Emmanuel Macron "met les pieds dans le plat en critiquant vertement la politique économique américaine"
Le président français Emmanuel Macron, en visite d'Etat à Washington, a prévenu mercredi les Etats-Unis que leur programme d'investissements et de subventions de 430 milliards de dollars pour aider leurs entreprises et lutter contre l'inflation risquait de "fragmenter l'Occident".
Table of Contents (Show / Hide)
Au premier jour d'un voyage officiel devant célébrer l'amitié franco-américaine, le président français n'a pas caché ses préoccupations lors d'un déjeuner avec des parlementaires américains. Les subventions massives décidées par le président américain dans une grande loi économique et sociale appelée « Inflation Reduction Act » (IRA) sont « super agressives pour nos entreprises », a-t-il déploré.
« Je ne veux pas devenir un marché pour les produits américains, parce que j'ai exactement les mêmes produits que vous. J'ai une classe moyenne [qui doit] travailler et des gens qui doivent trouver du boulot. Et la conséquence de l'IRA est que vous allez peut-être régler votre problème, mais vous allez aggraver le mien. Je suis navré d'être aussi direct », a déclaré Emmanuel Macron.
Le patriotisme économique américain inquiète Macron
« Mettez-vous à ma place », a-t-il dit aux élus lors de cette réunion consacrée au changement climatique, en demandant à être « respecté comme un bon ami ». La France voit avec inquiétude le patriotisme économique décomplexé dont fait preuve le président démocrate américain, qui s'est donné pour mot d'ordre le « Made in USA ». Joe Biden entend en particulier doper la filière des véhicules électriques, dans une optique à la fois de relance de l'emploi industriel, de transition énergétique et de compétition technologique avec la Chine.
Le président français a indiqué qu'il ne « croyait pas une seconde » à une volte-face américaine, mais a plaidé pour une meilleure synchronisation entre les États-Unis et l'Europe.
La porte-parole de Joe Biden, Karine Jean-Pierre, a, elle, répété la position de Washington, à savoir que cet « Inflation Reduction Act » crée « des opportunités significatives pour les entreprises européennes et pour la sécurité énergétique européenne. Ce n'est pas un jeu à somme nulle ». La visite d'État d'Emmanuel Macron, premier dirigeant étranger à qui Joe Biden réserve cet honneur diplomatique, s'est poursuivie sur un ton plus solennel.
Le chef de l'État s'est rendu au cimetière national d'Arlington, où il a déposé une gerbe sur la tombe du soldat inconnu, mais aussi une rose blanche sur la sépulture de Pierre Charles L'Enfant. Cet architecte français a dessiné les plans de la capitale américaine.
Au Cimetière national d’Arlington, où reposent les anciens combattants américains, dont tant et tant de héros qui sont tombés pour libérer la France. pic.twitter.com/Hl1soPL23E
Visite à la Nasa
Un peu plus tôt, le président français avait entamé cette visite d'État en rencontrant la vice-présidente Kamala Harris au siège de la Nasa, accompagné de l'astronaute Thomas Pesquet. Emmanuel Macron veut en effet faire de l’espace l’exemple d’une coopération franco-américaine réussie avec à ses côtés son principal ambassadeur, rapporte notre envoyée spéciale à Washington, Valérie Gas. Dès ses premiers mots, Emmanuel Macron a évoqué la participation de Thomas Pesquet à la mission Artemis, lancée par les Américains pour retourner sur la Lune, dans un sourire qui ne cache pas une vraie volonté de Paris d’être associé à ce projet.
Kamala Harris a, elle aussi, joué le jeu en évoquant sa fierté de travailler avec la France, en rappelant que Paris et Washington sont partenaires dans le domaine spatial depuis soixante ans. Une longue coopération, donc, que les deux pays semblent vouloir renforcer à l’occasion de la visite d’État d’Emmanuel Macron. Dans la délégation française, on insiste d’ailleurs sur l’importance d’une rencontre à ce niveau pour donner une nouvelle impulsion et obtenir des avancées plus rapides dans trois domaines identifiés : l'observation de la Terre, l'exploration spatiale et l'industrie.
Dîner d'État
Mercredi soir, après une réunion sur le nucléaire civil et une rencontre avec la communauté française, Emmanuel et Brigitte Macron ont rencontré Joe et Jill Biden pour un dîner se voulant intime, loin du faste protocolaire que la Maison Blanche va déployer ce jeudi pour le président français. Emmanuel Macron sera en effet accueilli en musique et par des soldats en grande tenue. Tout a été préparé et répété depuis plusieurs jours pour être absolument parfait, souligne notre correspondant à Washington, Guillaume Naudin.
Avant l’entretien bilatéral entre les deux présidents, il y aura la remise des cadeaux. Emmanuel Macron offrira une coupe d’une célèbre maison française d’orfèvrerie, inspirée de l’époque où celle-ci équipait de ses couverts les paquebots transatlantiques. Plaisir des yeux donc, mais aussi des oreilles, avec la bande originale, en vinyle et en CD, du film Un homme et une femme, dont le réalisateur Claude Lelouch fait partie de la délégation française. Il faut préciser que c’est le couple Biden qui reçoit le couple Macron.
Cette visite culminera avec le dîner d’État. Cela va se passer le soir sous une tente dressée pour l’occasion sur la pelouse sud de la Maison Blanche. Elle peut accueillir 300 à 400 invités. Des politiques, membres des exécutifs américains et français, des artistes comme le chorégraphe Benjamin Millepied ou encore des chefs d’entreprise, car c’est aussi l’occasion de nouer des relations d’affaires. La première dame Jill Biden a elle-même participé à la conception de la décoration qui mettra en valeur les couleurs bleu, blanc, rouge communes aux drapeaux des deux pays. Elle s’est aussi occupée du menu : homard du Maine poché au beurre, une sélection de fromages américains dont l’un a même été désigné meilleur fromage du monde en 2019 et un dessert aux agrumes. Le tout se terminera en chansons. Le musicien multiprimé Jon Batiste animera la soirée. Il est originaire de La Nouvelle-Orléans, dernière étape de la visite du président français.