Corée du Sud : l'exécutif somme les routiers de reprendre le travail
Pour la deuxième fois en six mois, les chauffeurs routiers sud-coréens sont en grève pour défendre leur salaire minimum. Le président Yoon Suk-yeol a signé ce mardi un ordre exécutif sommant les grévistes tranvaillant dans les cimenteries de reprendre le travail. Du jamais vu depuis 18 ans.
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La grève fragilise une économie sud-coréenne en berne, et aux grands maux les grands moyens : voici en somme la position du président conservateur Yoon Suk-yeol qui a décidé de franchir le Rubicon en utilisant, pour la première fois de l’histoire de la jeune démocratie, une disposition légale forçant des grévistes à reprendre le travail.
Pourquoi cette grève ?
Il s’agit du deuxième mouvement social des routiers sud-coréens en quelques mois. Et l’origine du conflit est la même : la garantie et l’extension d’un tarif de base pour les routiers, qui en Corée du Sud sont des travailleurs indépendants. Depuis 2020, les transporteurs de ciment et de conteneurs en bénéficient, mais ce prix garanti expire à la fin de l’année.
La Fédération coréenne des syndicats de travailleurs du service et du transport publics (KPTU), souhaite que la mesure soit étendue aux camionneurs des secteurs du pétrole, de l’acier, de la chimie, de l’automobile : « Certains routiers travaillent 14 heures par jour et leur chiffre d’affaires en général est autour de 2 000 euros, mais il faut déduire de nombreux frais, explique Park Yeon-soo, représentante de la fédération syndicale à l’origine de la grève. Surtout qu’avec la hausse du prix de l’essence, les revenus ont chuté, ils sont nombreux à toucher environ 720 euros chaque mois, ou certains sont même déficitaires à cause de l’inflation ».
Quelles conséquences économiques ?
Mais à en croire l’exécutif, cette grève commence à coûter cher à une économie sud-coréenne qui traverse des mois difficiles. 300 milliards de won chaque jour (218 millions d’euros), selon le ministre de l’Intérieur Lee Sang-min. Déjà, en juin, un mouvement social d’une semaine avait fait perdre 1,2 milliard de dollars à la quatrième économie d’Asie. Des chiffres qui contrastent avec l’importance de la mobilisation, en apparence assez limitée. Environ 25 000 grévistes sur les 420 000 travailleurs du secteur du transport. Mais bien organisés et efficaces, en bloquant des points logistiques précis, ils perturbent l’approvisionnement de nombreuses matières premières.
Le ministre de l’Économie et des Finances, Choo Kyung-ho, assurait ce mardi 29 novembre que « les livraisons de ciment ont été réduites de plus de 90 % depuis le début de la grève et qu'environ la moitié des sites de construction du pays ont connu des perturbations. » Pour le gouvernement, c'était donc l’épreuve de force, avec une nécessité d’agir, mais hors de question d’étendre le tarif de base à tous les routiers. « Notre principale inquiétude était la sécurité et nous avons constaté que ce tarif de base n’a pas rendu les camionneurs plus prudents », justifie le ministre du Travail Lee Jeong-sik ce mardi 29 novembre. Nous avons pris en compte l’intérêt national et c’est ce qui a justifié notre décision » a-t-il déclaré devant la presse étrangère. Et les négociations entre le ministère des Transports et les syndicats n’ont rien donné. Selon Park Yeon-soo, présente aux discussions ce lundi 28 novembre, « l’exécutif ne souhaitait pas céder et Yoon Suk-yeol avait déjà pris sa décision ».
Quels scénarios ?
Le gouvernement conservateur qui affirme que les grévistes « prennent le pays en otage » a opté pour la méthode forte. Un texte de loi de 2004 permet de contraindre les camionneurs à reprendre le travail. Si les travailleurs du secteur des transports refusent, ils risquent jusqu’à trois ans de prison ferme, une amende maximum de 30 millions de won (21 800 euros) et une suppression de permis de conduire, signifiant l’impossibilité de poursuivre leur profession.
En ne ciblant que les 2 500 routiers du secteur du ciment, les autorités jouent la carte de la division, pour l’instant les syndicats semblent refuser de céder face à « une attaque au droit de grève et une mesure profondément anticonstitutionnelle», assure Park Yeon-soo. Cette décision a entraîné des débats internes, certains se disaient pourquoi pas retourner au travail et ensuite organiser une nouvelle grève plus tard, mais finalement, nous avons décidé de ne pas céder. Nous devons rester unis face à ces politiques antisyndicales du gouvernement », conclut la syndicaliste.
La journée du mercredi 30 novembre sera décisive, car l’exécutif doit mettre en œuvre sa décision et est censé contraindre de gré ou de force les grévistes à reprendre le travail.