber le rideau de fer. Il a ouvert la voie à une Europe libre ». Enfin, pour l’ancien président colombien et Nobel de la paix 2016, Juan Manuel Santos, Mikhaïl Gorbatchev - qui a lui-même reçu ce Nobel en 1990 - était « un champion de la paix ». « Le monde a besoin de beaucoup plus de leaders comme lui », a-t-il écrit dans un tweet.
Un dirigeant qui « méprisait la guerre »
En Russie, l’héritage du dirigeant est toutefois controversé, et, comme celle de Vladimir Poutine, les réactions à sa mort étaient plus mesurées mercredi matin. Si Mikhaïl Gorbatchev est celui qui a permis à la liberté d’expression d’émerger, il fut pour beaucoup responsable de l’éclatement d’une superpuissance et des terribles années de crise économique qui suivirent.
Le journaliste russe Dmitri Mouratov, colauréat du Nobel de la paix 2021 et rédacteur en chef du journal indépendant Novaïa Gazeta, soutenu dès sa création par Mikhaïl Gorbatchev, a toutefois rendu hommage à un dirigeant qui « méprisait la guerre » et « accordait plus de valeur à un ciel paisible qu’au pouvoir personnel ». De son côté, l’opposant Alexei Navalny a rendu hommage à un orbatchev qui a su « quitter le pouvoir pacifiquement »
Pour rappel, Gorbatchev s’était montré favorable à l’annexion par Moscou de la péninsule ukrainienne de Crimée, en 2014, ce qui lui avait valu, en 2016, d’être interdit d’entrée en Ukraine. Avant sa mort, il ne s’était pas exprimé publiquement sur la guerre en Ukraine d’une violence inédite en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale. Pendant les vingt dernières années de sa vie, il s’était pourtant régulièrement inquiété des tensions grandissantes avec Washington, appelant à réduire les arsenaux nucléaires, comme il l’avait fait dans les années 1980 avec le président américain d’alors, Ronald Reagan.
Une source anonyme, citée par l’agence TASS, a indiqué qu’il serait enterré à Moscou auprès de sa femme Raïssa Gorbatcheva, décédée en 1999, et dont il était très proche.