« Le marathon de Pékin est reparti ! Allez les athlètes ! », s’époumone le speaker à deux pas du mausolée de Mao. Une boule orange perce le ciel gris de novembre, tandis que les premiers à enfiler leur dossard font des étirements devant une tour de guet des anciens remparts de la capitale chinoise.
Une armée de balayeurs prend position derrière les barrières, prête à intervenir quand les coureurs auront pris leur envol. Les derniers arrivés déposent leurs sacs transparents numérotés, avec encas, boissons et vêtements chauds, dans des camions qui les emmèneront sur la ligne d’arrivée.
Test covid négatif de 24 h
Les organisateurs annonçaient 30 000 participants pour cette édition 2022. La télévision centrale de Chine en a compté 20 000 sur la place Tiananmen. Au doigt mouillé, on aurait plutôt dit 15 000 d’ailleurs. Mais déjà, l’hymne national rugit dans les haut-parleurs. La longue cohorte des coureurs prend place en respectant le marquage au sol, des lignes rouges de la même couleur que les pancartes tenues par les volontaires qui rappellent les mesures de distanciation sociale.
7h30. Un « bang » claque contre les murs des monuments alentour et c’est un ouf de soulagement chez les organisateurs. Clameur chez les participants, les deux précédentes éditions ont été annulées en raison de la pandémie et jusqu’au dernier moment certains n’osaient pas y croire. Mais ça y est, c’est le départ ! Cette jeune diplômée trépigne d’impatience. « C’est la première fois que je participe, je suis très excitée, explique-t-elle. Cela fait deux ans qu’on s’est inscrites avec des camarades. J’ai pour objectif de finir les 42 kilomètres en 3 heures 10 minutes. Je me suis beaucoup entraînée pour cela. Cette année, j’ai couru au moins 200 kilomètres par mois, pour être prête. »La joie est visiblement partagée et méritée.
Pour participer, la condition physique ne suffit pas. Stratégie « zéro covid » oblige, les candidats ne doivent pas avoir quitté Pékin dans les sept jours précédant l’épreuve. Il fallait aussi présenter un PCR négatif de 24 heures. Des conditions qui ne surprennent plus la majorité des présents habitués à se faire tester tous les trois jours depuis mai dernier. « S’il n’y avait pas ces mesures, l’événement ne pourrait avoir lieu », souligne Bob, un employé de la finance. À 29 ans, ce dernier a eu peur de passer le cap des trois décennies avant d’effectuer son premier marathon. « Cela fait trois ans qu’on attend et c’est un événement national, dit-il. Il y a peu de manifestations sportives ces derniers temps, c’est le signe que les choses vont mieux. Je suis venu avec des collègues, on forme un groupe soudé on est vraiment très heureux d’être ici même s’il a fallu se lever très tôt. »
Serre-tête brochettes de fruits confits
Pékin est de nouveau une fête. Pas complètement. Il y a certes les sourires et les V de la victoire chez la plupart de celles et ceux qui ont pris le départ. Il y a aussi cet amusement bon enfant partagé chez les personnes venant d’un même « danwei » - une unité de travail -, des collègues de bureaux qui portent les mêmes vêtements en signe de reconnaissance, ou chez ces joyeux lurons qui ont enfilé des perruques blondes et qui font la joie des photographes. Même chose pour ces trois copines qui pour courir, portent des serre-tête symbolisant les célèbres « tangroulou », ces brochettes de fruits confits qui font la joie des Pékinois de 7 à 77 ans chaque hiver. Mais il y a aussi les autres, tous ceux qui n’ont pas pu venir.
En raison des restrictions de déplacement liées à la résurgence épidémique, Pékin s’est de nouveau transformée en forteresse. Les zones covid à risque se sont multipliées ces dernières semaines. Les notifications pleuvent sur les smartphones, alertant leur propriétaire d’un passage de près ou de loin dans ces zones, bloquant aussitôt tout projet de voyage. « Je n’ai pas vraiment de mérite », confie Wang Xin, 39 ans.
Cette mère de deux enfants est modeste. Elle est la première femme sur la ligne d’arrivée, mais elle relativise sa performance : « Si des athlètes de toute la Chine et de l’étranger avaient pu participer, cela aurait été beaucoup plus difficile, explique-t-elle dans un sourire. Je suis contente, c’est mon premier marathon », poursuit celle qui a commencé à s’entraîner pour perdre du poids l’année dernière. Elle a d’ailleurs perdu 30 kilos : « Maintenant, plus je cours, plus je suis heureuse. » Plus de 90 % des participants cette année viennent de Pékin, dans une course organisée pour la première fois par la Ligue nationale d’athlétisme.
Pour relever le niveau, les organisateurs ont eu recours à une liste d’invités, dont fait partie le vainqueur de l’édition 2022.
Originaire de la région autonome du Xinjiang, Anubaike Kuwan a remporté l’épreuve en deux heures 14 minutes et 33 secondes. Le coureur sino-kazakh s’est entraîné au sein du célèbre club de marathon Yuan Da du de Pékin qui a fourni 200 de ses meilleurs compétiteurs à la course. Parmi les mieux classés, il y a également les sportifs de l’armée et des forces de l’ordre, comme ce policier qui a terminé 7e sur la ligne d’arrivée et qui s’est lancé dans la course longue distance au début pour se maintenir en forme. « Aujourd’hui, dit-il, je voulais montrer aux habitants de mon quartier, qu’avec un peu d’entraînement, tout le monde peut y arriver. »