L’ambiguïté stratégique américaine sur Taïwan empoisonne les rapports sino-américains
À quelques jours d’un entretien téléphonique entre Joe Biden et Xi Jinping, l’ambiguïté stratégique américaine concernant Taïwan continue d’empoisonner les rapports sino-américains.
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Après la remarque du président américain sur son éventuel voyage à Taïwan, selon laquelle « ce n'était pas une bonne idée pour le moment », Nancy Pelosi a déclaré, jeudi, qu’elle ne l’avait pas entendue. Mais la présidente de la Chambre des représentants des Etats-Unis a suggéré que l’armée américaine devrait « s’inquiéter que notre avion soit abattu, ou quelque chose dans le genre, par les Chinois », tout en refusant de dire si elle s’y rendrait.
« Lorsqu’il s’agit de Taïwan en général... la politique de chaque administration à son égard, tant au niveau des déclarations que de l’action, a toujours été variée », a rappelé, dimanche, le conseiller américain à la Sécurité nationale, Jake Sullivan, pour justifier les commentaires parfois contradictoires de Joe Biden sur ce thème. « D’une certaine manière, cette ambiguïté, cette tension créative, nous a permis de maintenir la paix et la stabilité de part et d’autre du détroit de Taïwan pendant plusieurs décennies. » Cette déclaration, faite au Forum sur la sécurité d’Aspen, dans le Colorado, a eu lieu avant un entretien téléphonique très important entre le dirigeant américain et le président Xi Jinping prévu dans les jours à venir. Au cours de celui-ci, les deux hommes devraient discuter d’une série de sujets allant de la guerre commerciale qui dure depuis quatre ans à la position de la Chine sur l’Ukraine et aux tensions sur le détroit de Taïwan.
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Ces remarques sont également intervenues quelques jours après des informations selon lesquelles la présidente de la Chambre des représentants des Etats-Unis, Nancy Pelosi, pourrait se rendre à Taipei le mois prochain. Mardi, Pékin a averti que les Etats-Unis « assumeraient toutes les conséquences » et feraient face à des « mesures énergiques » si elle faisait ce déplacement. Le porte-parole du ministère des affaires étrangères, Zhao Lijiang, a déclaré qu’un tel voyage « porterait gravement atteinte à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de la Chine » et « aurait de graves répercussions sur les fondements des relations sino-américaines ». La Chine aurait également exprimé, via des canaux privés, « sa plus vive opposition » à ce voyage, laissant entendre une possible réponse militaire si celui-ci devait avoir lieu.
Le président américain a d’ailleurs noté que l’armée américaine ne pensait pas que ce soit « une bonne idée pour le moment ». La Maison Blanche essaie aujourd’hui d'évaluer si les menaces chinoises sont sérieuses ou s’il s’agit d’une nouvelle tentative de faire pression sur Mme Pelosi pour qu’elle renonce à son déplacement.
Incertitude. Le dossier taïwanais s’impose de plus en plus comme le principal sujet de crispation entre Pékin et Washington. La veille de l’intervention de Jake Sullivan, l’ambassadeur de Chine aux Etats-Unis, Qin Gang, qui participait aussi au Forum d’Aspen, a accusé les Etats-Unis de « vider de sa substance » la politique de la Chine unique, en vertu de laquelle Washington reconnaît Pékin comme le seul gouvernement de la Chine. Il a aussi dénoncé la tendance actuelle au sein de l’administration américaine consistant à « renforcer considérablement les liens officiels avec Taïwan en envoyant davantage de fonctionnaires sur l'île ; à lui fournir des armes sophistiquées et à prétendre même que les Etats-Unis défendront Taïwan militairement. » Il faisait ainsi allusion aux propos du président américain qui, en mai, avait déclaré que les Etats-Unis seraient obligés de défendre militairement l'île en cas d’attaque des forces continentales. Ce à quoi le ministre de la Défense chinois Wei Fenghe avait répondu, lors de sa participation au Dialogue du Shangri-La, à Singapour, que son pays se battrait « quoiqu’il en coûte » et « jusqu’au bout » si l’indépendance de Taïwan était l’objectif recherché.
La question de l’indépendance est en définitive la principale préoccupation de Pékin qui, jusqu’à ces dernières années, s’est accommodé bon an mal an de « l’ambiguïté stratégique » de Washington qui laisse la Chine dans l’incertitude de savoir ce que les Etats-Unis feraient en cas d’attaque de l'île, en ne s’engageant ni n’excluant une action militaire. Avec un gouvernement et une opinion publique à Taïwan favorables à une indépendance, il y a une double ambiguïté américaine qui agace plus que jamais les Chinois.