La Russie suspend sa participation à l'accord des exportations de céréales ukrainiennes
La Russie a annoncé ce samedi suspendre sa participation à l'accord assurant la poursuite des exportations de céréales ukrainiennes.
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L'Ukraine a dénoncé un «faux prétexte» et appelé à faire pression pour que la Russie «s'engage à nouveau à respecter ses obligations» pour cet accord conclu en juillet sous égide de l'ONU et de la Turquie, le seul entre Moscou et Kiev depuis le début du conflit.
De son côté, l'UE «exhorte la Russie à revenir sur sa décision», a déclaré dimanche dans un tweet le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell. Cette décision «met en danger la principale voie d'exportation de céréales et engrais dont on a besoin pour répondre à la crise alimentaire mondiale provoquée par la guerre» en Ukraine, a-t-il insisté.
«C'est juste scandaleux»
Dans sa vidéo quotidienne postée sur internet, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a affirmé «que cette décision ne datait en fait pas d'aujourd'hui». «La Russie a commencé à aggraver la pénurie mondiale de nourriture en septembre, quand elle a commencé à bloquer les mouvements des navires transportant nos productions agricoles», a-t-il affirmé. «Il s'agit d'une intention transparente de la Russie de faire peser à nouveau le spectre d'une famine à grande échelle en Afrique et en Asie», a-t-il ajouté.
Selon lui, au moins 176 navires transportant plus de deux millions de tonnes de céréales étaient déjà bloqués par Moscou. «Une réponse internationale vigoureuse est nécessaire. Au niveau de l'ONU et en particulier au niveau du G20», auquel la Russie ne devrait plus être admise, a-t-il ajouté.
«C'est juste scandaleux. Il n'y avait aucune raison pour eux de faire cela», a-t-il déclaré à la presse après avoir voté par anticipation aux élections de mi-mandat dans son fief de Wilmington, dans le Delaware. Préalablement, la porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison Blanche, Adrienne Watson, a accusé la Russie dans un communiqué de se servir de l'alimentation «comme d'une arme». «La Russie essaie encore une fois d'utiliser la guerre qu'elle a initiée comme prétexte pour se servir de l'alimentation comme d'une arme, ce qui affecte directement des pays dans le besoin et les prix des denrées alimentaires à travers le monde, et exacerbe des crises humanitaires déjà graves et l'insécurité alimentaire», a ajouté Adrienne Watson.
Neuf millions de tonnes de céréales et produits agricoles
L'accord céréalier avait permis l'exportation de plusieurs millions de tonnes de céréales coincées dans les ports ukrainiens depuis le début du conflit en février. Ce blocage avait provoqué une flambée des prix alimentaires, faisant craindre des famines. L'ONU, garant de l'accord, a appelé à le préserver, soulignant qu'il avait un «impact positif» pour l'accès à l'alimentation de millions de personnes à travers le monde.
«La Turquie n'a pas été officiellement notifiée» par la Russie de son retrait de l'accord international sur les exportations de céréales, dont elle est un des garants avec les Nations unies, a indiqué samedi à l'AFP une source sécuritaire turque. L'accord signé le 22 juillet à Istanbul, avec la Russie et l'Ukraine et qui a permis d'exporter plus de 9 millions de tonnes de céréales et produits agricoles est supervisé depuis un centre de coordination conjointe (JCC) installé également dans la mégapole turque.
Le président russe Vladimir Poutine a multiplié les critiques envers cet accord ces dernières semaines, soulignant que les exportations de la Russie, autre producteur céréalier majeur, souffraient à cause des sanctions.
Une attaque avec «la participation d'experts britanniques»
Moscou a justifié cette suspension par une attaque de drones massive qui a visé samedi matin des navires militaires et civils de la flotte russe de la mer Noire stationnés dans la baie de Sébastopol, en Crimée annexée. «Compte tenu de l'acte terroriste réalisé par le régime de Kiev avec la participation d'experts britanniques contre des navires de la flotte de la mer Noire et des navires civils impliqués dans la sécurité des couloirs céréaliers, la Russie suspend sa participation à la mise en œuvre de l'accord sur les exportations des produits agricoles des ports ukrainiens», a annoncé le ministère russe de la Défense sur Telegram.
Face à ces accusations, la Défense britannique a réagi en dénonçant de «fausses informations» destinées à «détourner l'attention», tandis qu'un responsable ukrainien a suggéré qu'une «manipulation négligente d'explosifs» par les forces russes était à l'origine de l'incident.
Selon les autorités russes, l'attaque a eu lieu au petit matin samedi avec «neuf véhicules aériens sans pilote et sept drones maritimes autonomes», provoquant des «dégâts mineurs» sur un navire dragueur de mines et sur le barrage de confinement de la baie de Sébastopol. «La préparation de cet acte terroriste et la formation du personnel militaire du 73e centre ukrainien des opérations maritimes spéciales ont été menées par des spécialistes britanniques basés à Otchakov, dans la région de Mykolaïv en Ukraine», a indiqué le ministère russe de la Défense sur Telegram.
Moscou a aussi accusé Londres d'être impliqué dans les explosions ayant endommagé en septembre les gazoducs russes Nord Stream 1 et 2 en mer Baltique et promis de soumettre la question au Conseil de sécurité de l'ONU. «La Russie a demandé à plusieurs reprises une enquête conjointe sur les attaques (...). Le fait que les pays occidentaux aient refusé cette proposition le confirme : ils ont quelque chose à cacher», a déclaré la porte-parole de la diplomatie russe Maria Zakharova dans un communiqué.
Peu avant l'annonce de la suspension de l'accord céréalier, le ministre russe de l'Agriculture avait une nouvelle fois critiqué le texte à la télévision, accusant les pays de l'UE de s'approprier les exportations ukrainiennes devant revenir aux pays pauvres. Ces allégations avaient précédemment été démenties par le centre de coordination situé en Turquie.
«L'accord sur les céréales, malheureusement, non seulement n'a pas permis de résoudre les problèmes des pays dans le besoin, mais les a même aggravés dans un certain sens», a déclaré Dmitri Patrouchev, promettant de leur livrer gratuitement jusqu'à 500.000 tonnes de céréales russes.