Bruxelles tente de contenir la grogne des agriculteurs qui se répand en Europe
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En France, des exploitants agricoles bloquent une autoroute du Sud-Ouest depuis plusieurs jours. La FNSEA, le principal syndicat agricole du pays, appelle à des actions toute la semaine. La colère paysanne s'est aussi fait entendre récemment en Allemagne ou auparavant aux Pays-Bas. Les motifs sont multiples. Parmi eux, les règles imposées en termes d'environnement.
Les éléments déclencheurs divergent. Mais ils comportent des fondements communs. La grogne est en partie suscitée par la mise en œuvre de mesures environnementales. Parmi les questions qui fâchent : celle des jachères.L'Union européenne a refusé de prolonger pour 2024 la dérogation permettant de mettre en culture des terres en jachère. Autres sujets sensibles : les dossiers sur la préservation des prairies et une nouvelle cartographie européenne des zones humides et des tourbières.
Des dossiers sur lesquels les agriculteurs ont pourtant obtenu gain de cause figurent aussi sur la liste des revendications dans l’Hexagone.En novembre, le projet visant à réduire de moitié l'usage des produits phytosanitaires chimiques d'ici à 2030 a été abandonné au Parlement européen. Mais, à l'approche des élections européennes de juin, les manifestants espèrent peser pour faire en sorte que le projet ne revienne pas sur la table.
La gestion des normes environnementales pointée du doigt
Mais, « le problème pour les agriculteurs, ce n'est pas tant la norme environnementale, nuance François Purseigle, professeur de sociologie à l'Agro Toulouse, c’est la gestion de la norme environnementale. »
Les agriculteurs français dénoncent d'ailleurs un « empilement de normes » compliquant leur activité. Or, la France « n'a peut-être pas toujours suffisamment donné des outils d'accompagnement dans la mise en place de la normalisation, contrairement à d'autres pays comme l'Espagne », souligne François Purseigle. D'autant, qu'ils se « pensent désarmés sur le plan technologique face à l'enjeu de transition », explique le sociologue. « S'ils veulent faire une transition vers l'agriculture biologique, par exemple, cela signifie passer plus souvent le tracteur, et donc avoir de la main d'œuvre ».
Des coûts supplémentaires, c’est ce qui inquiète également certains agriculteurs au sujet des carburants.En France, un accord a été trouvé l'été dernier entre le gouvernement et la FNSEA sur une réduction progressive de la niche fiscale sur le gazole non routier, une manière de ne plus favoriser un combustible fossile émetteur de gaz à effet de serre. Mais, tous les syndicats ne sont pas sur la même ligne. Les taxes sur le diesel agricole ont aussi fait office d’étincelle en Allemagne, en ce mois de janvier 2024.
D'autres griefs ailleurs en Europe
À l'origine de la colère aux Pays-Bas en 2022, là encore, une législation environnementale. Un projet de loi visant à faire baisser les émissions d'azote en réduisant le cheptel avait abouti à des mois de contestation.
Néanmoins, « il ne faut pas confondre le mouvement “agrarien” néerlandais avec le mouvement de contestation allemand et français », analyse François Purseigle. Et d'expliquer : « Aux Pays-Bas, des mesures ont été prises en défaveur d'une agriculture jugée trop intensive et il y a eu une agglomération, des éléments de revendication entre un parti agrarien et les agriculteurs. On n'en est pas là dans l'ouest de l'Allemagne, ni en France ».
Une exaspération qui grandit à l'est de l'Europe
« L'exaspération » grandit aussi en Pologne, en Roumanie, en Slovaquie ou encore en Hongrie pour d'autres raisons. Les producteurs y dénoncent principalement la « concurrence » des céréales ukrainiennes.
Pour tenter de faire retomber les tensions, la Commission européenne lancera le 25 janvier un « dialogue stratégique » réunissant entre autres organisations agricoles, ONG et experts.