Guerre en Ukraine : les missiles hypersoniques russes, une nouvelle menace pour l'Europe ?
Selon le porte-parole du ministère de la Défense russe, la Russie a tiré des missiles hypersoniques « Kinjal » pour détruire un entrepôt souterrain d’armements, vendredi dans l’ouest de l’Ukraine. C'est une première fois dans le monde où ces armes qualifiées d' « invincibles » par Vladimir Poutine ont été utilisées.
Table of Contents (Show / Hide)
Face à sa lente progression en Ukraine, la Russie augmente progressivement sa puissance de feu. Des missiles hypersoniques « Kinjal » auraient été employés vendredi pour détruire un entrepôt souterrain d’armements situé dans l’ouest de l’Ukraine, a annoncé samedi matin le porte-parole du ministère de la Défense russe.
Leur emploi en Ukraine est une première mondiale pour un armement hypersonique, selon des experts. Voici ce qu’il faut savoir à propos de ce type de missiles redouté par les pays occidentaux.
Qu’est-ce que ces missiles Kinjal ?
Les missiles balistiques hypersoniques «Kinjal», à l’instar de ceux de croisière «Zircon», appartiennent à une famille de nouvelles armes développées par la Russie et que Vladimir Poutine qualifie d’«invincibles». Très manœuvrable, ce type de missiles défie tous les systèmes de défense antiaérienne, selon Moscou.
L’engin, d’un poids de 4 tonnes et long d’environ 7,4 mètres, pourrait voler à plus de 10 000 kilomètres par heure, et atteindre une cible dans un rayon de 2 000 kilomètres. Au vu de ces caractéristiques, seuls des avions de chasse Mig-31 et des énormes bombardiers TU-M22 sont en mesure de transporter un tel missile.
Testés avec succès en 2018, les Kinjal («poignard» en russe) avaient atteint, lors des essais, toutes leurs cibles à une distance pouvant atteindre plus de 1 000 km, selon le ministère russe de la Défense. Dans une vidéo diffusée sur YouTube par le ministère, deux pilotes montrent l’engin rivé sous le MiG-31, puis le chasseur russe décoller et atterrir, sur fond de musique guerrière.
Pourquoi ces missiles sont-ils si dangereux ?
S’ils sont considérés comme redoutables par les pays occidentaux, ce n’est pas tant par leur vitesse – elle n’est pas supérieure à celle d’un missile balistique intercontinental, par exemple – que par leur capacité à changer de direction à tout moment. Dévier de leur trajectoire prévisible rend ainsi inefficaces les défenses antimissiles ennemies.
A l’origine, ces armes ont été conçues dans le but d’échapper à des systèmes de défense les plus élaborés, comme le bouclier antimissile américain en Europe. Les essais en 2018, ne sont d’ailleurs pas passés inaperçus à l’Otan. «Les nouveaux missiles hypersoniques de la Russie sont potentiellement déstabilisants et posent des risques importants» car ils peuvent transporter des charges nucléaires, avait réagi le porte-parole du Pentagone, John Kirby. Un responsable de l’Otan avait pour sa part dénoncé des missiles qui «créent un risque accru d’escalade et d’erreur de calcul», assurant que l’Alliance atlantique «ne reproduira pas ce que fait la Russie».
Par ailleurs, la cible frappée vendredi, un entrepôt souterrain, semble tout indiquée pour les Kinjal. «De telles infrastructures sont difficiles à détruire avec des missiles classiques. Le missile hypersonique a lui une capacité de pénétration et une puissance destructrice plus importantes du fait de sa très haute vitesse», note Vassili Kachine, analyste militaire et directeur d’un centre de recherche de la Haute école d’économie de Moscou.
Quand la Russie s’est-elle dotée de tels missiles ?
Les forces armées russes ont commencé à développer les Kinjal dès 2017. Dans un discours au Parlement le 1er mars 2018, Vladimir Poutine avait invité les Occidentaux à prendre la mesure de la puissance militaire retrouvée de la Russie, tout en assurant qu’il «ne menaçait personne».
Jusqu’ici, que ce soit dans les deux conflits où elle est belligérante, l’Ukraine et la Syrie, la Russie n’avait jamais fait état de l’emploi du missile balistique Kinjal. Il a été déployé de nombreuses fois en exercices depuis le premier test réussi en 2018. Un mois plus tôt, en pleine crise russo-occidentale autour de l’Ukraine, le Kremlin indiquait que des exercices stratégiques russes menés sous la supervision de Vladimir Poutine avaient impliqué des tirs «de missiles balistiques et de croisière».
En matière d’armes hypersoniques, l’avance technologique russe est indéniable. Mais leur mise en service a conduit d’autres pays à accélérer leurs programmes hypersoniques, entraînant une course aux armements dans ce domaine. La Corée du Nord a dit en développer et en avoir testé, tout comme la Chine, laquelle a pris de court les Occidentaux avec l’essai d’un planeur hypersonique.
Peuvent-ils faire pencher la balance en Ukraine ?
Pour l’expert militaire russe Pavel Felgenhauer, le recours au Kinjal ne donne pas un avantage stratégique à la Russie en Ukraine, en revanche l’effet psychologique est certain, Moscou déployant là l’un de ses fleurons destructeurs. «Sur le fond, ça ne change pas le champ de bataille, mais c’est certain que cela a un effet sur le plan de la propagande psychologique, pour faire peur à tout le monde», dit-il.
Il peut ainsi s’agir d’un moyen supplémentaire pour tenter de briser le moral des Ukrainiens, en plus des bombardements massifs et meurtriers sur les villes assiégées comme Marioupol et Kharkiv.
Leur utilisation en Ukraine intervient au moment où l’armée russe semble continuer à essuyer de lourdes pertes lors des combats sur le terrain. Et malgré ses annonces, ne semble pas encore avoir la maîtrise totale du ciel, la défense antiaérienne ukrainienne parvenant encore à infliger des pertes à Moscou.