Transition énergétique: les industriels globalement satisfaits mais prudents
Bulletin n°247, article 1. Afin d’atteindre ses objectifs climatiques, la France doit procéder à la décarbonation rapide de son industrie.
Table of Contents (Show / Hide)
Les 55 usines et autres sites industriels les plus émetteurs de gaz à effet de serre de France ont remis au gouvernement leur feuille de route pour réduire de 45% leurs émissions de CO2 avant 2030. Ce mercredi 22 novembre, les ministres de la Transition énergétique et de l’industrie ont signé ces « contrats».
Ces cinquante-cinq sites industriels représentent ensemble 12% des émissions de gaz à effet de serre en France et 60% des émissions de CO2 du secteur. La liste est longue : raffineries, cimenteries, usines sidérurgiques ou chimiques, sites de production d’engrais ou de sucre... Ces usines sont particulièrement gourmandes en énergie. Elles sont donc un levier incontournable dans la transition énergétique du pays. Le gouvernement prévoit ainsi que – avec les transports et le bâtiment – l'industrie devra contribuer pour deux-tiers aux efforts de réduction des émissions de gaz à effet de serre de la France d’ici à 2050.
En novembre 2022, le président français Emmanuel Macron avait reçu les dirigeants de la cinquantaine de sites industriels les plus émetteurs de CO2 pour leur demander de préparer leur feuille de route de réduction de leurs émissions. Un an plus tard, Novacarb par exemple, qui produit des cristaux de soude dans l’est de la France, promet au gouvernement de réduire de 47% ses émissions de CO2 en 2030 par rapport à 2015. Pour atteindre cet objectif, elle remplacerait le charbon - énergie fossile très polluante – par de la biomasse (sous forme de combustible issu de résidus de bois ou encore de déchets), améliorerait l’isolation thermique de ses bâtiments et ferait appel à l’innovation pour produire autant en utilisant moins d’énergie. L’entreprise prévoit également de faire reposer une partie des efforts sur le captage et le stockage de CO2.
Des investissements massifs
Le niveau des engagements varie parfois beaucoup d’une entreprise à l’autre. Pour sa part, Saint-Gobain PAM, qui fabrique des canalisations, irait jusqu’à 80% de réduction de ses émissions en 2030. Plusieurs usines remplaceraient leurs fours à gaz par des fours électriques. D’autres feraient appel à de l’hydrogène issu d’énergies renouvelables (importées ou non) pour remplacer une partie des énergies fossiles qu’ils utilisaient jusqu’ici.
Pour tenir ces engagements, il faudrait entre 50 et 70 milliards d’euros, estiment les entreprises et le gouvernement. Les industriels disent avoir besoin de l’État pour lancer des investissements importants dans des technologies qui ne sont pas toutes éprouvées à l’échelle industrielle et pour lesquelles il est plus difficile d’obtenir la confiance des banques à ce stade. L’État français s’est déjà engagé à débloquer 5,6 milliards d’euros dans le cadre de son programme « France 2030 » (des investissements publics destinés à financer la transition écologique et la réindustrialisation du pays). Le président Emmanuel Macron a évoqué la possibilité de doubler ce montant. Une promesse esquissée, mais pas confirmée pour le moment.
Des objectifs non contraignants
Les feuilles de route dessinées par les entreprises les plus importantes du secteur servent notamment au gouvernement à anticiper le renforcement des réseaux électriques et autres infrastructures publiques nécessaires à l’activité industrielle en 2030 et 2050. Pour autant, aucun des objectifs annoncés par les industriels dans leurs feuilles de route n’est contraignant. Si pour une raison ou pour une autre, ils ne les atteignent pas, aucune sanction n’est prévue, regrettent les ONG de défense de l’environnement.
« Les montants des investissements publics et économies réalisées sont astronomiques, mais l'impact sur la réduction des émissions de CO2 reste limité », estimait en juin 2023 le Réseau Action Climat. « Face aux montants déjà alloués à la décarbonation de l’industrie et aux maigres résultats observés jusqu'à présent, il semble désormais essentiel d’exiger des contreparties aux entreprises en échange de l'aide publique accordée », plaidait l’association.