Covid-19 : " Assister à des morts répétées, c’est épuisant"
Pour Anne Rocher, psychologue en service de réanimation, la prise en charge s’est banalisée, mais le désarroi des soignants persiste face aux décès.
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Anne Rocher est psychologue dans le service de réanimation de l’hôpital Avicenne, à Bobigny (Seine-Saint-Denis). Elle analyse l’évolution du rapport des soignants au Covid-19 deux ans après le début de l’épidémie.
Quel est le profil des personnes souffrant du Covid-19 actuellement admises en service de réanimation ?
On assiste actuellement à une forte diminution du nombre de personnes atteintes du Covid-19 en service de réanimation. Il y a toujours des facteurs de risque qui sont désormais connus. Mais, en janvier-février, le profil des patients a changé. On n’a quasiment plus de personnes vaccinées, à part des gens immunodéprimés. C’est vrai que ça questionne, parce qu’il y a le sentiment que ça aurait pu être évité. Il n’y a pas de jugement, les soignants soignent tout le monde, indépendamment des choix de vie. Mais, savoir que ces gens auraient pu éviter d’en arriver là, ça nous atteint. D’autant plus qu’en réanimation comme ailleurs le Covid-19 continue à tuer. Pour certaines personnes, malgré tout ce qui est mis en œuvre, le décès va être inévitable, et c’est le cas aussi pour des personnes jeunes.
Certaines personnes arrivent avec un discours opposé à la vaccination et le maintiennent même en étant en réanimation. Elles sont dans une forme de prosélytisme antivax alors qu’elles sont en train de mourir. Cela renvoie les soignants à une incapacité. Parce que ce qui est terrible pour un soignant, c’est de savoir qu’on a des solutions et qu’on ne les utilise pas. Néanmoins, chaque patient a sa liberté et les soignants s’efforcent de respecter la volonté de chacun.
« Forme de banalisation »
Mais difficile de ne pas faire de parallèle avec l’année passée, au moment où le gouvernement annonce la levée de l’obligation du port du masque dans tous les lieux clos (sauf les transports) à partir du 14 mars. L’épidémie semble s’éloigner de plus en plus des préoccupations de la population française, pressée de retrouver une vie normale. « Les décès dus au Covid sont plus rares aujourd’hui, on est très nombreux à l’avoir déjà attrapé donc il y a une forme de banalisation qui est normale, reconnaît Kevin Dereppe. Mais, quand ça touche la famille, c’est différent. »