Quel avenir pour les relations entre les États-Unis et l'Arabie saoudite ?
La décision de l'Arabie saoudite pour la réduction de la production du pétrole a détérioré l'avenir des relations de ce pays avec les États-Unis.
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Le chercheur et académicien, Ali Hassan Bakir, a souligné que la détérioration des relations entre les Etats-Unis d'Amérique et l'Arabie Saoudite a débuté il y a de cela une décennie et que l'équation de la sécurité contre le pétrole entre les deux pays n'est plus de rigueur et est sur le point de s'effondrer en ce moment.
Bakir, qui s'exprimait au micro du correspondant Anadolu sur fond de la mise en garde lancée par le président américain Joe Biden à l'endroit de l'Arabie Saoudite, Quant aux retombées de sa décision portant réduction de la production du brut dans le cadre de l'alliance OPEP+.
En effet, au cours d'une entrevue accordée à la chaîne américaine CNN, Biden a souligné, mardi, que « certaines conséquences de ce qu'ils (Les Saoudiens) ont fait avec la Russie sont à attendre et le temps est venu pour Washington afin de repenser ses relations avec le royaume ».
Le 5 octobre courant, l’organisation des pays exportateurs de pétrole « OPEP + » a décidé de baisser la production du brut, à hauteur de 2 millions de barils par jour, à partir du mois de novembre prochain, ce qui a provoqué la hausse des prix de d'environ 10% avant d’enregistrer une légère baisse au courant de cette semaine.
De son côté, le ministre saoudien des Affaires étrangères, le prince Faycal Ben Farhan, a qualifié, mardi, les relations de son pays avec les États-Unis de « stratégiques », considérant que la « décision portant réduction de la production de pétrole est exclusivement économique et n’a pas de desseins politiques comme le pense Washington ».
Une relation détériorée
Bakir, professeur de relations internationales à l'Université du Qatar, a déclaré à Anadolu que « l'Arabie Saoudite confirme que la décision a été prise pour la protection de ses intérêts et pour éviter la chute drastique des prix et que cette décision ne cible ni les États-Unis ni l'Administration Biden ».
« Toutefois, a-t-il dit, je ne pense pas, compte tenu du timing et de la tension qui prévaut actuellement, que les États-Unis prendront au sérieux les explications saoudiennes, dans la mesure où les Américains considèrent que la décision est adressée contre eux essentiellement pour soutenir la position du président russe Vladimir Poutine ».
Depuis le 24 février dernier, la Russie a lancé une guerre contre son voisin ukrainien, ce qui a poussé plusieurs capitales occidentales, au premier rang desquelles figure Washington, à imposer une série de sanctions économiques sévères contre Moscou.
Par ailleurs, Bakir estime que la « relation entre Washington et Riyad est en détérioration depuis près d'une décennie et l'actuelle tension n'est pas surprenante mais est la résultante de la régression des relations depuis la fin de du mandat de président George Bush (2001-2009) et l'arrivée du de l'Administration de Barack Obama (2009-2017) et je pense que cette tendance se poursuivra à l'avenir ».
Notre interlocuteur a relevé que « l'équation de la sécurité contre la nourriture, en vertu de laquelle les États-Unis garantissent la sécurité de l'Arabie Saoudite, et que cette dernière assure la sécurité énergétique, est actuellement marginalisée et en déclin, voire sur le bord de l'effondrement ».
Imposer des sanctions
Bakir a relevé que « des appels sont lancés actuellement aux États-Unis pour imposer des sanctions à l'Arabie Saoudite et la priver de l'importation des armes, tout en retirant toutes les garanties sécuritaires qui lui sont offertes, au moment où Riyad s’emploie au cours des dernières années à raffermir ses liens avec la Russie et la Chine et ne se contente plus de ses relations stratégiques avec l'allié américain seulement ».
Et l'universitaire de poursuivre : « Actuellement, et après la décision de la baisse de la production, l'image de l'Arabie Saoudite à l'intérieur des États-Unis est négative, aussi bien auprès de larges franges du peuple américain, mais aussi parmi les la classe politique et les partis ».
Il a ajouté que « du côté saoudien, ils sont enclins à ce que la prochaine administration américaine soit républicaine pour contenir la situation et établir la relation d'antan, mais actuellement rien ne garantit cela et la détérioration des relations se poursuivra pour une longue période », a-t-il estimé.
Timing négatif
Bakir soutient que l'appui saoudien apporté à la réduction de la production du pétrole est intervenue à un timing extrêmement négatif d'un point de vue américain ».
Il a imputé cela à « une inflation en hausse et à l'augmentation des prix, en plus des cours du pétrole et du gaz qui sont en hausse. Cela a des retombées sur la situation économique américaine ».
« La décision est intervenue à une phase extrêmement critique, soit à un mois environ avant la tenue des élections de mi-mandat du Congrès américain, en novembre prochain », a-t-il insisté.
Bakir a ajouté que « bien que la décision saoudienne paraisse comme étant externe, il n'en demeure pas moins qu'elle a des retombées à l'intérieur des États-Unis et sur les prochaines élections. In fine, cela pourrait aboutir à la chute des Démocrates, ce qui explique la violence de la réaction ».
« Biden appelle à revoir et à repenser les relations avec Riyad, mais jusqu'ici, il n'est pas connu dans quelle dimension cela sera fait et ces relations seront revues. S'agit-il d'une réaction médiatique seulement où cela aura des conséquences sur le terrain? Il faut patienter un peu pour examiner ces conséquences », a-t-il insisté.
Bakir a insisté sur « le fait que la partie américaine considère que la décision a été prise contre Washington en raison du timing, de même qu'elle considère qu'il s'agit d'un appui et d'un soutien à la Russie et à sa position, dont la guerre contre l'Ukraine, et les Américains ne perçoivent pas positivement quiconque soutiendrait la Russie dans ce conflit ».
Déception
Bakir a considéré que la réaction américaine « reflète une grande déception à l'égard de l'Arabie Saoudite…les Américains s’attendaient qu’en contrepartie de son soutien sécuritaire apporté à l'Arabie Saoudite et à la région du Golfe, ils obtiendraient une solidarité et un appui que ce soit dans le domaine économique ou en matière de sécurité énergétique lors des crises ».
Il a relevé que « cette équation n'est plus de rigueur, ce qui explique la violence de la réaction américaine ».
« Il existe un conflit portant sur le gaz et le pétrole et l'Europe est dans une très mauvaise posture en tant qu'un des plus grands importateurs d'énergie au monde, étant dépourvue de ressources requises dans ce contexte, en comptant essentiellement sur le gaz russe et sur le pétrole », a-t-il conclu.