Prix planchers pour les produits agricoles : que peut-on attendre de l’annonce d’Emmanuel Macron ?
L’objectif de cette mesure, selon le chef de l’État, est de construire « un indicateur » permettant de protéger les revenus des agriculteurs.
Table of Contents (Show / Hide)
![Prix planchers pour les produits agricoles : que peut-on attendre de l’annonce d’Emmanuel Macron ?](https://cdn.gtn24.com/files/france/posts/2024-02/26103672lpw-26103678-mega-une-jpg_10138085.webp)
Pour tenter une nouvelle fois de calmer la colère des agriculteurs, Emmanuel Macron, en visite au Salon de l’agriculture samedi 24 février, a relancé l’idée d’un prix minimum – un « prix plancher » – qui couvrirait les coûts de production. Mais face à cette initiative, les syndicats d'agriculteurs restent prudents et veulent aussi avoir leur mot à dire.
Cette proposition de prix minimum est au cœur des revendications des professionnels de l'agriculture depuis plusieurs semaines en France. Il s’agirait d’inscrire dans une future loi – dont le vote est prévu cet été – le principe d’un « prix plancher », élaboré en fonction des coûts de production de chaque filière : volailles, lait, viande bovine…
Préserver les revenus agricoles grâce à des prix planchers en dessous desquels les industriels de l'agroalimentaire ne pourront pas descendre ? L'idée séduit, mais pour Yohann Barbe du syndicat FNSEA, il faudra prendre en compte les aléas des marchés.
« Ce qu'on veut, ce ne sont pas des prix planchers ; ce qu'on veut, ce sont des prix fixés par des indicateurs interprofessionnels ou des instituts techniques. La crainte avec le prix plancher, c'est que ce soit un prix plancher et un prix maximum en même temps, donc il ne faudrait surtout pas ça. L'intérêt d'utiliser des indicateurs, c'est qu'ils évoluent en fonction des marchés », indique-t-il.
Prendre en compte les coûts de production
Pour définir ces prix planchers, le gouvernement dit vouloir s'appuyer sur « l'indicateur de coût de production agricole ». À condition que cela englobe plusieurs critères, estime Laurence Marandola, porte-parole de la Confédération paysanne.
« La question des prix planchers, pour nous, ça doit comprendre le coût de production, c'est-à-dire nos charges et nos fournisseurs. Ça doit comprendre la rémunération de notre travail, qui pour nous, à la Confédération paysanne, inclut évidemment la protection sociale. Ça va être une moyenne des charges, des différents types d'exploitations. Certains ne s'y retrouveront pas, mais pour la majorité, en moyenne, ça peut leur permettre enfin de ne pas travailler à perte », rapporte-t-elle.
Des « prix planchers » dont la question de la mise en application dépendra aussi des industriels de l'agroalimentaire, des distributeurs et des consommateurs qui seront aussi mis à contribution.
Une logique « très productiviste »
L'idée de cette mesure n'est pas nouvelle. Elle avait d'ailleurs déjà été mise en place au niveau européen, dans la politique agricole commune, avant d'être abandonnée, car elle conduisait à de la surproduction, rappelle Christian Gollier, économiste et directeur général de la Toulouse School of Economics.
« On a mis 20 ans au niveau européen pour se défaire de cette politique agricole commune fondée sur des prix planchers. Donc aujourd'hui, en constatant que cette politique conduisait à des catastrophes, on a démantelé cette façon de faire. Maintenant en Europe, on a des méthodes alternatives. L'idée est plutôt de remplacer ces prix planchers, qui sont très productivistes : plus vous produisez, plus vous obtenez un revenu élevé. Donc ça incite à produire plus, et ce n'est pas nécessairement ce qu'on a envie de faire aujourd'hui en Europe », précise-t-il au micro d'Anne Verdaguer.
« Deuxième point : on a essayé de remplacer cette approche productiviste en incitant l'agriculteur, à travers des soutiens financiers, à aller vers la préservation de la nature, l'amélioration de la biodiversité. Et maintenant, en France, on essaye de faire exactement l'inverse. On autorise les agriculteurs à ne plus faire de jachère et en plus, on revient au système de prix planchers. On est en train de marcher sur la tête à nouveau ! », lance l'économiste.