"4200 satellites en service d'ici 18 mois", Starlink accélère son expansion
Mauvaise nouvelle pour la société SpaceX, qui commercialise son accès à Internet par satellite Starlink en France depuis bientôt un an. Le Conseil d’État vient d’annuler son autorisation d’utilisation de deux bandes de fréquences radio attribuées par l’Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques et des Postes).
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La constellation américaine Starlink monte en puissance. Elon Musk, son PDG, a annoncé le 29 mars sur Twitter vouloir doubler le nombre de ses satellites en orbite basse (principalement à 550 km d’altitude) pour atteindre le nombre de 4200 satellites en service d’ici 18 mois, "ce qui représente quelques deux tiers de tous les satellites actifs de la Terre", a-t-il souligné. Cette déclaration s’inscrit dans un contexte très contrasté pour la société privée, qui promet de fournir un service d'internet à haut débit jusque dans les régions les plus reculées du globe.
L'opérateur vient en effet de se voir privé de ses fréquences hertziennes en France, après un recours devant le Conseil d’État des associations environnementales Priartem et Agir pour l'environnement. La décision publiée le 5 avril 2022 casse celle prise le 9 février 2021 par l'Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse) qui octroyait deux bandes de fréquence à Starlink pour relier ses satellites aux utilisateurs français sans avoir au préalable procédé "à une consultation du public". Un nouveau revers pour Starlink, qui proposait son service en France depuis mai 2021, mais n'avait pu installer qu'une seule station terrestre à Villenave-d'Ornon (Gironde). Deux autres stations étaient initialement prévues à Graveline (Nord) et à Saint-Senier-de-Beuvron (Manche), mais la mobilisation de leurs habitants avait fait reculer l'opérateur américain.
Un risque d'encombrement des orbites basses
Outre-Atlantique, la société d'Elon Musk est par ailleurs dans le collimateur de la Nasa, qui a adressé début février un courrier à la Commission fédérale des communications (l’agence américaine chargée de réguler les télécommunications), dans lequel elle s’inquiétait de la volonté d’Elon Musk d’obtenir une autorisation en vue de lancer 30.000 satellites en sus des 12.000 déjà prévus. Pour l’agence spatiale, l’encombrement des orbites basses par 42.000 satellites, dont un pourcentage non négligeable pourrait tomber en panne, augmenterait le risque de collisions et donc de débris, menaçant alors l’avenir des communications par satellites. Plusieurs menaces de collision avec des satellites de SpaceX ont déjà été émises ces derniers mois. Par ailleurs, nombre d'astronomes se sont émus de la pollution lumineuse provoquée par ces engins qui polluent leurs observations scientifiques.
Un réseau utilisé par les forces armées ukrainiennes
Mais Elon Musk apparaît aussi ces dernières semaines comme le "sauveur" de l’internet en Ukraine après y avoir livré début mars un grand nombre de kits de connexion au réseau Starlink. L’homme d’affaire avait en effet été directement interpellé par le vice-Premier ministre ukrainien Mykhailo Fedorov, qui lui avait demandé, quelques jours après l’entrée des Russes sur son territoire, de fournir des stations Starlink à son pays en guerre. Le réseau ukrainien était en effet régulièrement visé par des cyberattaques menées par des opérateurs russes, qui pouvaient faire craindre une coupure des réseaux de télécommunication.
Ces kits de connexion sont composés d’une antenne dédiée et d’un terminal de connexion. L’architecture du système repose par ailleurs sur des stations terrestres reliées par fibre au réseau internet qui reçoivent le signal et l’émettent vers les satellites. Ceux-ci le retransmettent ensuite aux utilisateurs à des vitesses comprises entre 100 et 200 Mbit/s, selon Starlink. L’Ukraine, cependant, ne dispose pas de station terrestre, l’autorisation de se déployer sur son territoire n’ayant été accordée à Starlink qu’après le début du conflit. Mais la station installée à Wola Krobowska, en Pologne, permet de couvrir la région.
Le réseau Starlink est notamment utilisé par les forces armées ukrainiennes afin de piloter dans l’obscurité des drones dotés de systèmes de vision nocturne, pour des missions de reconnaissance ou d’offensive. Les antennes Starlink peuvent en effet recevoir des signaux, mais aussi en émettre. Et ces émissions peuvent être "repérées et écoutées par les détecteurs russes, souligne Paul Wohrer, spécialiste des questions de sécurité, d'innovation et de hautes technologies spatiales à la fondation pour la recherche stratégique (FRS). Et cela peut s'avérer dangereux si un missile à tête chercheuse est lancé vers une station Starlink. Elon Musk l’a lui-même indiqué, préconisant de mettre les antennes loin d’éléments vitaux et de les déclencher seulement par intermittence afin d'éviter de se faire repérer. Reste que ce réseau est efficace pour le moment, les capacités de brouillage russes n'étant pas suffisamment efficaces pour affecter ces stations."
Des tarifs encore dissuasifs pour de nombreux particuliers
L’internet via Starlink est aujourd'hui disponible dans le nord des Etats-Unis, le Canada, l'Europe Centrale et l'Europe du Nord. Une simulation de commande sur le site de Starlink montre que pour accéder à ce service il faut d’abord débourser 634 € pour l’achat du matériel et payer ensuite 99€ chaque mois pour l’abonnement. Des tarifs pour le moment dissuasifs, qui ne vont pas vraiment aider à démocratiser l’accès à internet, l’un des arguments d’Elon Musk pour défendre son projet…