Gaza: négociations de trêve au Qatar, Israël mène une opération contre un hôpital
Les efforts des médiateurs s'intensifient mardi pour parvenir à une trêve dans la bande de Gaza, au bord de la famine, où Israël mène une opération contre le Hamas dans le plus grand complexe hospitalier du territoire palestinien.
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Les pourparlers en vue d'une trêve entre Israël et le Hamas assortie de la libération d'otages israéliens et des prisonniers palestiniens donnent des signes de progrès mardi alors que plane toujours la crainte d'une famine dans la bande de Gaza et d'une opération armée dans le secteur de Rafah, où s'entassent 1,5 million de personnes.
Antony Blinken au Moyen-Orient pourt tenter de faire avancer les pourparler
Le chef des services de renseignement israéliens, le Premier ministre du Qatar et des responsables égyptiens devaient se rencontrer lundi à Doha pour parler d'un éventuel accord de trêve à Gaza, a indiqué à l'AFP une source proche des négociations. Selon le site américain Axios, des discussions « positives » ont bien eu lieu et les négociateurs israéliens vont rester à Doha pour continuer les pourparlers « détaillés » avec les médiateurs qatariens et égyptiens.
Le département d'État a de son côté annoncé mardi que le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, se rendrait en Arabie saoudite mercredi et en Égypte jeudi dans l'espoir de débloquer la situation.
Israël avait annoncé vendredi l'envoi d'une délégation à Doha, sans préciser la date, après ce qui apparaît comme un infléchissement de la position du Hamas se disant prêt à une trêve de six semaines après avoir longtemps demandé un cessez-le-feu définitif. « Nous avons accepté qu'il y ait un retrait partiel de la bande de Gaza avant tout échange, et après la première étape, un retrait total », a affirmé lundi l'un des responsables du Hamas, Oussama Hamdan. « Durant la première étape, il y aura un arrêt total des opérations militaires », a-t-il ajouté en évoquant des discussions qui pourrait se poursuivre sur « quelques jours ».
La liste d'otage, point d'achoppement
Sur les quelque 250 personnes enlevées et emmenées à Gaza lors de l'attaque du 7 octobre, 130 seraient encore détenus. Mais parmi eux, 32 seraient morts, selon Israël qui exige du Hamas une liste précise des otages encore vivants. Or le mouvement islamiste palestinien dit ignorer qui est « vivant ou mort » parmi les otages et demande de son côté de pouvoir décider de l'identité des principaux prisonniers palestiniens à être libérés.
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu est sous pression d'une part des familles d'otages, qui l'exhortent à accepter un accord, et d'autre part de membres d'extrême droite de son gouvernement, hostiles à la libération d'un grand nombre de prisonniers palestiniens.
L'opération militaire israélienne lancée en représailles à cette attaque a fait jusqu'ici plus de 31 700 morts, en majorité des femmes et des mineurs, selon le ministère de la Santé du mouvement islamiste. Tôt ce mardi, le ministère de la santé du Hamas a fait état de 78 morts dans la soirée et la nuit à Gaza, incluant 15 personnes dans une résidence à Rafah.
Nouvelle offensive sur l'hôpital d'al-Chifa
Le nord de Gaza a été témoin lundi de violents combats accompagnés de bombardements, autour et dans l'enceinte de l'hôpital al-Chifa, le plus important du territoire situé au cœur de Gaza-Ville que l'armée avait pris d'assaut le 15 novembre avant de se retirer. L’armée israélienne affirme que son offensive contre cet hôpital avait un objectif précis : « traquer des haut-gradés du Hamas, retranchés dans cet hôpital ». Elle affirme avoir « éliminé » 20 combattants palestiniens. Et une fois de plus, les Gazaouis ont été pris dans l'enfer des combats.
D'ailleurs, Washington a confirmé la mort la semaine dernière du chef adjoint de la branche armée du Hamas, Marwan Issa, le plus haut gradé de l'organisation tué depuis le début de la guerre.
État de famine imminent, selon l'IPC
En attendant, l'ONU redoute une famine dans le nord de Gaza d'ici fin mai en l'absence de mesures « urgentes ». La déclaration de l'état de famine sur un territoire déterminé est encadré par des critères stricts. L'ONU se fonde sur ses agences spécialisées basées à Rome, le Programme alimentaire mondial (PAM) et l'Organisation pour l'Alimentation et l'Agriculture (FAO), qui s'appuient sur un organisme technique, le Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire (IPC). L'IPC analyse et classifie la sévérité de l'insécurité alimentaire sur une échelle fondée sur des normes scientifiques internationales. Selon son dernier rapport publié lundi, un habitant sur deux à Gaza se trouve actuellement dans une situation alimentaire « catastrophique », soit 1,1 million de personnes.
Israël a imposé un siège total à la bande de Gaza depuis le début de la guerre et contrôle l'entrée de l'aide humanitaire. Cette aide arrive principalement depuis l'Égypte via Rafah, mais reste très insuffisante face aux besoins immenses de la population. Elle parvient très difficilement dans le nord, où vivent actuellement plus de 300 000 personnes, selon l'ONU.
Ni les parachutages ni une première livraison maritime ces derniers jours ne peuvent compenser l'accès par les routes terrestres, explique Louis-Nicolas Jandeaux, responsable humanitaire pour l'ONG Oxfam, qui a enquêté sur les restrictions imposées par Israël à l'entrée de l'aide dans le territoire. « Globalement, le système d’inspection de l’aide humanitaire arrivant à Gaza est totalement dysfonctionnel et très largement sous-dimensionné. Ce qui fait que les camions à l’entrée des points de passage sont bloqués pendant 20 jours en moyenne avant de pouvoir rentrer dans Gaza, ce qui est absolument titanesque », souligne-t-il au micro de Nicolas Falez, estimant qu'il y a « une privation intentionnelle de l’aide » et « l’utilisation de la faim comme arme de guerre ».
« L'ampleur des restrictions imposées par Israël à l'entrée de l'aide à Gaza, ainsi que la manière dont il continue de mener les hostilités, peuvent équivaloir à l'utilisation de la famine comme méthode de guerre, ce qui constitue un crime de guerre », a déclaré ce mardi Jeremy Laurence, un porte-parole du Haut-Commissariat des droits de l'homme lors du briefing régulier de l'ONU à Genève.
Éviter l'offensive à Rafah
Dans un premier entretien téléphonique en un peu plus d'un mois avec le président américain Joe Biden, Benyamin Netanyahu a réaffirmé lundi qu'il était déterminé à « atteindre tous les objectifs de la guerre » à Gaza incluant « l'élimination du Hamas ».
En dépit des pressions internationales, Israël se prépare à une opération terrestre à Rafah, ville où s'entassent selon l'ONU près de 1,5 million de Palestiniens, pour la plupart des déplacés. Une offensive terrestre majeure sur place serait « une erreur », a déclaré le conseiller à la sécurité nationale américain Jake Sullivan, en assurant qu'Israël ne lancerait pas d'opération avant la tenue, « dans les jours qui viennent », de discussions sur le sujet.
Le président Biden a demandé l'envoi à Washington d'une délégation israélienne pour discuter « des façons de cibler le Hamas sans mener une vaste offensive terrestre à Rafah », a-t-il écrit sur X (ex-Twitter), en disant souhaiter une pause de « plusieurs semaines dans les combats » dans le cadre d'un accord permettant de libérer les otages et d'accroitre l'aide à Gaza.