Présidentielle 2022 : une abstention record menace ce scrutin
Deux jours avant l’appel aux urnes, l'abstention pourrait fortement peser sur ce scrutin.
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L'abstention pourrait fortement peser sur ce scrutin. Depuis la Bérézina civique des régionales en 2021 qui avaient vu les deux tiers des Français déserter les urnes, les spécialistes se demandent si la présidentielle, élection reine de la Ve République jusqu'alors à peu près préservée, sera à son tour naufragée.
Beaucoup de politologues craignent que le record du 21 avril 2002 (28,4 %), le plus haut niveau jamais enregistré pour un premier tour d'une élection présidentielle, puisse être battu, soit bien plus qu'en 2017 (22,2 %), qui n'était déjà pas un bon cru. Selon une enquête Ipsos-Sopra Steria réalisée du 4 au 6 avril, l'abstention pourrait se situer entre 26 et 30 %, avec un point moyen à 28 %. « Le niveau d'abstention devient un grand enjeu du premier tour », résume le politologue Jérôme Jaffré.
Cassure ?
« On sait qu'il y a un risque de la voir dépasser les 30 % des inscrits, ce qui serait le record des 11 présidentielles. Cela montrerait que la cassure entre les citoyens et le vote constatée aux municipales et aux régionales persiste et que la présidentielle perd de sa force comme expression de la volonté nationale », analyse-t-il dans Le Figaro. « Au lieu que ça fasse autour de 80 % de participation, comme d'habitude à une présidentielle, ça fera peut-être autour de 70 %, mais je ne pense pas que ce sera tellement moins, et ça reste quand même un taux important », relativise Gérard Grunberg, directeur de recherche émérite au CNRS, qui, « contrairement à la plupart de (s)es collègues », ne croit pas à la thèse de « la fin de la participation ».
Pour lui, « même si la participation baisse de 10 points, on est toujours à un niveau très important, donc on ne peut pas dire que les électeurs se désintéressent complètement ». Outre le niveau global de l'abstention, c'est aussi le degré de mobilisation des différents électorats qui sera observé de près. « Tout va se jouer, comme pour toutes les élections mais plus encore cette fois-ci, dans la mobilisation différentielle de chaque camp », explique Nonna Mayer, pour qui, « si les électeurs et les électrices d'Emmanuel Macron sont démobilisés et ceux de Marine Le Pen particulièrement mobilisés, c'est l'abstention qui va faire le partage ».
Risque électoral pour Le Pen
« Marine Le Pen fait ses meilleurs scores dans la tranche d'âge des 25-34 ans et dans l'électorat populaire, celui des sans-diplômes », rappelle sur Mediapart la directrice de recherche émérite au CNRS, ajoutant que, « malgré les très bons scores qu'elle fait dans les sondages, tout va se jouer dans la transformation de ces intentions en espèces sonnantes et trébuchantes » le jour du vote. Selon une enquête Ipsos-Sopra Steria pour France Inter réalisée les 29 et 30 mars, 43 % des 25-34 ans pourraient bouder les urnes dimanche, contre 15 % seulement des plus de 70 ans. L'abstention concernerait aussi 36 % des ouvriers et 35 % des employés, contre 29 % des cadres et seulement 18 % des retraités.
« Les plus mobilisés, ce sont les modérés, des électeurs qui se reconnaissent dans les candidats du centre, principalement Emmanuel Macron aujourd'hui. Auxquels s'ajoutent les libéraux, plutôt élitistes et prosystème », analyse le professeur de sciences politiques Jean-Yves Dormagen. « Parce que leurs électorats sont plus âgés, plus bourgeois, plus diplômés et plus votants, Emmanuel Macron, Valérie Pécresse et Éric Zemmour ont moins à craindre de l'abstention. Contrairement à Marine Le Pen et à Jean-Luc Mélenchon, dont l'électorat, issu de milieux populaires, est plus sujet à l'abstention », ajoute dans Politis le coauteur de La Démocratie de l'abstention.
« Une forte abstention, c'est un risque électoral pour Marine Le Pen, dont la base sociale y est la plus sujette. C'est un risque politique pour Emmanuel Macron, qui, au soir du premier tour, subirait une pluie de critiques pour avoir minoré la campagne et refuser les débats entre les candidats, qui mobilisent les électeurs », nuance Jérôme Jaffré.