Ainsi, « la possibilité est là, mais est de très très faible probabilité, ajoute Patrick Michel. Un astéroïde aura bien plus de chances de passer près de la Terre, ou sinon de tomber dans une zone inhabitée ». Dans le cas contraire, « on enclenche la protection civile : dès 50 mètres de taille ; s’il risque de mettre en danger des populations, des plans d’évacuations doivent être prévus. Même une explosion dans l’atmosphère peut enclencher des actions qui pourraient s’avérer dramatiques, notamment si un pays en déduit que son voisin l’attaque ».
Mission réussie pour le test de déviation d’un astéroïde
La collision volontaire d’un engin de la NASA avec l’astéroïde Dimorphos a réduit de trente-deux minutes son orbite autour de son compagnon Didymos.
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Après 10 mois de voyage vers Dimorphos, la sonde Dart envoyée par la Nasa l’a dévié de sa trajectoire, en allant le percuter. De l'impact, ont résulté de nombreux éjectas de l’astéroïde qui ont accentué la poussée subie par le corps rocheux. C’est ainsi, que son orbite s’est décalée : alors qu’il effectuait auparavant le tour de son astéroïde parent Didymos en 11 heures et 55 minutes, il le fait maintenant en 11 heures et 23 minutes ! Cette mission, inscrite dans le cadre de la défense planétaire, prévue depuis presque une décennie, est donc une réussite ! Mais que présage-t-elle pour la suite ? Futura a interrogé à ce sujet Patrick Michel, directeur de recherche au CNRS à l’observatoire de la Côte d’Azur et pionnier de la déviation d’astéroïdes, qui travaille entre autres sur les missions Dart et Hera dont il est responsable scientifique.
« L’essentiel avec les astéroïdes, c’est de les toucher »
Que se passerait-il en cas d’un réel risque avec la Terre ? Plus ou moins la même chose que ce qu’a fait Dart, nous dit Patrick Michel. Car pour empêcher un impact, point de scénario à la Armageddon. Dans la réalité, peu de solutions sont disponibles. « Sur le papier, de nombreuses méthodes fonctionnent. Dans la pratique, très peu ont une réelle chance de fonctionner, explique Patrick Michel. Objectivement, la seule autre méthode à envisager serait le tracteur gravitationnel : on envoie une sonde à proximité d’un astéroïde, et on utilise son influence gravitationnelle sur l’astre, grâce à sa masse, pour le dévier. C’est un processus lent, qui ne fonctionnerait que sur des petits objets, mais c’est faisable. » Mais, même lente, « cette méthode possède un avantage certain au niveau du déterminisme : on pourrait calculer puis contrôler directement la déviation », complète-t-il.
Et l’idée de déposer une charge nucléaire ? Pas impossible, mais compliqué. Notamment à cause du terrain : impossible de connaître la texture du sol de l’astéroïde, sans y avoir été avant, ou l’avoir survolé suffisamment longtemps pour obtenir des données fiables. « L’essentiel avec les astéroïdes, c’est de les toucher. Sans ça, on ne peut en savoir plus sur leur comportement, qui peut être contre-intuitif. Ils évoluent dans un environnement très différent de celui de la Terre, ajoute Patrick Michel. On ne peut pas se fier seulement aux images pour savoir si leur sol est mou ou dur, par exemple. Dans ce cas, enfoncer une charge nucléaire est impossible : cela impliquerait que l’on connaisse déjà le sol. » Et compliqué aussi, car amener une charge nucléaire implique une décision commune au niveau des Nations unies, donc un processus long puisque interdit par les traités internationaux.
Malgré tout, la solution reste envisageable, sous une autre forme : créer une poussée comme avec un impact, mais cette fois avec une explosion nucléaire à proximité de l’astéroïde. « Il est possible de faire exploser une bombe à proximité de l’astéroïde. L’énergie transmise par les neutrons et les rayons X provenant de la charge servira ensuite à créer l’ablation de matière, et ensuite c’est comme pour l’impact, l’éjection de matière pousse l’astéroïde », ajoute Patrick Michel.
Une catastrophe à la Don’t look Up est-elle possible ?
Pourrait-on découvrir une comète seulement six mois à l’avance, sans possibilité de prendre le temps de décider quoi faire ? Plus ou moins. « Les comètes provenant du nuage d’Oort ne sont découvertes que lorsqu’elles ont passé l’orbite de Jupiter. De là, il reste à peu près un an avant qu’elles passent au plus près de la Terre », explique Patrick Michel. Plutôt un an que six mois, donc. Et surtout, avec une probabilité très faible ! « Elles sont cependant très rares, leur trajectoire est telle qu’il est vraiment très, très improbable qu’elles frappent la Terre », complète-t-il.
Dans le cas des astéroïdes géocroiseurs, la probabilité est tout aussi faible, de l’ordre « d’une collision tous les 15 000 ans pour les astéroïdes de 140 mètres », et encore moins pour ceux de plus d’un kilomètre. De plus, « on connaît tous les objets de plus d’un kilomètre, et on s’apprête à recenser tous ceux de plus de 140 mètres : c’est le seuil pour qu’une catastrophe se produise à l’échelle d’une région du monde », rassure Patrick Michel.
« Si on le faisait depuis la Terre, cela prendrait des décennies. Mais une mission de la Nasa, appelée NEO Surveyor, qui devrait décoller au plus tard à horizon 2030, s’en chargera en seulement une dizaine d’années. D’ici 2040 on aura une réelle vision sur la menace que représentent ces astéroïdes. »
Malgré tout, « ce sont des scénarios improbables, mais qui pourraient se concrétiser, explique-t-il. Nous n’avions pas du tout vu l’astéroïde de 2013 qui a fait 1 000 blessés, heureusement c’était un astéroïde rocheux, le type le plus fréquent. S’il avait été métallique les dégâts auraient été bien plus intenses. » Appelé superbolide de Tcheliabinsk, le météore s’est fragmenté dans l’atmosphère et a libéré une énergie équivalente à 30 fois celle de la bombe Hiroshima.