Guerre en Ukraine : Pourquoi Emmanuel Macron n'est-il toujours pas allé à Kiev ?
Depuis le début de la guerre, plusieurs dirigeants occidentaux se sont déjà rendus en Ukraine et Emmanuel Macron ne peut plus attendre longtemps.
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Mateusz Morawiecki, Petr Fiala et Janez Jansa. Boris Johnson. Charles Michel et Ursula von der Leyen. Justin Trudeau. Anthony Blinken ou encore Antonio Guterres. La liste des dirigeants occidentaux qui se sont rendus sous les bombes en Ukraine, à laquelle il faut rajouter Jill Biden et Angélina Jolie, s’allonge chaque semaine. Un nom manque à l’appel. Celui d’Emmanuel Macron, pourtant très actif sur le plan diplomatique depuis le début de l’invasion russe. Une anomalie sur le point d’être corrigée, si l’on en croit Etienne de Poncins.
« Il est très attendu à Kiev, il a été invité à plusieurs reprises […] je crois qu’il a prévu d’y aller. La date exacte n’est pas encore fixée », a déclaré l’ambassadeur de France en Ukraine sur France 2 mercredi. Comment expliquer que le président français, si prompt à décrocher le téléphone pour s’entretenir avec Vladimir Poutine et Volodymyr Zelensky, n’ait pas encore pris le Falcon de la République pour s’afficher dans les rues de Kiev ?
La nécessité de la valeur ajoutée
Pour Bertrand Badie, politiste spécialiste des relations internationales interrogé par 20 Minutes, la décision d’un tel déplacement tient compte de trois facteurs. D’abord, « la nature essentiellement symbolique de ce voyage », qui n’aurait « aucun effet » concret. En clair, Emmanuel Macron ne viendra pas à Kiev avec 50 chars dans ses bagages et sa présence aurait « un effet de démonstration plutôt que de construction » diplomatique. « Ces visites ne servent à rien, ça ne soutient même pas le moral des Ukrainiens quand on voit leur vie quotidienne », lance le professeur émérite à Science po.
« Le voyage à Kiev devient une formule obligée qui n’a pas beaucoup d’intérêt », acquiesce Jean-Louis Bourlanges, député MoDem et président de la Commission des Affaires étrangères. Il faudra donc « savoir quelle est la valeur ajoutée », tant pour l’Ukraine que pour le président français, du déplacement avant de le programmer, explique le parlementaire à 20 Minutes.
Ménager Poutine et les électeurs ?
Or, deuxième élément de la réflexion, Emmanuel Macron veut jouer un vrai rôle dans la solution diplomatique. « Il y a une sorte d’habitus macronien qui consiste à se mettre en avant, quand il y a une crise, pour se présenter comme une solution », sourit Bertrand Badie. En conséquence, le chef de l’Etat veut se démarquer des autres mais aussi ne pas prendre le risque « d’agacer Vladimir Poutine ». Une hypothèse qui pèserait trop lourd dans la balance ? Pas selon Jean-Louis Bourlanges, pour qui il n’y a « pas de crainte d’afficher in situ la solidarité avec les Ukrainiens ».
Le président français a cependant fait face à un calendrier chargé depuis le début de l’invasion russe, notamment avec l’élection présidentielle. « Une visite pendant la campagne aurait été interprétée comme une manœuvre de politique intérieur, on aurait dit qu’il instrumentalise la guerre », estime le député. A l’inverse, l’occasion était presque trop belle pour Bertrand Badie. Si Emmanuel Macron avait mis « une charge électorale » sur ce déplacement, « il y serait plutôt allé », affirme-t-il, évoquant l’image potentiellement positive du « jeune président qui se rend sous la mitraille ».
Le président et sa bande
Mais plus le temps passe, plus Emmanuel Macron prend un autre risque : celui d’être le seul parmi les alliés occidentaux à ne pas y aller, et donc de perdre de l’influence, voire de se retrouver isolé. « La perspective d’être le dernier lui est pesante », estime encore Bertrand Badie, détaillant alors son troisième élément de réflexion. La visite pourrait donc ne pas tarder, reste à en définir la forme et le bon moment. « Il faut que ça se fasse pendant que la France préside l’Union européenne », martèle Jean-Louis Bourlanges, qui imagine le chef de l’Etat emmener « Charles Michel, Ursula von der Leyen, voire des Etats membres comme l’Italie ».
Donc avant fin juin, avec l’impératif « que ça soit dégagé autour », pour ne pas y aller juste après Joe Biden par exemple. Bertrand Badie penche, lui, pour une autre mise en scène : « Là où il y a eu des drames, il y a un passage nécessaire », affirme-t-il, imaginant « d’autres Boutcha ». Le président pourrait aussi « s’afficher à Odessa, car ça semble être la prochaine bataille », ou « transiter par la Moldavie ».
Pour l’instant, le mystère reste entier. Le président n’a pas pris sa décision, et même pour les députés de la majorité, « les voies d’Emmanuel Macron sont impénétrables », sourit Jean-Louis Bourlanges.