Énergie : l'Algérie prête à fournir plus de gaz à l'UE "en cas de difficultés"
Le patron du géant public algérien des hydrocarbures, Sonatrach, s'est dit prêt dimanche à fournir davantage de gaz à l'Europe, en cas de baisse des exportations russes avec la crise ukrainienne, en l'acheminant notamment via le gazoduc Transmed reliant l'Algérie à l'Italie.
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L'Algérie a déjà augmenté ses livraisons et son carnet de commande vers l'Italie. Sa fourniture de gaz vers la « botte » avait dépassé en juillet de 113%, ce qui avait été initialement prévu. Cet été, une visite de Mario Draghi, président du Conseil désormais sur le départ, s'est conclue avec une nouvelle rallonge.
Depuis le début la guerre en Ukraine, Alger a aussi conclu avec Rome une augmentation des exportations de 9 milliards de m3 par an progressivement sur la période 2023-2024. Ce qu'il y avait à prendre a donc sans doute été pris, selon plusieurs spécialistes. D'un autre côté, la part du gaz algérien dans les livraisons vers l’Espagne a elle fortement chuté. Quoiqu'il en soit, les marges de manœuvres sont limitées.
La production algérienne tend à augmenter
Seulement légèrement, mais selon S&P Global, elle devrait passer de 100 milliards de m3 l'an dernier à 103 milliards de m3 cette année. Selon les projections du cabinet, la production devrait encore un peu grimper pour se hisser à 106 milliards de m3 l'an prochain. Mais production ne veut pas dire exportation. L'Algérie consomme une partie importante de son gaz, entre autres pour générer de l'électricité. Par ailleurs, l'Algérie étant à la fois productrice de gaz et de pétrole, une partie du gaz est réinjecté dans les champs pour faciliter l'extraction de pétrole.
De son côté, « la Norvège a accepté d'augmenter sa production de gaz de 10%, c'est une partie du gaz qu'ils injectent en moins dans les champs pétroliers et qui devient donc disponible », explique Thierry Bros, expert énergie et professeur à Sciences Po. Une solution plutôt favorable vu le prix actuel du gaz. Mais, note Thierry Bros, cela représente tout de même un effort politique, effort consenti parce que l'Union européenne est un proche partenaire.
Techniquement, « l’Algérie pourrait faire la même chose », détaille encore ce spécialiste du gaz. Mais, l'Algérie, qui a par ailleurs récemment renouvelé un partenariat stratégique avec Moscou, « ne l'a pas fait ». L'Union européenne n'a pas non plus dégainé ses meilleurs atouts séduction : les 27 discutent d'un éventuel plafonnement du prix du gaz.
De nouvelles exploitations en perspective sur le long terme ?
Pour cela, il faut des financement. Or, les conditions pour les investisseurs étrangers ne sont pas les plus favorables, quoiqu’une loi de 2019 rende les conditions plus accommodantes qu'auparavant. D’ailleurs cet été, un contrat de « partage de production » a été signé par la Sonatrach, l'Italien ENI, TotalEnergies et Oxy, un accord pétro-gazier d'un montant estimé à 4 milliards de dollars.
Un rôle à jouer dans le transit pour l'Algérie ?
Rien n'est sûr. Fin juillet, les ministres de l'Énergie algérien, nigérian et nigérien ont signé un mémorandum d'entente pour un mégaprojet de gazoduc transsaharien. Objectif : acheminer le gaz nigérian vers l'Europe. Mais ce pipeline transsaharien est dans les cartons depuis plus de vingt ans, aucune date n'a encore été donnée et il fait face à un projet concurrent qui passerait au large du Maroc.
On peut par ailleurs se demander si le modèle du pipeline est toujours à privilégier. Certains experts en doutent. « Si la guerre [en Ukraine] a montré une chose, estime Thierry Bros, c'est que le business modèle des pipelines est fini. » Ces installations sont plus vulnérables face aux aléas géopolitiques que le gaz naturel liquéfié. La fermeture l'an dernier du gazoduc Maghreb-Europe, acheminant du gaz algérien vers l'Espagne via le Maroc, en est un autre exemple.