Europe : les défaillances du moteur franco-allemand
C’est un nouvel échec dans le moteur franco-allemand : Paris et Berlin ont annoncé hier, mercredi 19 octobre, le report d’un conseil des ministres conjoint prévu de longue date à la semaine prochaine. C’est un nouveau symptôme de la querelle qui couve depuis plusieurs mois entre les deux pays.
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Paris minimise ce report et l'impute à des questions d'emplois de temps, de ministre en vacances. En revanche, à Berlin, la chancellerie reconnaît l'absence d'accords sur des sujets essentiels. Le plus urgent, celui de l'énergie, sera débattu au niveau des 27 à partir de ce jeudi à Bruxelles lors du conseil qui réunit tous les dirigeants de l'Union. Sur cette question, il n'y pas que la France qui a du mal avec l'Allemagne. Le premier importateur de gaz russe fait cavalier seul depuis plusieurs mois pour pallier la fin des livraisons russes. En achetant massivement du gaz pour reconstituer ses réserves, Berlin a contribué à faire grimper les prix, mettant ainsi les autres importateurs européens de gaz en difficulté. En annonçant ensuite un vaste plan d'aide à 200 milliards d'euros pour soutenir son économie, Berlin a provoqué la stupeur de Paris. Et des autres capitales. Car ce soutien généreux va sans doute aggraver les écarts de compétitivité entre l'Allemagne et les autres pays européens.
Et Berlin continue à bloquer les mesures exceptionnelles proposées par Paris pour faire baisser la pression sur les marchés de l'énergie.
Le gouvernement allemand bloque sur le plafonnement du prix du gaz, et sur la réforme du marché de l'électricité. Elle est réclamée depuis un an par la France et l'Espagne. Dernier point qui fâche : au nom de la défense des intérêts énergétiques nationaux, Olaf Scholz milite pour le projet de gazoduc Midcat entre la France et l'Espagne, projet qu'Emmanuel Macron repousse, officiellement pour des raisons écologiques.
L'autre grosse pomme de discorde entre Paris et Berlin porte sur les projets communs dans le domaine de la défense
Pour que cette Europe de la défense devienne réalité, Paris bataille depuis des années pour la construction de nouveaux outils franco-allemands. Un char et un avion de combat devant remplacer le Rafale et l'Eurofighter. Mais ces chantiers sont au point mort, faute d'accord entre les industriels concernés, chaque pays défendant ses entreprises. La guerre en Ukraine aurait pu précipiter un accord, c'est le contraire qui est en train d'advenir. Dans l'urgence, Berlin préfère acheter américain. L'Allemagne a annoncé au printemps son intention d'importer des F35 américains pour renouveler sa flotte.
Pour résoudre tous ces différends, Emmanuel Macron semble avoir du mal à trouver le chemin du dialogue avec le nouveau chancelier allemand
Olaf Scholz est un taiseux, aux antipodes d'un Emmanuel Macron très disert et europtimiste. Mais cela ne suffit pas à expliquer la panne du dialogue franco-allemand. En arrière-plan, il y a le contexte politique très délicat de la coalition formée par les sociaux-démocrates, les verts et les libéraux. Cet attelage tire à hue et à dia sur les sujets clés comme l'énergie ou la diplomatie.
Ces divergences font écho à une profonde remise en cause des fondements de la prospérité de la nation allemande. En mai, le champion européen des exportations a affiché le premier déficit de sa balance commerciale depuis trente ans. La Russie n'est plus un partenaire fiable pour le gaz, mais aussi pour les débouchés de l'industrie allemande. Cette situation nouvelle pousse Berlin à s'interroger sur sa dépendance à l'égard de la Chine, son principal client hors de l'Europe. Faut-il repenser le modèle de la croissance allemande, et comment ? Un débat majeur et plus pressant aux yeux de Berlin que l'amitié franco-allemande.