Perte et dette records: EDF dans un gouffre financier et sous pression
Déboires de son parc nucléaire, contribution forcée au « bouclier tarifaire ». Le géant de l’électricité a subi une très lourde perte nette de 17,9 milliards d’euros.
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Des prix de l'électricité qui flambent et un boom du nombre clients. Si on ne regarde qu'une partie du tableau, ces pertes semblent contre-intuitives. Mais, EDF a accumulé les déboires et en trente ans sa production n'avait pas été aussi basse. Pour la première fois depuis 1980, la France a d'ailleurs été importatrice nette d'électricité.
La sécheresse a amputé le potentiel des barrages. Surtout, la crise de la « corrosion sous contrainte », c'est-à-dire des microfissures sur des tuyaux de centrales nucléaires, associée à un retard dans la maintenance en raison du Covid-19, ont fait chuter de près d'un quart la production nucléaire.
Pour fournir ses clients, EDF a donc dû acheter de l'électricité à prix d'or sur les marchés sans pouvoir forcément la revendre au prix fort. Pour les clients bénéficiant du tarif réglementé, le gouvernement avait plafonné la hausse des prix à 4 % l'an dernier. Il a aussi forcé EDF à vendre davantage de courant à un prix avantageux à ses concurrents. Rien que cette dernière mesure a coûté plus de 8 milliards d'euros à EDF.
EDF qui affiche aussi une dette financière de plus de 64 milliards d'euros, contre 43 fin 2021.
Comment redresser la barre ?
« La première chose, c’est d’arrêter de plomber l’entreprise, en lui permettant d’augmenter progressivement ses tarifs, analyse Jacques Percebois, directeur du Centre de recherche en économie et droit de l'énergie (Creden), au micro de Pauline Gleize du service économie de RFI. Certes, les prix de l’électricité ont baissé sur le marché de gros donc, ce sera probablement un peu plus facile, mais il ne faut pas qu’EDF soit toujours la vache à lait de l’État. On peut espérer aussi qu’au sein de l’entreprise, on va remettre un petit peu les centrales à flot. Ça ne règle pas le problème pour le futur parce que pour le futur, il va falloir investir massivement dans le nouveau nucléaire et EDF ne pourra pas s’endetter très fortement, la dette a déjà atteint 64 milliards d’euros. »
Pour l’économiste, EDF va ainsi devoir trouver de nouveaux moyens de financement. « Ça peut exister, dit-il, puisque l’État nationalise EDF à 100 %, l’État en tant qu’actionnaire peut donner des dotations en capital. Et puis, il faut réfléchir à de nouveaux mécanismes de financements, ceux qu’on pratique par exemple en Angleterre pour le nucléaire anglais, c’est-à-dire des systèmes qu’on appelle des contrats pour différence, des BPA. BPA veut dire que vous avez de gros consommateurs industriels ou des concurrents d’EDF ou des producteurs d’électricité qui souhaitent investir dans du nucléaire à travers EDF et qui en contrepartie ont des droits de tirage sur la production. Donc il faut réfléchir à des mécanismes de financement. »
La renationalisation à 100 % d'EDF, un atout pour l'électricien ?
« Pour l’instant, l’État étant actionnaire, EDF doit verser des dividendes pendant de nombreuses années à l’État, poursuit Jacques Percebois. L’État a plus reçu d’EDF qu’il n’a versé à EDF, d’autant qu’il est très difficile à l’État de donner des subventions à EDF parce que la Commission européenne est vigilante : elle n’aime pas qu’on verse des subventions à des entreprises qui sont en situation de concurrence. Alors est-ce que maintenant le fait qu’EDF est à 100 % public, ce qui à mon avis ne change pas fondamentalement les choses, permet simplement à l’État d’avoir un peu plus les coudées franches, est-ce que ça va entrainer des modifications substantielles ? Non. Je pense que ça permettra à EDF, si EDF emprunte sur les marchés internationaux, de donner des garanties supplémentaires parce que ça signifie qu’EDF étant une entreprise totalement publique, lorsque EDF s’endettera, c'est comme si l’État français s’endettait. Mais de toute façon, EDF ne pourra pas trop emprunter, on ne peut pas financer le nouveau nucléaire uniquement par emprunt. »