Coupe du monde au Qatar : quand les journalistes israéliens ont été boycottés
Les Israéliens ne sont pas les bienvenus à Doha, au Qatar, où se tient la Coupe du monde de football 2022.
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Les Israéliens ne sont pas les bienvenus à Doha, au Qatar, où se tient la Coupe du monde de football 2022. Selon tous les témoignages des visiteurs de Tel-Aviv, l’hostilité du public arabe les a mis en danger. Un cruel démenti à l’euphorie des accords d’Abraham et une preuve de la centralité de la question palestinienne, du Moyen-Orient au Maghreb.
Ils s’étaient envolés pour le Qatar dans la joie et reviennent désespérés. Les journalistes et les milliers de fans de football israéliens avaient cru débarquer à Doha dans l’euphorie du grand réchauffement avec le monde arabe qu’ils pensaient acquis depuis les accords d’Abraham signés à l’été 2020. La réalité leur a infligé un cruel démenti. Les envoyés spéciaux des télévisions israéliennes ont témoigné de l’hostilité générale qui les a entourés. « Israël n’existe pas, c’est la Palestine ! » criaient les supporters aux journalistes qui les interrogeaient sans cacher leur identité. « Vous n’avez rien à faire ici, partez ! » leur a lancé une visiteuse tunisienne.
Un taxi s’est arrêté immédiatement dès que les passagers, sans méfiance, ont donné leur nationalité, et les a débarqués au milieu de nulle part. Il ne s’agit pas de cas isolés. Ils se sont multipliés à tel point que les services de renseignement israéliens sont passés en une semaine de la confiance absolue au classement du pays en risque 3, au même titre que le Liban et l’Iran. Les conseils d’urgence donnés aux ressortissants de l’État hébreu qui n’ont pas encore regagné leurs pénates sont clairs : « Ne parlez pas hébreu. Ne portez pas de kippa. Donnez une autre nationalité que la vôtre… »
Cruel retour au principe de réalité. La cause palestinienne, avec des drapeaux et des banderoles qui se déploient partout à Doha, y compris dans les tribunes du Mondial où tout signe politique est pourtant interdit, reste centrale dans le monde arabe, des pays du Golfe au Maghreb. Alors que les accords d’Abraham et leur principe de normalisation des rapports avec Israël étaient censés métamorphoser les relations entre les peuples, rien ne semble avoir changé. Mais la stupeur des journalistes semble elle-même… stupéfiante. Comment s’être illusionnés à ce point sur le supposé miracle des accords d’Abraham ? Sans remettre en cause leur importance diplomatique, seul le règlement du conflit israélo-palestinien pouvait les inscrire dans l’histoire.
Benyamin Netanyahou et Donald Trump s’étaient donné beaucoup de mal pour les présenter comme la version positive des accords d’Oslo de 1993 qui avaient échoué en raison des attentats suicides menés par les extrémistes palestiniens et de l’assassinat du Premier ministre Yitzhak Rabin par un extrémiste israélien. Aujourd’hui, comment les fils ennemis d’Abraham pourraient-ils s’accorder alors que la Cisjordanie s’embrase chaque jour ? En finir avec ce bain de sang : c’était le sens du dernier discours devant l’ONU de Yaïr Lapid, le Premier ministre sortant, qui a martelé son attachement à la solution des deux États, avec une Palestine démilitarisée aux côtés d’Israël.
En s'appuyant sur les manipulateurs les plus racistes de la scène politique – les partis Force Juive et Sionisme religieux – Benyamin Netanyahou est de retour aux affaires. L’image de l’État hébreu, mise à mal, ne risque pas d’en être améliorée. Le voyage officiel à Bahreïn du président israélien Yitzhak Herzog, prévu le 4 décembre, est entouré des plus hautes consignes de sécurité en raison d’un déferlement de haine sur les réseaux sociaux. Les Israéliens, formatés depuis des années par la machine médiatique au service de Netanyahou, se sont laissé convaincre que la question palestinienne n’existait pas. Les attentats n’ont pas réussi à les sortir de cet aveuglement.
Or, c’est l’honneur d’Israël que défendent la Cour suprême, menacée de voir ses décisions balayées par les députés majoritaires, et les ONG, telles les associations de soldats comme Breaking the Silence (« Briser le silence ») accusées de traîtrise par Benyamin Netanyahou. La tâche de l’opposition centriste – la gauche est laminée – que mènera désormais Yaïr Lapid est immense. Il lui appartiendra de défendre un État de droit que veut détruire le gouvernement en cours de formation. Faute de quoi – et c’est à contrecœur que nous écrivons ces lignes – la coupe débordera toujours de haine pour Israël.