le vin est-il devenu une nouvelle valeur refuge ?
Le directeur général de Vinexpo, Rodolphe Lameyse, pronostique une excellente édition du salon, temps fort pour les producteurs vins et spiritueux du monde entier.
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Comment vendre du vin en temps d'incertitudes engendrées par la guerre en Ukraine et le retour de l'inflation ? C’est la question que se posent tous les acteurs du secteur.
Dans son domaine bordelais, Jean-Jacques Bonnie, propriétaire du Château Malartic-Lagravière à Pessac-Léognan, constate que les délais de livraison s'allongent. « Pour des capsules simples, six mois d’attente, pour celles destinées aux Grands Crus, trois mois d’attente aujourd’hui. Les tensions sur les matières premières, commencées à la sortie du Covid, persistent. Rien que cela, ça pose un souci. Ajoutons à cela le prix du gaz qui a été multiplié par six chez nous et le prix de l’électricité multiplié par huit », liste-t-il.
« Un tas de problèmes surgit au quotidien, un mix d’insécurités qui fait que les négociants de la place de Bordeaux sont assez sur la défensive et leurs clients aussi. Ils achètent au fil de l’eau, sans constituer de stocks »,observe encore Jean-Jacques Bonnie. « Sur le millésime 2022 que l’on va mettre sur le marché au mois de mai, juin, les prix des bouteilles risquent forcément d’augmenter. Mais c’est aussi par ce que la qualité est au rendez-vous. C’est un très grand millésime ! », conclut ce producteur de grand cru classé de Graves. Il ajoute toutefois : « On n’est pas déconnecté du reste de l’économie. On traverse cette crise comme tout le monde. Mais on essaie de s’adapter et d’accompagner tout cela de façon la plus humaine possible. »
On consomme moins, mais mieux
Les prix des vins montent, mais leur consommation baisse, notamment en France, note Jean-Michel Deluc, sommelier, co-fondateur du Petit Ballon, un caviste en ligne. Ce qui rend les choses difficiles pour les affaires des vignerons français qui ne sont pas ou peu présents à l’international. Mais attention : si l’export est la solution, la qualité est le mot d’ordre, précise ce sommelier.
Et pour mieux nous faire comprendre les tendances du marché, il évoque une image de sablier : « On a aujourd’hui la partie haute du sablier, tout ce qui est haut de gamme marche très bien. Tout ce qui est synonyme du luxe fonctionne. Et ce malgré la crise. En revanche, on a aussi la partie basse du sablier. Ces vins pas chers et moins bons qui ont du mal à se vendre. Le consommateur est prêt à débourser une certaine somme d’argent pour un grand nom, un nom qui a été bien marqueté. Mais il ne le serait pas si c’était quelqu’un de peu connu ».
Le luxe se vend étonnamment très bien
Selon les experts, on assiste presque à un essoufflement du ventre du marché au profit des produits de luxe qui se vendent très bien, voire étonnamment très bien. Les acteurs de la filière ne comprennent pas toujours ce paradoxe. En ces temps difficiles, le vin serait-il devenu une nouvelle valeur refuge, à l’instar de l’or ou du dollar ?
Sans aucun doute, estime Marie Mascré, fondatrice et directrice associée de l'agence Sowine. Un vrai phénomène dans le monde du vin. « Ça n’a pas toujours été le cas. Mais ça l’est de plus en plus aujourd’hui. On a des consommateurs qui sont prêts à payer plus cher pour avoir certains objets ou, en l’occurrence, certaines bouteilles de vin ou bouteilles de champagne. Et ce qui est sûr, c'est que le consommateur d’aujourd’hui, et encore plus les jeunes consommateurs, voire très jeunes, ont vraiment des attentes par rapport à la marque », conclut l’experte. Et parmi ces attentes des consommateurs, notamment le respect de l'environnement et de l'humain.