Brésil : des manifestants pro-Bolsonaro refusant de reconnaître l'élection de Lula réclament l'intervention de l'armée
Des dizaines de milliers des manifestants pro-Bolsonaro refusant de reconnaître l'élection de son successeur Lula ont réclamé l'intervention de l'armée, mercredi 2 novembre 2022 à Rio.
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Trois jours après la défaite de Jair Bolsonaro à la présidentielle brésilienne, ses partisans ont défilé par milliers, mercredi, devant plusieurs lieux de commandement militaire du pays afin de réclamer une intervention de l'armée. Dans la soirée, le président sortant a appelé ceux qui investissaient les routes de cesser le blocage, tout en soutenant ces "manifestations légitimes".
Des dizaines de milliers de partisans du président sortant d'extrême droite Jair Bolsonaro refusant de reconnaître l'élection de son successeur Lula ont manifesté mercredi 2 novembre devant des lieux de commandement militaire. Ils réclamaient une intervention de l'armée.
Par ailleurs, des bolsonaristes bloquaient toujours des routes mercredi dans plus de la moitié des États, même si les barrages étaient moins nombreux. Dans la soirée, Jair Bolsonaro a demandé à ces derniers de "débloquer les routes", tout en soutenant les "manifestations légitimes" qui se sont sont multipliées après sa défaite au second tour de la présidentielle dimanche face à Lula.
"Je vous lance un appel : débloquez les routes. Cela ne me paraît pas faire partie des manifestations légitimes", a dit le dirigeant dans une vidéo diffusée sur Twitter. "D'autres manifestations qui se tiennent dans tout le Brésil, dans d'autres endroits, font partie du jeu démocratique, elles sont les bienvenues", a-t-il ajouté. "Protestez d'une autre manière, dans d'autres lieux, c'est très bien". "Je suis avec vous et je suis sûr que vous êtes avec moi. Ma demande concerne les routes. Nous allons les débloquer pour le bien de notre nation", a également déclaré le chef de l'État battu d'une courte tête par le candidat de gauche Luiz Inacio Lula da Silva.
Cette journée de mobilisation a été entachée par un épisode violent : sur un barrage routier près de Mirassol, dans l'État de Sao Paulo (sud-est), un automobiliste a percuté des manifestants, faisant au moins sept blessés selon la chaîne CNN.
Certains bolsonaristes se sont révélés menaçants envers les journalistes dont une équipe de l'AFP, notamment à Sao Paulo, où le nombre de manifestants avait commencé à baisser en fin d'après-midi.
Ces protestations avaient lieu au lendemain de l'allocution de Jair Bolsonaro, ex-capitaine de l'armée nostalgique de la dictature militaire (1964-85), battu de peu à la présidentielle dimanche. Il a rompu mardi un lourd silence de deux jours pour dire qu'il "respecterait" la Constitution et a donné le feu vert à la transition avec son successeur de gauche Lula. Mais il a aussi délivré un message reçu comme un encouragement par ses soutiens : "Les manifestations pacifiques seront toujours bienvenues."
Selon lui, elles sont "le fruit de l'indignation et d'un sentiment d'injustice concernant la façon dont le processus électoral s'est déroulé", une phrase reprise mercredi par son fils député, Eduardo Bolsonaro, dans une publication sur Instagram qui montrait une vue aérienne de la manifestation à Rio de Janeiro.
"Élection frauduleuse"
À Sao Paulo, des milliers de bolsonaristes manifestaient devant le commandement militaire du Sud-est, exigeant une intervention de l'armée aux cris de "intervention fédérale tout de suite", a constaté une journaliste de l'AFP-TV.
Une manifestation similaire devant le quartier général de l'armée à Brasilia réunissait également des milliers de protestataires, selon un photographe de l'AFP, certains scandant "résistance civile".
Même scénario à Rio de Janeiro, où des milliers de manifestants chantaient devant le commandement militaire : "Lula, voleur, ta place est en prison", selon un journaliste de l'AFP-TV.
"On demande (...) une intervention militaire pour que notre pays ne devienne pas communiste", a expliqué à l'AFP-TV à Sao Paulo Rodrigo da Mata, un vendeur de 41 ans. "Nous ne reconnaissons pas le résultat de l'élection parce que nous savons qu'elle a été frauduleuse. Comme tout ce que fait le PT", ajoute-t-il au sujet du Parti des Travailleurs de Luiz Inacio Lula da Silva.
"Nous allons rester ici jusqu'à ce que les généraux prennent des mesures", dit pour sa part Sebastiao Ramalho, militaire de réserve de 70 ans.
Des saluts nazis ont été filmés lors de manifestations dans l'État méridional de Santa Catarina.
Selon le site d'informations UOL, des manifestations en faveur d'une intervention de l'armée ont eu lieu mercredi devant des bâtiments militaires de 11 États (sur 27) du pays.
"Ça ne sert à rien de pleurer, on a perdu la partie", avait pourtant déclaré au quotidien O Globo le vice-président Hamilton Mourao, qui a souvent affiché son esprit d'indépendance par rapport au chef de l'État.
Menace de pénurie
Le nombre de barrages routiers a notablement baissé mercredi : la police de la route fédérale (PRF) a répertorié une centaine de blocages encore en vigueur affectant 12 États, selon un bilan publié mercredi soir. Au total, quelque 776 manifestations de cette nature ont été dispersées jusqu'à présent, a-t-elle précisé.
Leur nombre a drastiquement baissé à partir du moment où la police a commencé à faire usage de la force avec l'aval de la Cour suprême, qui l'a exhortée à recourir à "tous les moyens nécessaires" pour débloquer les chaussées. "Nous ne pouvons pas utiliser les méthodes de la gauche, (...) qui empêchent la liberté de circulation", avait dit mardi le président Bolsonaro.
À Sao Paulo les forces de l'ordre ont dû utiliser du gaz lacrymogène et des canons à eau pour rétablir la circulation sur la route Castello Branco, principal axe routier reliant le poumon économique du Brésil au centre-ouest du pays, haut lieu de l'agronégoce.
Les barrages ont entraîné des difficultés d'approvisionnement au Brésil, qui compte presque exclusivement sur le transport routier pour l'acheminement des biens et produits alimentaires.
La Confédération Nationale des Industries a averti dès mardi du "risque de pénuries et de manque de combustible" si les barrages routiers n'étaient pas rapidement levés. Le site d'information G1 estimait pour sa part que 70 % des supermarchés constataient déjà des ruptures d'approvisionnement de certains produits.