Crypto-actifs : les investisseurs français restent motivés mais prudents
Tirée par les cours du bitcoin, l’une des principales plateformes de cryptomonnaies en France a enregistré un pic d’activité ces dernières semaines. L’Autorité des marchés financiers (AMF) constate que les nouveaux investisseurs sont plus jeunes et met en garde contre ces investissements très risqués.
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Portée par les cours du bitcoin, l’une des principales plateformes de cryptomonnaies en France enregistre ces dernières semaines un pic d’activité. L’Autorité des marchés financiers (AMF) note que les nouveaux investisseurs sont plus jeunes et met en garde contre ces placements très risqués.
Les locaux se trouvent au cœur d’un quartier chic de la capitale, entre des boutiques de luxe et les grands hôtels parisiens. Dans les bureaux de Coinhouse, l’une des principales plateformes de cryptomonnaies en France, une poignée d’employés, installés dans de petits box de confidentialité - sortes de cabines téléphoniques fermées - traite, ce vendredi 15 mars, les nombreux appels.
À l’autre bout du fil, un chef d’entreprise sollicite de l’aide après avoir acheté par erreur 30 000 euros de bitcoin, un autre, dont les documents d’identité sont incomplets, cherche à ouvrir à un compte. « Ce sont des personnes qui ont des questions sur ce qu’il se passe sur le marché ou qui veulent investir, explique Fédya Abdelhamid, responsable du « lead customer success » chez Coinhouse. Ces deux dernières semaines, on atteint un pic en termes d’activité. On enregistre plus de 150 [emails et chats] et une centaine d’appels par jour. »
Le marché des cryptomonnaies reprend des couleurs
Après une période de fortes turbulences marquée par l’effondrement de la plateforme FTX en octobre 2022 – son PDG, l’ex-magnat des cryptomonnaies Sam Bankman-Fried a été condamné le 28 mars, à 25 ans de prison pour avoir détourné plusieurs milliards de dollars de dépôts de clients – le marché des cryptomonnaies, réputé pour son extrême volatilité, semble retrouver des couleurs. Le 13 mars, la reine des monnaies numériques, le bitcoin, a battu des records en atteignant les 73 000 dollars - il est depuis redescendu autour des 68 000 dollars.
« C’est assez symbolique d’avoir un bitcoin qui franchit la barre 70 000 dollars, remarque Nicolas Louvet, PDG de Coinhouse. Il y a un engouement à la fois parce que les cours sont remontés, mais aussi parce qu’on assiste à une "institutionnalisation" des "cryptos". En janvier, vous avez eu une annonce assez incroyable aux États-Unis avec l’approbation de ce qu’on appelle les ETF, c’est-à-dire la capacité d’acheter réellement du bitcoin auprès d’un acteur institutionnel. Cela donne au secteur une crédibilité supplémentaire. »
Accompagnement personnalisé pour les clients « premium »
« En mars, nous avons réalisé l’équivalent de six mois de chiffre d’affaires de 2023 », se réjouit Nicolas Louvet dont l'entreprise dit se rémunérer, en partie, sur un pourcentage – entre 0,5% et 2% – prélevé à chaque mouvement réalisé sur la plateforme, qu’il s’agisse d’une conversion de cryptomonnaies ou d'achat ou de vente en euros.
La plateforme revendique 90% de clients dits « classiques ». « Ce sont des particuliers, un peu Monsieur et Madame Tout-le-monde, prêts à investir entre 3 000 et 5 000 euros », détaille Nicolas Louvet. Les 10% restants se composent d’entreprises et de particuliers bien plus aisés. « Pour ces clients, l’investissement minimum est de 20 000 ou 30 000 euros, mais cela peut aller jusqu’à un million d’euros, voire davantage. Ces clients sont des professions libérales, des chefs d’entreprises, des avocats, des sportifs, des artistes qui ont déjà généralement du patrimoine, des assurances-vie ou placent en bourse ». Leur statut « premium » leur permet de bénéficier d’un accompagnement personnalisé.
22% des nouveaux investisseurs ont entre 18 et 24 ans
« 9% des Français disent avoir investi dans les cryptomonnaies », explique Claire Castanet, directrice des relations avec les épargnants et de leur protection à l’Autorité des marchés financiers (AMF) qui publiait, en novembre 2023, une étude sur les nouveaux investisseurs réalisée avec l’Organisation de coopération de développement économique (OCDE) et le soutien de la Commission européenne.
« Les nouveaux investisseurs sont plus jeunes, - 22% ont entre 18 et 24 ans - ils ont envie de gagner rapidement de l’argent, mais ils disent dans le même temps qu’ils sont attachés à des placements peu risqués. Notre baromètre montre aussi qu’ils sont très connectés, et s’informent partout : auprès de leur cercle amical, sur les réseaux sociaux et via les influenceurs. »
Entre 70 à 90% de perdants
L’AMF, gendarme de la finance en France, alerte d’ailleurs sur l’explosion des arnaques en ligne liées aux placements en cryptomonnaies. En 2023, la plateforme OmegaPro, qui promettait « jusqu’à 300% de rendements », en échange d’investissements en cryptomonnaies, a fait des centaines de victimes françaises, après que le site immatriculé à Saint-Vincent-et-les-Grenadines a disparu. Le préjudice est estimé à plusieurs centaines de millions d’euros.
« Les cryptomonnaies représentent l’une des premières sources d’escroquerie en ligne, note Claire Castanet. Les victimes qui nous contactent ont perdu en moyenne 31 000 euros l’année dernière ». Pour éviter les mauvaises surprises, l’AMF incite les investisseurs à se référer à sa « liste blanche » qui centralise une centaine d’entreprises, enregistrées Psan (prestataires de services sur actifs numériques).
Mais attention, prévient Claire Castanet : « Ces placements en cryptoactifs restent très risqués. Les plateformes autorisées sur les produits dérivés, qu’il s’agisse de cryptomonnaies ou du Forex [marché des changes sur lequel les devises sont échangées, NDLR], ont pour obligation d’indiquer sur leur site internet le pourcentage de clients perdants sur l’année écoulée. On remarque qu'entre 70 et 90% des investisseurs sont perdants. »