L'usage du vélo comme moyen de transport à Istanbul
C'est un phénomène mondial qui n'épargne aucun pays et qui frappe durement les plus démunis : l'inflation entame le pouvoir d'achat de tous.
Table of Contents (Show / Hide)
Dans une station-service du centre d’Istanbul, Bülent grogne en faisant le plein de son véhicule jaune. Ce chauffeur de taxi affiche un air exaspéré. Le prix de l’essence a encore augmenté. Depuis un an et demi, il a même triplé en Turquie : « Ça n’arrête pas, cette inflation ! Avant, le prix augmentait toutes les semaines. Maintenant, c’est toutes les 24 heures. » Évidemment, Bülent n’a pas le choix, il faut bien que le taxi roule. Alors les économies, il tente de les faire ailleurs, sur son véhicule personnel : « Ma voiture est toujours dans le rouge. Quand je vais à la station-service, je ne mets plus que quelques litres d’essence à la fois. J’essaye de rouler moins. Je n’ai plus les moyens ! Le carburant est devenu un luxe. »
Bülent peste contre l’État, qui prélève plus de 25% de taxes pour chaque litre d’essence – un taux en hausse ces derniers mois. Mais le prix des carburants évolue surtout en fonction de celui du pétrole – dont les importations couvrent plus de 90% des besoins de la Turquie – et du cours de la livre par rapport au dollar, qui s’effondre depuis un an en raison des choix monétaires du gouvernement.
Résultat : les Turcs apprennent à se passer de leur voiture. Dans un sondage Ipsos publié fin juillet, neuf automobilistes sur dix déclarent l’avoir moins utilisée ces derniers temps en raison de la hausse du prix des carburants. Plus de sept sur dix affirment aller au travail en transports en commun, alors qu’ils prenaient autrefois leur propre véhicule. C’est le choix qu’a fait Bekir, comptable dans une entreprise : « Avant, quatre jours sur cinq, je prenais la voiture. Maintenant, ma voiture dort devant chez moi. Si j’en ai absolument besoin, je prends tout juste assez d’essence pour le trajet. En fait, j’utilise ma voiture comme un taxi. Mais 90% du temps, je prends le bus. Ce n’est pas idéal, les bus sont bondés, je dois souvent attendre le prochain ou marcher jusqu’à un autre arrêt. Mais je fais des économies. Et je ne pense pas retrouver mes vieilles habitudes de sitôt. »
Les transports en commun privilégiés
À Istanbul, les statistiques de la mairie confirment les tendances des sondages. Entre juin 2021 et mai 2022, le nombre de voyageurs mensuel dans les transports en commun a bondi de 67%. Cela comprend les bus, les tramways, les bateaux ou encore les métros.
Les Stambouliotes privilégient donc les transports municipaux, moins chers que la voiture, même si le coût de ces transports a lui-même beaucoup augmenté – de 36% en 2022.
L’explosion du prix des carburants et l’inflation générale poussent aussi certains Turcs à vendre leur voiture. Et même, pour une petite partie d’entre eux, à renoncer à toute forme de véhicule motorisé. Adem, technicien vétérinaire, pédale une heure et demie chaque jour, aller-retour, entre son domicile et son lieu de travail : « Tout devenait trop cher, je ne m’en sortais plus, alors j’ai vendu ma voiture et j’ai acheté un vélo. Si je me déplaçais encore en voiture, ça me coûterait 2 000 livres par mois rien que pour l’essence. Là, c’est gratuit ! En plus, je n’ai plus les palpitations cardiaques que j’avais autrefois, j’ai perdu du poids, et je fume moins car je grillais 3 ou 4 cigarettes lors de mes trajets en voiture. Ma santé a gagné au change. »
Son porte-monnaie, sa santé, mais pas forcément sa vie sociale. À cause de l’inflation, Adem confie ne plus pouvoir sortir avec ses amis, sans parler des vacances qu’il ne prendra pas cet été.