Guerre en Ukraine : un renforcement de l'axe Pékin-Moscou ?
Le 6 septembre, la société russe Gazprom a annoncé un nouvel accord avec une grande société chinoise d’hydrocarbures pour régler les factures en roubles ou en yuans. Ce nouveau signe de rapprochement économique entre la Russie et la Chine profite principalement à la devise chinoise.
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Depuis le début de la guerre en Ukraine, et de l'application des sanctions occidentales, la Russie multiplie les accords bilatéraux avec les pays amis pour se passer du dollar. La livre turque, la roupie indienne, le dirham des Émirats arabes unis sont devenus des monnaies appréciées dans les échanges entre la Russie et le reste du monde. Et surtout le yuan chinois. C’est le grand gagnant de cette nouvelle donne monétaire. À la Bourse de Moscou, les échanges en yuans ont explosé, passant de 1% en janvier, avant la guerre, à 20% aujourd'hui. C'est presque autant que le montant des transactions effectuées en euros sur la Bourse de Moscou. La Russie est devenue le troisième plus grand usager du yuan pour le commerce international, après le Royaume-Uni et surtout Hong Kong.
La monnaie chinoise est-elle en passe de détrôner le roi dollar ?
Il y a encore un long chemin à parcourir. La montée en puissance du yuan au détriment du dollar est sensible depuis une dizaine d'années, et c'est vrai qu'elle est amplifiée par la Russie depuis qu'elle a entamé sa guerre contre l'Ukraine. En janvier, avant le déclenchement des hostilités, la Banque centrale russe était déjà le premier détenteur de yuans, avec un montant estimé à 100 milliards de dollars. Ce qui représentait alors 17% de ses réserves. Moscou a cessé de publier ses chiffres, mais d'après l'agence Bloomberg qui a pu consulter un document officiel russe, les réserves en yuan de la Banque centrale russe seraient aujourd'hui équivalentes à 180 milliards de dollars, presque le double par rapport à janvier. Et elles sont amenées à croître, les autorités russes envisagent d'acheter davantage de devises étrangères, surtout des yuans, pour faire baisser le rouble.
Après s'être effondrée, la monnaie russe a très fortement rebondi
Depuis le mois de mars, elle a regagné 40% face au dollar et elle est à nouveau en train de baisser sous l'action de la Banque centrale. Une monnaie forte reflète en général une économie robuste. Dans la Russie actuelle, le redressement spectaculaire du rouble s'explique surtout par l'intervention de la Banque centrale. En mars, elle a remonté fortement les taux d'intérêt et imposé le contrôle des capitaux pour défendre la monnaie. Cette politique a trop bien marché. La remontée du rouble pénalise l'État. La conversion en rouble des revenus d'exportation du pétrole, une marchandise toujours cotée en dollar sur les marchés internationaux, baisse quand le rouble monte. Or, c'est aujourd'hui la principale source de revenus de l'État. D'où le projet d'acheter massivement du yuan pour faire retomber la pression.
La Chine est un vendeur très réservé quand il s'agit de sa monnaie
Cette année, elle a poliment refusé l'accord de swap de devises proposé par Moscou pour faciliter le commerce en yuan et en rouble entre les deux pays. Les récents accords annoncés, comme celui de Gazprom avec China National Petroleum Corporation, sont le fait de grandes sociétés, mais pas des autorités centrales. Pékin redoute évidemment d'être rattrapé par le gendarme américain. Les États-Unis sont encore son premier partenaire commercial. Pékin veut aussi garder la main haute sur sa monnaie. Faciliter l'usage du yuan en Russie, c'est ouvrir une fenêtre pour les capitaux chinois vers l'étranger, et risquer de perdre le contrôle des changes. Pas vraiment dans l'état d'esprit de l'administration chinoise.