États-Unis : la vie des femmes noires menacée par la révocation du droit à l’avortement
Alors que la mortalité maternelle est trois fois plus élevée parmi les femmes noires aux États-Unis, la révocation du droit à l’avortement menace leur vie.
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L’analyse de l’avocate américaine Areva Martin, spécialiste des droits civiques.
“Les États-Unis n’ont jamais priorisé, ni même protégé, la bonne santé des femmes noires”, rappelle Areva Martin. Primée pour son action en faveur des droits civiques, l’avocate a été, comme de nombreuses Américaines, profondément ébranlée par la décision de la Cour suprême de supprimer le droit constitutionnel à l’avortement aux États-Unis. Un retour en arrière majeur, qui aura des conséquences particulièrement graves pour les femmes noires, explique-t-elle à Courrier international.
Les inégalités en matière de santé remontent à “l’époque de l’esclavage, poursuit-elle, lorsque les femmes noires servaient de cobayes aux médecins” et perdurent “jusqu’à aujourd’hui, où elles représentent le plus fort taux de mortalité maternelle” parmi les pays industrialisés.
“Une espérance de vie inférieure”
Aux États-Unis, où “la grossesse et l’accouchement comptent parmi les causes principales de mortalité des femmes âgées de 15 à 44 ans”, précise le Washington Post, “les femmes noires ont trois fois plus de risques de mourir en raison d’une grossesse que les femmes blanches”. Les Africaines-Américaines et les Amérindiennes, précise le journal, ont ainsi “une espérance de vie inférieure à celle de bien d’autres Américaines”.
Et “selon une récente étude de l’université Duke, souligne Areva Martin, le taux de mortalité maternelle chez les femmes noires va augmenter de 33 % à cause des restrictions du droit à l’avortement”. Pas étonnant, dès lors, que la députée républicaine Mary Miller ait cru bon de saluer la décision de la Cour suprême comme étant “une victoire pour la vie des Blancs” : “La députée a dit tout haut ce que nombre d’Africains-Américains savent depuis longtemps, estime l’avocate américaine. Ce pays protège en priorité la vie des Blancs par rapport aux minorités et aux populations marginalisées.”
La Cour suprême, “dominée par les hommes blancs”
Ce jeudi 30 juin, la juge Ketanji Brown Jackson devient la première femme noire à siéger à la Cour suprême américaine. Après avoir “essuyé l’audition de confirmation la plus sexiste et raciste de l’histoire de ce pays”, accuse Areva Martin, elle rejoint donc une institution très conservatrice, qui vient de provoquer une onde de choc mondiale en révoquant Roe vs Wade. Composée de six juges conservateurs pour seulement trois progressistes, la Cour suprême est “dominée par les hommes blancs” et entend bien continuer de détricoter certains droits acquis ces dernières années. Le juge africain-américain Clarence Thomas n’a quant à lui pas caché son intention de s’attaquer au mariage entre personnes de même sexe ainsi qu’à la contraception.
L’impact des années Trump
Si la Cour est aujourd’hui si conservatrice, c’est en raison notamment de “la promesse du candidat Trump en 2015-2016 de nommer des juges conservateurs à la Cour suprême opposés à Roe vs Wade”, souligne l’avocate.
“Beaucoup ne l’ont pas cru alors qu’il était très clair, et sa volonté est aujourd’hui une réalité grâce aux trois juges conservateurs qu’il a pu nommer pendant son unique et catastrophique mandat présidentiel.”
Alors que la campagne bat déjà son plein aux États-Unis en vue des élections de mi-mandat du 8 novembre, l’annulation de Roe vs Wade, veut croire Areva Martin, “va galvaniser les jeunes et les électeurs habitués à s’abstenir”, car “c’est un signal d’alarme” qui dépasse le seul cadre des droits reproductifs.
“C’est une question de démocratie. En annulant Roe ‘vs’ Wade, la Cour suprême ne représente pas la volonté du peuple américain.”