En Israël, une marée humaine avant un vote crucial sur la réforme judiciaire
Des dizaines de milliers de manifestants israéliens ont défilé samedi à Tel-Aviv et près du Parlement à Jérusalem pour marteler leur opposition à une réforme judiciaire controversée avant un vote crucial à la Knesset dans les prochains jours. Ce projet de réforme, présenté par les opposants comme une atteinte à l'indépendance des tribunaux, a déclenché une crise constitutionnelle qui dure depuis six mois et suscite l'inquiétude des États-Unis.
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Des dizaines de milliers d’Israéliens ont rejoint Jérusalem lors d’une marche historique, pour protester contre la loi controversée qui doit être votée lundi à la Knesset.
Rien n'y a fait. Le gouvernement Netanyahou a présenté à la Knesset le projet de loi réduisant les pouvoirs de la Cour suprême. Le débat parlementaire a débuté ce dimanche matin à 10 heures tapantes. Le premier à prendre la parole fut Simcha Rothman. Président de la commission des lois, ce député du parti religieux messianique « Sionisme religieux » n'a pas fait dans la modération : « Grâce à ce plan de refonte judiciaire, Israël redeviendra une démocratie », a-t-il lancé avant de s'en prendre aux manifestants prodémocratie. « Les protestataires qui campent autour de la Knesset sont dans l'amertume d'avoir perdu le pouvoir lors des élections du 1er novembre dernier, cela les pousse à descendre dans la rue pour s'opposer à la décision du peuple. »
Comprenez : « Le peuple nous a élus et nous a donné toute légitimité pour aller jusqu'au bout de la réforme judiciaire. » Un argumentaire tenu régulièrement par la majorité au pouvoir (64 députés sur 120), que ce soit à la Knesset ou dans les médias télé et radio. Face à cela, l'opposition parlementaire n'a pas de véritable marge de manœuvre, sauf à expliquer, comme l'a fait ce matin Orit Farkash-Hacohen (députée du parti centriste de Benny Gantz) : « Les politiques de droite radicale du gouvernement ont transformé Israël – une nation high-tech – en lépreux international. » Les larmes aux yeux, elle a fini par dire : « Je n'arrive pas à croire ce que je vois. Je ne peux tout simplement pas y croire. »
Une marche populaire jusqu'à Jérusalem
De fait, la véritable opposition au gouvernement Netanyahou est désormais extraparlementaire. Voilà 29 semaines que chaque samedi soir – mais aussi, à intervalle régulier, en cours de semaine, le mardi ou le jeudi –, elle se rassemble par dizaines de milliers un peu partout dans le pays, dans au moins 150 localités. Il s'agit de clamer son indignation face à ce que cette opposition populaire appelle « la volonté du gouvernement de mettre en place une dictature religieuse et nationaliste ».
Samedi, un nouveau pic a été franchi. Quelque 85 000 marcheurs ont rejoint à pied, sous une chaleur de plomb, Jérusalem. Un fleuve humain surmonté par une marée de drapeaux israéliens. Des jeunes, des plus âgés, des femmes, des enfants, des familles entières, des handicapés. Tous sont entrés dans la ville pour se rassembler autour de la Knesset. Tout au long de la soirée, ils ont été rejoints par d'autres manifestants prodémocratie.
En contrebas, dans le grand parc de Jérusalem Ouest, un village de tentes était mis en place pour accueillir les marcheurs venus de loin. Il est situé en plein cœur de la Jérusalem institutionnelle – dans un quadrilatère formé par la présidence du Conseil, la Knesset, le ministère des Affaires étrangères et la Cour suprême. Une façon de proclamer : « Même si vous voulez nous ignorer, nous sommes bien là et nous sommes déterminés à tout faire pour nous opposer à vos lois scélérates. » Ce samedi soir, ils étaient 550 000 dans tout le pays à manifester contre le gouvernement, dont 200 000 à Tel-Aviv. Et ils ne lèvent pas le pied. À l'heure où ces lignes sont écrites, les prodémocratie arrivent par milliers à Jérusalem en prévision de nouveaux rassemblements.
La contestation atteint les institutions
À cela s'ajoutent les 10 000 réservistes, dont plus de 1 100 pilotes, qui menacent de ne plus effectuer leurs périodes de réserve volontaires si la refonte judiciaire est votée sans un consensus politique.
À citer également la lettre de quinze anciens responsables de l'armée, de la police et des renseignements, Mossad et Shin Beth, dans laquelle les signataires « tiennent Benyamin Netanyahou pour directement responsable des dommages provoqués par la situation à la sécurité du pays ». Pendant ce temps, à Tel-Aviv, débute la grande manifestation de soutien au gouvernement préparée par le Likoud, les Sionistes religieux et le mouvement de colonisation. Leur objectif : réunir un million de participants.
Éditorialiste de renom, Nahum Barnea n'est pas optimiste. Il estime que « les jeux sont faits ». « Les manifestations, écrit-il, ne vont pas avoir d'influence sur le vote mais c'est ce que les citoyens peuvent faire en démocratie… Reste à espérer que cette formidable fête démocratique ne s'achève, écrasée sous les roues d'une voiture, avec des blessés ou par un meurtre. » Jusqu'à présent, toutes les tentatives pour parvenir à un compromis ont échoué.